Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 18 janvier 2024 à 15h00
Assurer une justice patrimoniale au sein de la famille — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

La présente proposition de loi en a surpris plus d'un. J'avoue avoir été moi aussi surprise, puisqu'il s'agit de réparer certaines injustices, qui m'étaient inconnues, tenant à des dispositions du droit civil et du droit fiscal. Notre droit permettait – permet toujours, mais j'espère que nous serons au rendez-vous pour corriger cela – à l'époux condamné pour le meurtre de son conjoint de continuer à bénéficier des avantages matrimoniaux résultant d'un contrat conclu avant le décès. C'est particulièrement incongru, inconvenant, indécent même.

Ce texte de bon sens tend à corriger des situations qui ne sont, somme toute, pas si banales. Par exemple, si une donation au dernier vivant a été consentie dans la cadre du régime de la communauté universelle, l'époux survivant – qui est à l'origine du décès de son compagnon ou de sa compagne, rappelons-le – hérite de tout. Ce n'est pas normal, car cela peut conduire à vider la succession de la personne assassinée et à léser ses héritiers propres. Il s'agit d'un angle mort, extrêmement regrettable, de notre législation civile.

Le texte a même été amélioré en commission. Le dispositif initial ne concernait que les régimes communautaires ; désormais, c'est l'ensemble des régimes matrimoniaux qui sont visés. Ensuite, la référence à l'ingratitude a été supprimée, le texte visant dorénavant les cas qui justifient une indignité successorale, notion plus sécurisante juridiquement – j'ai vu néanmoins que nous y reviendrons lors de la discussion des amendements. Enfin, la nouvelle rédaction distingue, d'une part, les cas dans lesquels la déchéance matrimoniale s'applique de plein droit car un époux est reconnu coupable d'avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son conjoint et, d'autre part, ceux où cette déchéance est laissée à l'appréciation du juge.

Aux termes de l'article 2, une dissociation a posteriori du foyer fiscal peut être opérée. Il s'agit ici de prévoir qu'une personne séparée de son conjoint et qui n'a pas participé à la fraude commise par celui-ci ne constitue plus une partie du foyer fiscal, et n'est donc pas redevable, quels que soient son patrimoine et sa situation financière, des impositions dues par ce foyer fiscal. C'est évidemment plus protecteur pour la personne de bonne foi. C'est aussi plus juste, et donc souhaitable.

Jusqu'à présent, l'époux ou l'épouse honnête pouvait être contraint d'honorer les dettes de son ex-conjoint, même s'il était avéré qu'il ou elle était extérieur à la fraude. Grâce à ce texte – que nous allons, je l'espère, adopter dans quelques minutes –, il sera exonéré de tout paiement s'il peut démontrer qu'il est totalement extérieur à la dette. Il s'agit tout simplement d'éviter aux ex-conjoints d'avoir à se séparer de leurs biens propres pour payer une dette fiscale dont ils ne connaissaient pas l'existence et qui provient d'une fraude fiscale dont ils n'ont pas tiré profit.

Il n'est pas utile que je m'étende davantage. Je remercie M. Ott et Mme Goulet d'avoir débusqué ce vide juridique et proposé des solutions visant à mieux protéger les personnes concernées – essentiellement des femmes, nous en conviendrons – en revenant sur certaines injustices du droit de la famille. Ce texte est nécessaire ; je le voterai, bien évidemment.

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