Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Cette proposition de loi n'est pas anodine ; elle soulève des interrogations légitimes dans différentes sphères du droit des affaires comme du monde des entreprises, à l'heure où les contraintes qui pèsent sur celles-ci sont de plus en plus fortes, en matière de protection des données ou de lutte contre le blanchiment comme de règles environnementales.

J'ai pris le temps de consulter les représentants des juristes d'entreprise, et j'entends leurs arguments, qui reposent sur leur pratique quotidienne. Mais la réforme proposée n'est pas sans risque pour la profession d'avocat. Le Conseil national des barreaux comme la Conférence des bâtonniers s'y opposent sans ambiguïté.

Sur la forme, cette proposition de loi reprend un amendement du Gouvernement adopté lors de l'examen de la loi d'orientation de la justice, mais censuré comme cavalier législatif. S'agissant d'une initiative gouvernementale, un projet de loi n'aurait-il pas été préférable, d'autant qu'il aurait été assorti d'une étude d'impact ? Celle-ci aurait pu étayer votre thèse selon laquelle l'introduction du legal privilege serait un moyen de gagner en compétitivité : comment, aujourd'hui, l'affirmer avec assurance ? Il aurait à tout le moins été utile de saisir le Conseil d'État.

Sur le fond, c'est la stricte séparation entre avocats et juristes d'entreprise qui justifie en France l'absence de privilège de confidentialité pour les consultations des juristes. Nous sommes attachés à cette distinction. Nous rejoignons les avocats, qui soulignent les risques d'abus et de dissimulation de preuves : on touche ici aux fondements de l'État de droit. Nous prenons acte du choix d'exclure les matières pénale et fiscale afin de préserver l'ordre public, mais ne serait-il pas judicieux d'exclure aussi les procédures administratives, afin d'éviter que ne soient jugées confidentielles des consultations qui inciteraient à manquer à des obligations légales ?

De plus, vous ne prévoyez aucune contrepartie, aucune garantie déontologique à cette nouvelle confidentialité : une simple formation initiale ne nous apparaît pas suffisante.

Les avocats, à la différence des juristes, sont soumis à des règles déontologiques strictes et contrôlées par un ordre professionnel ; ils sont aussi indépendants vis-à-vis de leurs clients. Le juriste salarié est au contraire subordonné à son employeur.

Notre groupe est donc très réservé.

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