Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Depuis des années, ce dossier ne cesse de nous être présenté. Nous mesurons ainsi l'obstination du lobby des juristes d'entreprise. Le dispositif de confidentialité prévu par cette proposition de loi avait d'ailleurs été inséré à la hâte dans le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice par un amendement d'un sénateur centriste avant d'être censuré par le Conseil constitutionnel, qui a jugé qu'il s'agissait d'un cavalier législatif tout en soulignant qu'une telle mesure n'était pas exempte de problèmes constitutionnels.

Un groupe de travail des états généraux de la justice avait proposé de réfléchir sur la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise, ses justifications et ses conséquences. Les choses se sont ensuite emballées et on se retrouve maintenant avec cette proposition qui nous est présentée sans étude d'impact et sans avis du Conseil d'État et qui n'est donc pas documentée sur les besoins réels.

Le seul argument est celui de la compétitivité juridique avec les autres États, principalement le Royaume-Uni et les États-Unis. Le rapport de Raphaël Gauvain, dont il est fait souvent mention, ne comporte aucune donnée et ses affirmations sont invérifiables. L'absence de confidentialité de l'avis des juristes d'entreprise serait l'une des principales motivations des entreprises à délocaliser leur direction juridique, mais il n'existe aucune monographie disponible ni aucune étude adossée à cet argument. Les auditions ne nous ont pas davantage convaincus sur le caractère nécessaire et attendu de ce dispositif. Le Medef, lors de son audition, a convenu que ce n'était pas une demande pressante. Je le constate d'ailleurs localement. Nous avons récemment reçu une note transmise par le Medef sur les mesures à prendre pour notre économie et elle n'évoque pas ce sujet.

Ce texte présenterait un risque d'inconstitutionnalité en constituant un obstacle supplémentaire à l'œuvre de justice : ce sont des magistrats qui le disent. Le dispositif risque en effet d'entraver les enquêtes administratives et, par voie de conséquence, de limiter l'action pénale dans les domaines essentiels de la concurrence, du droit des marchés et des capitaux et de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il rend l'accès des justiciables à la preuve plus difficile et remet en cause la protection des lanceurs d'alerte et du droit à l'information des citoyens. Les régulateurs, qui participent puissamment à l'œuvre de la justice et à la lutte contre la corruption, s'opposent tous à cette disposition.

En outre, le texte attribue au JLD, qui semble être le recours pour tous les dossiers, la décision sur la demande de levée de confidentialité. Est-ce bien raisonnable au vu de l'état de notre justice ?

Enfin, s'ajoute la cohabitation du secret professionnel de l'avocat et de la confidentialité du juriste d'entreprise, qui ne sera pas simple. Il nous importe de pouvoir mesurer l'application des propositions de loi que nous examinons.

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