Intervention de Caroline Yadan

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Yadan :

« Au métier qu'il connaît, que chacun se consacre », nous rappelait Cicéron. C'est bien l'objet de cette proposition de loi dont Jean Terlier – j'en profite pour saluer l'exceptionnelle qualité de son travail – est rapporteur.

Les juristes d'entreprise et leurs représentants que nous avons pu auditionner partagent la préoccupation de pouvoir pratiquer efficacement leur métier et de préserver la manière de l'exercer. Le rôle des juristes d'entreprise est plus que jamais important car, de plus en plus, les entreprises françaises doivent répondre à des exigences de conformité, dans de très nombreux domaines : gouvernance, protection des données, responsabilité sociale et environnementale, lutte contre le blanchiment de capitaux, entre autres. Toutefois, parmi la grande majorité des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France fait exception par l'absence de toute confidentialité des avis des juristes d'entreprise.

L'article unique de la proposition de loi vise à conférer un caractère confidentiel aux consultations des juristes d'entreprise sans créer une nouvelle profession réglementée. Cette confidentialité est très encadrée : obligation, pour le juriste, de détenir un diplôme de niveau master et de respecter des règles déontologiques ; exclusion des procédures pénales et fiscales du champ d'application ; définition stricte des conditions de levée de la confidentialité ; recours obligatoire à un avocat en cas de contestation de la confidentialité.

Je tiens donc à rassurer nos collègues qui pourraient s'inquiéter de cette proposition de loi : non, elle ne permettra pas de créer une nouvelle profession réglementée, non, elle n'a pas pour objectif de créer un statut d'avocat en entreprise et, enfin, non, la confidentialité ne constitue pas un nouveau secret professionnel attaché à la personne du juriste d'entreprise.

La reconnaissance du caractère confidentiel des consultations des juristes d'entreprise entend répondre à trois objectifs majeurs.

Ce dispositif permettra tout d'abord de renforcer la filière des juristes d'entreprise français et l'attractivité de la France. En effet, de nombreuses directions juridiques choisissent de s'établir en dehors de nos frontières ou de se tourner vers des juristes étrangers – anglo-saxons, bien souvent – du fait de l'absence de confidentialité en France.

Ensuite, ce dispositif nous protégera de l'application extraterritoriale par certaines autorités étrangères, notamment américaines, de leur droit national. Raphaël Gauvain le faisait d'ailleurs observer dans son rapport : « cette lacune fragilise nos entreprises et contribue à faire de la France une cible de choix et un terrain de chasse privilégié pour les autorités judiciaires étrangères. »

Enfin, avec l'émergence de la culture de la conformité et la multiplication des règles auxquelles les entreprises doivent se conformer, leur cadre juridique a évolué. En l'absence de confidentialité des consultations, le juriste d'entreprise se trouve exposé à un risque d'auto-incrimination, qui est prohibée par le droit français, dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative.

Cette proposition de loi présente une évolution nécessaire de notre droit non seulement pour faciliter les conditions de travail des juristes d'entreprise, mais également pour protéger leur exercice face à la concurrence internationale.

Le groupe Renaissance proposera plusieurs amendements visant à préciser le champ d'application du texte et les dispositions transitoires et votera avec enthousiasme en faveur de cette proposition de loi.

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