Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du mercredi 31 janvier 2024 à 21h30
Encadrer l'intervention des cabinets de conseil privés — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Notre assemblée est saisie ce soir de la proposition de loi encadrant le recours aux cabinets de conseil privés dans la conduite des politiques publiques. Il était temps, alors même que nos concitoyens doutent – c'est un euphémisme – de notre capacité collective à assurer et à assumer la transparence et des règles déontologiques plus fortes, dans tous les domaines de la vie publique. Il était temps, alors que la parole politique se voit ébranlée par des lames de fond que le pouvoir néglige, voire méprise.

Cette proposition de loi sénatoriale ne vient pas de nulle part, madame la ministre. De nombreux travaux parlementaires ont eu lieu dès 2014. La Cour des comptes s'est saisie et a été saisie par les citoyens de ce sujet. Plusieurs ouvrages, grâce à des enquêtes fouillées, ont exposé sans concession les dérives des interventions du conseil privé pour le compte des États, voire des mélanges qui confinent parfois à une forme de consanguinité. C'est tout cela que le travail remarquable de nos collègues sénateurs Éliane Assassi et Arnaud Bazin a mis en lumière. Il y a là des pratiques non seulement inacceptables, mais dangereuses pour notre démocratie et notre République.

Comment ne pas rappeler ce fameux rapport, payé 500 000 euros à McKinsey, sur un colloque qui ne s'est jamais tenu consacré à l'avenir des professeurs au XXIe siècle ? Ou bien la mise à disposition pour quarante-cinq jours d'un agent de liaison du même cabinet McKinsey, moyennant 169 000 euros, pour éviter les frictions entre le ministère de la santé et Santé publique France, dont la direction alerte et crise est pourtant censée remplir cette mission ?

Au-delà de ces exemples emblématiques, qui font pour certains l'objet d'une saisine du parquet national financier (PNF), ce qui pose problème, c'est que cette pratique fait système ; c'est que ce recours obéissait à une dynamique incontrôlée ; c'est qu'il s'agit d'une véritable addiction.

En fait, nous sommes devant une alternative : soit l'on pense, ce qui est mon cas, qu'il faut redonner à la fonction publique les moyens d'exercer toutes ses missions, soit l'on pense, comme le Président de la République et sa majorité, que le privé est toujours plus efficace et plus efficient – le recours aux cabinets de conseil devenant par conséquent une habitude de la start-up nation –, alors même que la commission d'enquête du Sénat a révélé des prestations de qualité inégale, voire médiocre.

Le seul dogmatisme ne peut expliquer cette habitude. C'est un choix assumé pour promouvoir une politique de casse des services publics, une politique d'intégration des fameuses « méthodes du privé » au cœur des administrations centrales. Il n'y a pas de hasard : les cabinets de conseil privés ont été les porte-flingues du Gouvernement quand il s'est agi de réduire les aides personnalisées au logement (APL) – objet d'une mission de McKinsey – ou d'enfoncer des coins dans les dispositifs de solidarité de l'assurance chômage – objet d'un rapport du cabinet Ernst & Young.

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