Intervention de Nicolas Munier-Jolain

Réunion du mardi 24 octobre 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Nicolas Munier-Jolain, ingénieur de recherche à Inrae et coordinateur du projet européen IPMWorks :

La transmission des pratiques « par-dessus la haie » prend du temps. Je rappelle qu'au moment du lancement du plan Écophyto, il y a treize ans, il n'était pas évident que les produits phytosanitaires pourraient être réduits tout en maintenant une agriculture productive et efficace. Les agriculteurs pensaient qu'il leur serait impossible de réduire le recours à ces substances considérées comme indispensables. Le réseau Dephy a démontré qu'il était possible de diminuer l'usage des produits phytosanitaires. Ce processus s'inscrit dans la durée, car il implique de faire évoluer les mentalités des agriculteurs et de vérifier les conséquences des changements dans le temps.

Par ailleurs, nous ne prétendons pas que la réduction des phytosanitaires soit simple dans toutes les régions et dans toutes les cultures. Elle est plus facile à mettre en œuvre en polyculture-élevage ou en culture sous serre, grâce au biocontrôle. En revanche, cette évolution est plus difficile à appliquer dans les cultures de plein champ.

Un autre point essentiel tient à la nécessité d'accompagner les agriculteurs dans ce changement de pratiques. Ils doivent être épaulés par les filières, notamment en matière de diversification des cultures, un aspect central de la réduction des phytosanitaires. La diversification des cultures implique de créer des marchés, et cela représente un travail coûteux pour les filières.

J'observe également que cette évolution des pratiques ne sert pas les intérêts économiques de toutes les parties prenantes. Ainsi, la diversification des cultures se traduit par une baisse de la production de céréales, compensée par l'accroissement de la production de légumineuses et de fourrage. Cette orientation peut être positive pour la balance commerciale, mais ne satisfait pas les acteurs du commerce international de céréales ou de tourteaux de soja. Des intérêts financiers sont donc en jeu.

Enfin, il ne suffit pas de démontrer que la réduction des produits phytosanitaires est possible pour inciter les agriculteurs à changer. En réalité, le plan Écophyto repose presque exclusivement sur la motivation des agriculteurs à modifier leurs pratiques. Tant qu'il n'y aura pas d'incitations financières à s'engager dans la réduction des produits phytosanitaires et la reconception des systèmes, il ne sera pas possible d'opérer des changements en profondeur. Il faudrait donc impulser des évolutions de marché pour promouvoir les produits agricoles cultivés de manière plus vertueuse.

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