Intervention de Jean-Paul Bordes

Réunion du mardi 10 octobre 2023 à 14h15
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Jean-Paul Bordes, directeur général de l'association de coordination technique agricole (Acta) :

Je pense que cela pèche aux deux extrémités de la chaîne.

On échoue en aval, sur le plan de la massification parce qu'on entre dans un univers qui est plus complexe. Il y a la dimension sociale, la dimension du changement, la dimension de la reconception du système de production. Face à cela, un agriculteur ne prend pas une décision du jour au lendemain. C'est un processus de maturation. Il faut croiser ces enjeux avec la situation de l'agriculteur. Est-il en fin de parcours ? Dans ce cas, il va se demander s'il est intéressant de tout changer. Ou alors avons-nous affaire à quelqu'un qui a envie d'investir, de faire autre chose ? Il y a une diversité de publics, qui a toujours existé, mais que l'on voit par exemple au travers des résultats du réseau des fermes Dephy. Évidemment, on communique beaucoup sur les moyennes, mais regarder les nuages de points, c'est assez intéressant. On voit que derrière une moyenne se cache une très grande diversité de situations avec des gens comme ceux que vous avez côtoyés, qui vont très loin, et puis des gens qui régressent même par rapport à leur objectif.

On est confronté à un changement qui nous fait entrer dans la complexité. Auparavant il y avait une recette, une pratique dominante. Dans cette nouvelle ère, l'adaptation aux conditions locales devient essentielle. Je vais vous donner un exemple technique. Le désherbage mécanique, que l'on travaille depuis de nombreuses années, dépend directement de la texture du sol, argileux ou pas, humide ou pas, chargé en cailloux. Il y a ainsi beaucoup plus de complexité dans les solutions alternatives.

J'identifie aussi des manques en amont. On a beaucoup fonctionné avec ce que l'on connaissait. On parle d'échec, mais je pense que nous avons fait évoluer les choses sur le volet de l'optimisation et de la substitution. Nous avons tiré beaucoup d'agriculteurs vers des façons de travailler un peu différentes, avec d'autres outils. En revanche, l'étape du changement du système de production est beaucoup plus complexe à gérer.

Du côté de la recherche, on est en carence de solutions et d'innovations. Regardez la robotique, qui est probablement une solution intéressante pour régler la question du désherbage, parce qu'on allie l'efficacité et le désherbage mécanique, l'absence de produits phytosanitaires avec des débits corrects. On a commencé à se poser la question en 2015. Aujourd'hui, on voit les premiers prototypes, mais il reste du chemin à parcourir. Le temps de maturation de l'innovation est parfois aussi important, sinon plus important, que le temps qu'il a fallu pour fabriquer cette innovation. On sous-estime toujours cet aspect.

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