Intervention de Sandrine Rocard

Réunion du jeudi 21 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Sandrine Rocard, directrice générale de l'Agence de l'eau Seine-Normandie :

Je souhaiterais revenir sur la première question que vous évoquiez, celle de l'impact du stress hydrique sur l'accès à l'alimentation en eau potable. Les aspects de qualité et de quantité sont intimement liés et on ne peut pas se permettre de traiter ces sujets en tuyaux d'orgue. D'après les scénarios futurs, nous aurons une baisse tendancielle du débit des cours d'eau de 10 à 30 %. Ce sont les projections pour le bassin à l'horizon 2070-2100. Cette situation réduira la capacité de dilution des polluants dans les cours d'eau. Ce seront autant d'eaux brutes qui seront potentiellement plus polluées, y compris par les produits phytosanitaires. C'est très clair.

Par ailleurs, nous avons ce problème d'abandon régulier de captages d'eau potable. Je peux vous donner quelques chiffres pour le bassin Seine-Normandie. Nous avons plus de 6 800 points de prélèvement destinés à l'alimentation en eau potable. En 2022, plus de 1 700 de ces points de prélèvement avaient dû être abandonnés. Environ 40 % des abandons sont liés à des pollutions diffuses d'origine agricole. Tous ces abandons de captage nous privent de ressources en eau pour l'alimentation en eau potable, alors que l'eau sera de moins en moins disponible, notamment en période estivale, pour les différents usages. L'usage d'alimentation en eau potable est effectivement prioritaire.

Vous posiez la question de la lisibilité, de la multiplicité des acteurs et finalement de la place des agences de l'eau. Portent-elles uniquement le sujet « eau » ? Nous avons fait la démonstration que nous sommes capables d'intégrer les différentes politiques sectorielles dans nos enjeux. C'est même tout l'objet de nos politiques : intégrer les politiques sectorielles en matière d'agriculture, d'urbanisme, de transports, etc. C'est quelque chose que l'on peut faire dans nos instances de bassin. Nous animons une gouvernance très importante au niveau du bassin et au niveau territorial, où nous retrouvons l'ensemble des acteurs concernés, la fameuse multiplicité d'acteurs dont vous parliez, à commencer par les collectivités, les services de l'État qui portent les enjeux sanitaires, agricoles ou environnementaux, la profession agricole à travers une représentation par les chambres de l'agriculture et la Fédération nationale de l'agriculture biologique.

Dans nos comités de bassin, nous regroupons l'ensemble des acteurs qui portent les différentes politiques et nous essayons d'animer cette gouvernance pour qu'elle aboutisse aux résultats que nous souhaitons. Au niveau territorial, cette même gouvernance doit être mise en place, et les agences de l'eau y travaillent aussi, autour de projets de territoires qui soient cohérents sur des bassins versants donnés, sur des zones à enjeux donnés, pour arriver à dégager les politiques les plus efficaces.

Il y a des interactions avec le niveau national aussi. Vous vouliez savoir s'il fallait agir globalement ou localement. Il existe de fortes interactions entre le niveau de bassin territorial et le niveau national qui doit nous donner la cohérence, nous aider à construire le cadre et les outils réglementaires à la main des préfets, pour bien articuler ce que chacun fait. Les bassins ont été amenés à faire remonter des propositions, notamment dans le cadre du plan Eau récemment, mais aussi sur d'autres sujets, y compris au niveau national.

Votre dernier point portait sur la traçabilité de l'usage des molécules. Effectivement, nous sommes assez démunis, au sein des agences de l'eau. Notre meilleur moyen d'approcher cette traçabilité est le Nodu. C'est l'indicateur de pression utilisé dans le cadre du plan Écophyto ; nous pouvons le suivre au niveau des bassins et ainsi, avoir une idée des usages agricoles. C'est une approche indirecte, fondée sur la quantité de substances actives vendues, mais modulée quand même par l'efficacité du produit et l'usage du produit qui est recommandé. Je reconnais que c'est très imparfait.

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