Intervention de Guillaume Choisy

Réunion du jeudi 21 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Guillaume Choisy, directeur général de l'Agence de l'eau Adour-Garonne :

Je réponds à la première question, relative au stress hydrique. Un excellent article a été publié il y a quelques jours dans Le Monde sur le sujet. Dans un bassin comme le nôtre, où 60 % de la population et tout le bassin de la Garonne – Toulouse compris – sont alimentés par des rivières sans aucune substitution possible, des difficultés se font jour lorsque la température de l'eau approche les 35 degrés.

Ces difficultés sont de deux ordres.

Quand je suis arrivé à ce poste il y a six ans, on disait que les problèmes de bactéries étaient derrière nous. Nous voyons qu'avec le changement climatique, nous les retrouvons de façon très importante. Cet été, nous avons battu des records de difficultés de gestion de la bactérie sur notre bassin, sur des départements comme le Tarn-et-Garonne et l'Aveyron, même au-delà, et de façon massive. Quand l'eau dépasse les 25 degrés, nous avons des problèmes avec la chloration de l'eau, le chlore perdant son efficacité ; nous avons ainsi du mal à maintenir la qualité de l'eau, même en rajoutant des points de chloration. En outre, plus on injecte de chlore, plus on a de chlorites ; or, la directive européenne sur l'eau souligne que ces substances sont à surveiller sur le plan sanitaire.

La deuxième problématique est liée à l'effet de concentration. Dans le Gers, nous avons été obligés de mettre en place des systèmes de microfiltration et de filtres à charbon. Les filtres à charbon durent en principe entre deux à cinq ans dans les stations des villes moyennes. Dans le Gers, 38 % des surfaces agricoles sont en bio, mais nous n'avons pas réussi à diminuer pour autant la masse des pesticides en raison de la rémanence des herbicides. Nous avons donc encore besoin de traiter de façon massive : un filtre à charbon dure six mois au grand maximum ; passé ce délai, il n'est plus efficace parce qu'il est saturé. Cette situation entraîne des coûts de fonctionnement importants. Si nous savons nous adapter pour les investissements, c'est moins vrai pour les coûts de fonctionnement, qui explosent.

Pour répondre à votre question sur le Nodu, nous comptons un million de molécules aujourd'hui dans la Garonne. Je vous remettrai un rapport tout à l'heure. Nous avons organisé un séminaire en juillet dernier à Bordeaux, avec des scientifiques qui nous ont expliqué qu'un million de molécules habitaient nos rivières. Nous en suivons à peu près 300, ce qui nous coûte 20 millions d'euros chaque année. Les plus importantes et les plus massives sont d'origine agricole. Nous constatons une baisse des molécules dites « CMR 1 » – les plus cancérigènes – de 40 % sur le bassin et aussi une baisse du nombre de molécules utilisées en agriculture de l'ordre de 7 %. Mais il va falloir que l'on s'intéresse assez rapidement à l'impact des molécules du biocontrôle sur le milieu.

La question suivante portait sur les moyens. Monsieur le député, dans votre rapport, vous indiquez qu'il faudrait arriver, pour être efficace, à 1,5 % du produit intérieur brut agricole. Nous n'y sommes pas encore… Il est ainsi probablement nécessaire de mobiliser des moyens supplémentaires en faveur de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires.

Comment développe-t-on l'agroécologie ? Quand on arrive à une diminution significative, sur l'ensemble des exploitations, de l'ordre de 20 à 25 % des produits phytosanitaires utilisés, quand on arrive à peu près à 30 ou 35 % d'agriculture bio sur un territoire, on constate des résultats, mais seulement après quinze ans, en raison de la rémanence. Aujourd'hui, l'une des molécules que l'on retrouve le plus, c'est l'atrazine. Je suis sûr qu'il n'y a pas un agriculteur qui l'utilise depuis 2003, mais elle est encore présente, y compris dans les autres surfaces, et elle descend. On la retrouve par exemple en Charente-Maritime, à 300 mètres de profondeur. Tout cela est lié à la rémanence dans les sols.

Dans un bassin comme le nôtre, environ 20 % des moyens sont consacrés à l'agriculture, financés à moitié par la RPD et à moitié par les redevances sur le secteur domestique. Il y a donc un effort collectif en faveur de l'agriculture. Ce sont souvent des mesures de prévention, parfois aussi des mesures curatives. 40 % de ces moyens sont consacrés à des mesures agro-environnementales ou de reconversion à l'agriculture biologique. Par ailleurs, 25 % de ces montants sont investis dans l'adaptation des filières pour diversifier et réduire, par exemple, les monocultures de maïs. Un minimum d'irrigation est parfois nécessaire pour sécuriser cette agroécologie. C'est vrai pour le soja, les productions de protéines, les filières de chanvre. On a besoin de l'eau, souvent de volumes moins importants, mais plus longtemps dans la saison. Au mois d'août, dans un bassin comme le nôtre, les rivières ne sont pas capables de supporter beaucoup d'irrigation, elles sont en seuil très bas. Cela suppose donc des mesures de sécurisation, comme la substitution ou le stockage.

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