Intervention de Guillaume Choisy

Réunion du jeudi 21 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Guillaume Choisy, directeur général de l'Agence de l'eau Adour-Garonne :

Je vous présente en quelques mots le bassin de Haute-Garonne, un bassin du Sud-Ouest qui représente 23 % du territoire métropolitain. Ce bassin comprend 128 000 kilomètres de rivières, avec une densité de la population relativement faible puisque que 77 % du territoire est en zone de revitalisation rurale (ZRR). La moitié de ces masses d'eau sont en bon état. La spécificité de notre bassin est que près de deux tiers de l'alimentation en eau potable se fait par les rivières, ce qui induit une dépendance plus forte à la fluctuation de la qualité et de la quantité des eaux au sein du territoire.

Les départements et le territoire sont très agricoles. Ils accueillent un tiers des agriculteurs français sur des exploitations de taille plutôt modeste, autour de 40 hectares, avec en revanche une faible valeur ajoutée produite par rapport à l'ensemble de ferme France. Je crois que nous représentons à peu près 18 % du produit intérieur agricole français.

Les pesticides suscitent une question prégnante, qui a fait l'objet d'un travail de concertation. Je pense que nous ne sommes aujourd'hui pas sans solution : nous avons expérimenté des solutions qui demanderont d'être massifiées si nous voulons tendre vers la qualité de l'eau. Le bilan des actions conduites est ainsi mitigé. Ce n'est probablement pas satisfaisant en termes de résultats, mais il faut avoir en tête que ce sont des changements qui prennent du temps.

Les masses d'eau en déficit qualitatif sont, pour 40 % d'entre elles, impactées par des problèmes de qualité dus aux rémanences de pesticides.

La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui est aussi le résultat des politiques Pisani. Notre politique de reconnaissance de l'agriculture est probablement un peu singulière par rapport à d'autres pays. Elle est largement fondée sur la performance, notamment celle de l'élevage laitier, en termes de production, et la performance à l'hectare. Dans notre bassin, le travail mené avec l'agence de l'eau Loire-Bretagne, les régions et le centre national de la recherche scientifique (CNRS) montre que lorsque l'on baisse l'impact global des pesticides sur un territoire, on ne défavorise pas économiquement les exploitations. Quand ces dernières réduisent leur usage de pesticides de 25 %, elles augmentent leur rentabilité d'exploitation. Il faut cependant adopter une vision pluriannuelle et pas forcément annuelle.

C'est un point important. Les fermes Dephy ou le plan Écophyto l'ont aussi démontré. Nous devons réussir à sortir de ces choix-là, qui sont des choix politiques. Il faut regarder de quelle manière on peut arriver à une adéquation entre les besoins des filières et ce que peut absorber l'environnement – et sur un bassin comme le nôtre, ce ne sont pas tant les fongicides que certains herbicides qui posent problème. Un travail de filière et de mise en cohérence de la politique agricole commune (PAC) et de la directive-cadre sur l'eau doit être conduit, avec des moyens financiers supérieurs à ce qu'ils ont été jusqu'à aujourd'hui. La PAC représente 9 milliards d'euros par an et le plan Écophyto, seulement 70 millions d'euros. La mobilisation et les résultats sont peut-être aussi à la hauteur de ce que l'on a mobilisé par le passé.

Pour obtenir des résultats, il faut se donner le temps, quand on massifie des politiques de filières. Dans l'aire d'alimentation des captages de Coulonges, qui alimente Rochefort et La Rochelle en eau, nous avons baissé de 25 % le taux de nitrates au cours des cinq dernières années. Nous avons stabilisé l'impact des phytosanitaires, notamment des herbicides qui nous posaient problème sur ce territoire. Nous y parvenons grâce à des politiques fortes et concertées menées avec l'ensemble des coopératives, des acteurs économiques, des agriculteurs, des collectivités locales. Aujourd'hui, plus de mille exploitations dédiées au cognac fonctionnent sans herbicide.

Nous avons passé cette année plusieurs auditions auprès de la Banque mondiale, avec le Medef et des acteurs économiques. Je pense qu'il ne faut pas manquer ce virage, en France et en Europe, qui emporte des potentialités importantes de développement économique. Demain, les modes de production qui dégraderont la qualité de l'environnement, notamment l'eau et la biodiversité, donneront des produits peut-être invendables sur le marché, car ils seront également dégradés. Il faut s'y adapter. Le potentiel économique de l'agroalimentaire français se joue sur cette transition.

Pour y arriver, l'adéquation des moyens et de la règlementation est un axe essentiel à promouvoir. Jusqu'ici, non seulement nous avons eu des moyens qui n'étaient peut-être pas complètement à la hauteur de l'ambition mais, en plus, sur un plan réglementaire, nous avons trop souvent privilégié des interdictions nationales, pas toujours adaptées dans tous les territoires. Il faut probablement redonner du poids et du pouvoir à des préfets de bassin qui ont effectivement une connaissance et une capacité à adapter la réglementation des molécules susceptibles de poser problème, territoire par territoire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion