Intervention de Jean-Luc Volatier

Réunion du jeudi 21 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Jean-Luc Volatier, adjoint au directeur de l'évaluation des risques, domaine « observatoires, données et méthodes » :

Nous avons émis des recommandations et mis en place une campagne exploratoire air avec Atmo. Nous sommes favorables à la mise en place d'une surveillance régulière de l'air à une échelle plus grande que ce que font les Aasqa localement et aspirons surtout à une harmonisation des pratiques. Par ailleurs, nous étudions plus précisément la question de l'exposition des riverains. Avec Santé Publique France et l'Inserm, nous avons mis en place l'étude Géocap-Agri qui a apporté des premiers résultats sur le cancer de l'enfant, avec un financement de la phytopharmacovigilance. Après la présentation des premiers éléments de résultats au comité de suivi l'an dernier, il a été décidé de lancer un travail plus fin sur les cocktails de substances.

Mais Géocap-Agri est seulement une étude géographique ; elle porte sur les expositions en proximité des cultures et ne permet pas de conclure de manière générale sur les effets des produits phytopharmaceutiques. C'est une première étape. Il existe des facteurs de confusion possibles ; nous ne pouvons pas nous baser sur une étude géographique. En épidémiologie, l'étude géographique, ou l'étude écologique, constitue le plus bas niveau de preuve. Au-dessus, il y a l'étude de cas-témoin, la cohorte puis la méta-analyse.

Dans le cadre de Geocap-Agri, nous observons un signal lié à une association statistique entre proximité des vignes, intensité de la présence de vignes dans la culture et certains cancers de l'enfant. Ces constats nécessitent de mener une investigation à laquelle nous sommes en train de réfléchir avec l'équipe du registre des cancers de l'enfant. Il n'est pas envisageable cependant de prendre des décisions à ce stade, nous n'avons pas d'éléments suffisants. L'expertise collective Inserm souligne bien, d'ailleurs, que, sur la question des riverains, l'évidence épidémiologique est faible. Nous avons besoin de davantage de données et de résultats. C'est aussi pour cette raison que nous mettons en place l'étude PestiRiv, avec Santé Publique France, sur l'exposition des riverains. Elle inclut à la fois une biosurveillance menée par Santé Publique France, avec des dosages urinaires ou des cheveux, et des mesures environnementales, qui sont de notre ressort, pour essayer de voir si une surimprégnation est observée et en vue d'en déterminer l'origine. L'objectif sera d'en tirer des conclusions en vue de réduire les expositions. Nous avons terminé les prélèvements sur le terrain pour cette étude, malgré le Covid-19. Nous sommes actuellement dans la phase des analyses chimiques ; elle prend du temps car plusieurs centaines de personnes ont participé et des dizaines de substances sont concernées. Notre objectif reste une publication fin 2024 ou au premier semestre 2025.

Ce sujet de la contamination de l'air nous importe beaucoup. Nous pensons qu'il serait aussi important de mieux appréhender ce que représente l'air par rapport aux autres sources et voies d'exposition. À ce stade, nous considérons que l'exposition par la voie alimentaire est la plus importante, les concentrations dans les aliments étant de l'ordre du microgramme par kilo, voire de la dizaine de microgrammes ; dans l'air, elles sont de l'ordre du nanogramme par mètre cube, voire de la dizaine, parfois très exceptionnellement de la centaine de nanogrammes. Les ordres de grandeur sont donc différents. Mais nous avons besoin de mieux évaluer ce que représente l'exposition par voie aérienne. Il faut poursuivre et amplifier les travaux sur ce sujet.

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