Intervention de Gabriel Attal

Séance en hémicycle du mercredi 5 juillet 2023 à 15h00
Donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces — Présentation

Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics :

Tout au long de cet épisode, les douaniers ont été très mobilisés partout en France, même si l'on en a peu parlé. Ils ont participé au contrôle des matériels dangereux qui pouvaient alimenter les violences urbaines – mortiers, feux d'artifice, armes par destination. Ils ont également été mobilisés pour suppléer les forces de l'ordre dans leur mission de contrôle migratoire, leur permettant de se consacrer à l'urgence que constituait la sécurisation de la voie publique. Nous sommes avec eux, nous saluons leur courage et nous ferons tout ce qui est nécessaire – dans le cadre de la loi – pour maintenir l'ordre républicain.

En votant ce texte, vous donnerez à nos douaniers des outils supplémentaires pour lutter contre les trafics, mieux protéger nos frontières et, donc, mieux protéger les Français. Ce projet de loi, nos douaniers l'attendent car ils en ont besoin pour agir dans un cadre clair, et avec des moyens nouveaux. C'est le point d'aboutissement de mois de travail, en collaboration étroite avec les organisations syndicales, associées à chaque étape de l'élaboration du texte.

Nous avons également travaillé en lien permanent avec le Conseil d'État afin de nous assurer que l'équilibre trouvé est bien conforme aux exigences du Conseil constitutionnel. Il me semble que le compromis qui vous est soumis est le meilleur possible, entre efficacité opérationnelle et respect des libertés.

Oui, nous devons faire bloc derrière nos douaniers. Faire bloc, c'est d'abord leur donner les moyens d'exercer leurs missions. C'est l'objet du contrat d'objectifs et de moyens dont nous avons doté la douane pour 2022-2025. Ce contrat prévoit que la douane bénéficiera de plus de 148 millions d'euros supplémentaires et d'une garantie de stabilité de ses effectifs.

J'ai parfaitement conscience des critiques exprimées par certains groupes, notamment à gauche de cet hémicycle, sur les effectifs et sur la création de la réserve opérationnelle. Je le répète, il s'agit seulement de constituer une force d'appoint mobilisable lors d'événements exceptionnels. Regardez ce qui s'est passé pour la gendarmerie ou la police nationale : la création de réserves opérationnelles n'a absolument pas empêché la croissance des effectifs, bien au contraire.

Faire bloc derrière nos douaniers, c'est aussi sécuriser leur action sur le plan juridique. Je pense bien sûr au droit de visite. Les articles 1er à 5 du projet de loi assurent sa mise en conformité, par trois grands moyens.

D'abord, en inscrivant dans la loi les principes issus, au fil des années, de la jurisprudence de la Cour de cassation. Sont ainsi codifiés le caractère contradictoire des contrôles, l'interdiction de la fouille à corps et la limitation du maintien à disposition des personnes au temps strictement nécessaire aux opérations de visite.

Ensuite, le texte conserve une prérogative de contrôle étendue dans la zone frontière, que justifie la nature même des infractions douanières. Le droit de visite continuera à s'exercer sans modification dans le rayon des douanes, fixé à 40 kilomètres des frontières, ainsi que dans les ports, les aéroports et les gares ferroviaires et routières internationales.

Enfin, le projet de loi encadre le droit de visite à l'intérieur du territoire. Cette prérogative s'exercera désormais dans deux cas précis : sur le fondement de raisons plausibles de soupçonner que la personne contrôlée a commis une infraction douanière, ou après information préalable du procureur de la République – j'insiste : information, et non autorisation préalable, pour préserver la fluidité du travail des douaniers.

Nous avons eu des débats nourris, notamment sur le rayon des douanes, sur le rôle du procureur de la République et sur la durée maximale d'opérations de contrôle consécutives. Sur l'article 2, comme sur les autres dispositions du texte, la commission mixte paritaire a abouti à un compromis très satisfaisant. Je ne défendrai aujourd'hui, au nom du Gouvernement, que six amendements rédactionnels, qui visent à clarifier le texte avant son adoption définitive. Ils ont été élaborés en concertation étroite avec les divisions des lois et les commissions des finances et des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale. Le Sénat a adopté des amendements rédigés dans les mêmes termes, avec un avis favorable du rapporteur. J'invite donc votre assemblée à les voter conformes, afin que la loi puisse être promulguée dans les tout prochains jours, sécurisant définitivement l'action des douaniers.

Vous l'avez compris, ce projet de loi ne consiste pas seulement à assurer la mise en conformité d'une prérogative essentielle ; il s'agit aussi d'adapter nos moyens d'action, pour que les douaniers puissent lutter le plus efficacement possible contre les menaces d'aujourd'hui et de demain.

Je le répète, nous n'avons pas le droit de perdre la bataille contre le trafic de drogues. Dans ce domaine, nous obtenons des résultats : près de 105 tonnes de stupéfiants ont été saisies l'année dernière, dont plus de 70 % l'ont été par les douaniers.

Le texte qui vous est soumis conserve un apport essentiel introduit lors de l'examen par l'Assemblée nationale, pour lutter contre les précurseurs chimiques, des substances légales utilisées pour la confection de drogues de synthèse. Comme j'en ai déjà fait part à la représentation nationale au cours des débats, mes homologues de la douane américaine m'ont alerté sur les ravages que provoquent aux États-Unis les opioïdes de synthèse, en particulier le fentanyl. Il est indispensable de prendre des mesures pour éviter que ce fléau ne s'abatte sur notre pays. Votre assemblée a ainsi adopté un dispositif novateur, accepté par le Sénat. Il permettra aux douaniers de retenir pour examen l'ensemble des substances susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes. De plus, il tend à inclure ces importations dans le champ des incriminations douanières. La CMP a amélioré la rédaction de cet article ; le résultat convient au Gouvernement.

Nous voulons aussi donner à nos douaniers les moyens de lutter contre la cyberdélinquance et la cybercriminalité. L'article 9 les autorise, au cours d'une retenue douanière, à prendre connaissance d'objets et de documents, y compris sur support numérique, qui se rapportent à un flagrant délit douanier. La rédaction issue de la CMP conserve le dispositif autorisant les agents des douanes à réaliser une copie des données saisies. En contrepartie, elle intègre une obligation indispensable pour le Sénat : l'autorisation « écrite et motivée » du procureur de la République pour décider de la restitution. C'est un bon équilibre : je félicite votre rapporteure, Nadia Hai, pour l'accord qu'elle a su trouver en CMP.

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