Intervention de Thomas Courbe

Réunion du jeudi 24 novembre 2022 à 9h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Thomas Courbe, directeur général des entreprises et commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économique, au ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique :

Merci Monsieur le Président. Cette question de la gestion des vulnérabilités doit s'entendre d'abord au niveau des chaînes de valeur stratégiques, qui sont critiques pour le fonctionnement du pays. Nous avons structuré cette politique de réponse aux vulnérabilités depuis quelques années. Nous avons engagé ces travaux en 2019, qui ont été accélérés par la crise. L'Union européenne, à l'occasion de la crise du Covid, a accepté d'adopter une vision beaucoup plus offensive de la question. Depuis 2019, nous identifions beaucoup mieux les secteurs stratégiques et les chaînes de valeur qui y sont associées, en particulier de la part sous la présidence française de l'Union européenne, en mars 2022. Le sommet de Versailles a ainsi permis aux chefs d'Etat et de gouvernement européens de fixer six secteurs particulièrement stratégiques, dans lesquels l'Union européenne souhaite se doter des moyens de production en Europe d'une partie des besoins associés. Il s'agit de l'électronique, de la santé ou encore des moyens de production de l'énergie. Dans ces secteurs, où des produits critiques sont clairement identifiés, nous déployons des actions pour agir sur la réduction des vulnérabilités sur l'ensemble de la chaîne de valeur, à la fois pour produire en Europe et en France une partie de ces produits et pour maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeur, jusqu'aux intrants, qui sont soit énergétiques soit d'une autre nature. Ces intrants critiques sont à présent mieux identifiés, à la fois au niveau européen et français. Nous disposons ainsi de listes de produits critiques et d'intrants critiques. Par exemple, sur les métaux stratégiques, nous disposons d'une liste de 30 métaux particulièrement critiques sur lesquels l'Union européenne et la France déploient des actions de réduction des vulnérabilités.

Nous avons également un enjeu de mesure. Nous mettrons en place dans les prochains jours l'observatoire des métaux critiques, qui constituera un outil très précis d'identification des vulnérabilités et d'anticipation d'éventuelles tensions d'approvisionnement sur certains de ces métaux. Certains intrants critiques peuvent en effet être stratégiques sans être nécessairement en tension d'approvisionnement. Dans notre politique industrielle, nous avons en outre un panel de réponses que nous apportons pour réduire ces vulnérabilités. Il en existe trois grandes catégories : la sécurité d'approvisionnement avec les doubles sources (qui permettent d'être moins dépendant des sources uniques, et pour lesquelles nous avons engagé dès 2020 des actions dans trois filières, dont les filières aéronautique et santé, pour inciter les entreprises à développer de nouvelles sources d'approvisionnement, comme pour le titane), le stockage, qui est aujourd'hui peu développé, et enfin la relocalisation en France de capacités de production sur tous ces produits stratégiques sur l'ensemble de la chaîne de valeur (batteries, pour lesquelles nous avons financé dans France 2030 un projet de mines de lithium qui doit permettre d'alimenter la production des constructeurs français à hauteur de 700 000 véhicules électriques). Dans France 2030, nous avons consacré un volet spécifique aux métaux stratégiques, dotés de 500 millions d'euros en capacité de financement. De notre point de vue, depuis trois ans, nous déployons une véritable politique, à la fois au niveau national et européen, de réponse à ces vulnérabilités. Une partie importante de ces réponses doit être apportée au niveau européen. Nous devons également raisonner sur l'établissement et le renforcement des chaînes de valeur à ce niveau, ce que nous faisons à la fois sur la batterie et sur l'électronique.

Le comité pour les métaux stratégiques que vous évoquiez a été un outil utile, en tant que lieu d'échange entre les acteurs publics et privés sur ces questions de vulnérabilités. L'observatoire que j'évoquais, qui sera prochainement mis en place, constitue une seconde étape, plus opérationnelle et plus systématique, qui permettra de reprendre ces objectifs d'identification et de réduction de nos vulnérabilités, avec un outil sans doute plus efficace.

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