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Thomas Portes
Question N° 9118 au Ministère du ministère de l’intérieur et des outre-mer


Question soumise le 20 juin 2023

M. Thomas Portes interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les interdictions administratives du territoire (IAT) prises à l'encontre de militants européens antifascistes venus manifester en France. Depuis plusieurs mois, le ministère de l'intérieur multiplie les interdictions administratives du territoire (IAT) à l'encontre de militants européens venus manifester en France. Plusieurs ont été interpellés, dont un Suisse, une Allemande, un Belge ainsi que cinq militants antifascistes italiens, venus assister à une manifestation en hommage à Clément Méric. Trois d'entre eux, deux femmes et un homme, ont été placés dans les centres de rétention administratifs (CRA) de Vincennes et du Mesnil-Amelot en vue d'être expulsés vers l'Italie, avant d'être libérés par le juge des libertés et de la détention qui a estimé que leur détention « visait à les évincer de la tenue d'une manifestation » et qu'il y avait eu là « un détournement des conditions ouvrant au placement en rétention administrative ». En l'espèce, il apparaît que les IAT prises étaient temporaires et couraient du 2 juin au 11 juin 2023. Cette temporalité interroge, dans la mesure où les IAT sont, en principe, prises à l'encontre d'un étranger dont la présence constituerait une menace réelle, actuelle et grave et notamment un risque d'activités terroristes. M. le député interroge donc le ministre de l'intérieur sur les motivations de ces mesures temporaires permettant de faciliter l'éloignement et d'évincer des militants européens des manifestations. Par ailleurs, M. le député souhaite obtenir des précisions sur les conditions des notifications des IAT. En effet, l'article L. 321-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) dispose que « L'interdiction administrative du territoire fait l'objet d'une décision écrite rendue après une procédure non contradictoire. [...] Si l'étranger est entré en France alors que la décision d'interdiction administrative du territoire prononcée antérieurement ne lui avait pas déjà été notifiée, il est procédé à cette notification sur le territoire national ». Les conditions de notification de ces IAT ne sont pas explicitées par le droit positif. En pratique, il est apparu que certaines personnes concernées découvrent qu'ils font l'objet d'un arrêté ministériel portant interdiction administrative du territoire lors de leur interpellation. Il lui demande donc de préciser les modalités dans lesquelles les personnes visées par une IAT en sont informées.

Réponse émise le 5 mars 2024

L'interdiction administrative du territoire (IAT) est une mesure dont la vocation est de faire obstacle à la venue ou au maintien sur le territoire français d'un ressortissant étranger dont la présence constituerait, du point de vue de l'ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société, s'agissant des citoyens de l'Union européenne (UE) et des ressortissants des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen et de la Confédération suisse, ou une menace grave pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France, s'agissant des ressortissants d'autres États. Le prononcé d'une telle mesure est donc motivé en premier lieu par la nécessité de protéger le territoire national d'une menace de trouble à l'ordre public au regard du comportement connu de l'individu qu'elle vise. Cette menace peut revêtir un caractère permanent, mais elle peut également être liée à un évènement précis. La mesure est ainsi proportionnée au but poursuivi.  Lorsqu'une IAT vise à interdire la venue en France de militants radicaux lors de manifestations, celle-ci est motivée par les risques de troubles à l'ordre public susceptibles de survenir au cours des manifestations en question et justifiant le prononcé d'une mesure préventive. Cette mesure individuelle d'interdiction du territoire est contextualisée et fait état du risque que l'individu concerné se rende sur le territoire en vue d'intégrer un groupe ayant vocation à fomenter une action violente. Au cas d'espèce, la durée de la mesure est généralement adaptée à la durée de l'évènement concerné. Elle comprend, dans la plupart des cas, une période antérieure à l'évènement en vue de couvrir les arrivées anticipées, la durée connue de l'évènement, une période postérieure en vue de couvrir une éventuelle prolongation de l'évènement ou des évènements annexes postérieurs en lien avec l'évènement principal. L'IAT est prononcée à l'encontre d'un ressortissant étranger qui ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national. Si l'autorité administrative dispose de l'adresse à l'étranger de l'individu contre lequel la mesure d'IAT a été prononcée, il est procédé à la notification de cet arrêté par voie postale en recommandé avec accusé de réception. À défaut, la mesure sera notifiée à l'intéressé, soit à la frontière si celui-ci fait l'objet d'un contrôle alors qu'il se présente à l'entrée sur le territoire, soit en cas de découverte de ce dernier alors qu'il se trouve sur le territoire national. Le délai de deux mois, ou quatre mois s'il demeure à l'étranger, dont dispose l'intéressé pour formuler un recours à l'encontre de la mesure d'IAT dont il fait l'objet, court à compter de la notification. Les sanctions pénales résultant de la présence en France d'une personne visée par une IAT ne courent qu'à compter de cette notification qui peut avoir lieu lors de l'interpellation de la personne sur le territoire national et qui est exécutoire d'office, la personne pouvant alors être placée en rétention aux fins d'éloignement.

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