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Loïc Kervran
Question N° 9038 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 20 juin 2023

M. Loïc Kervran interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la possibilité de mieux encadrer les relations contractuelles entre constructeurs et distributeurs automobiles. L'organisation Mobilians a attiré l'attention de M. le député sur le manque de législation à l'échelle nationale concernant ce marché, entraînant un déséquilibre des contrats négociés et engagés. Les fournisseurs et constructeurs automobiles ont progressivement élargi leur stratégie économique de la production à la vente et aux services automobiles (réparation, recyclage, location, occasion), ce qui a eu pour conséquence de transférer la valeur produite par les distributeurs entre les mains de constructeurs. En renforçant leur présence sur la totalité de la chaîne de valeur du secteur, les constructeurs se rapprochent du modèle de contrat d'agence et restreignent les libertés commerciales des distributeurs tout en générant des profits inédits. Cela produit plusieurs effets notables, tels que la baisse du chiffre d'affaires et de la marge des distributeurs, ou encore une exigence d'investissements accrue de la part des constructeurs. Certains distributeurs sont alors contraints de fermer leur entreprise et les conséquences sur l'emploi local sont importantes. En plus de faire perdre à la France sa compétitivité et sa souveraineté économique dans cette branche industrielle, le contrôle total exercé par les constructeurs contribue à une dérive inflationniste : le secteur automobile a ainsi subi une inflation de 21 % depuis 2019, restreignant l'accès des Français à ce marché, de l'achat à l'entretien et donc à la mobilité (particulièrement en zone rurale). Ce point est ainsi un second facteur de la chute de l'emploi dans ce domaine. C'est pourquoi l'instauration d'un cadre législatif national, au même titre que d'autres pays européens, devient une condition sine qua non à l'équilibre des contrats et des relations entre constructeurs et distributeurs. Mobilians a d'ores et déjà fait parvenir un projet de loi demandant notamment la levée des clauses de confidentialité des contrats (un sondage de 2022 montre que 60 % des distributeurs déclarent ne pas être informés sur le contenu des contrats), ou encore le devoir des constructeurs d'assumer la charge des investissement liés à la vente de leur marque. Une indemnisation des investissements non amortis engagés par les distributeurs ou une compensation lors d'une cessation de contrat à l'initiative du constructeur est également sollicitée. L'organisation demande aussi de laisser la liberté aux distributeurs de choisir à qui céder leur entreprise, avec concertation du fournisseur, pour leur laisser le contrôle de leur réseau. Il aimerait ainsi connaître sa position sur l'encadrement renforcé de la relation entre constructeurs et distributeurs.

Réponse émise le 3 octobre 2023

Le Gouvernement soutient et accompagne activement la filière automobile dans son adaptation aux enjeux que constituent pour elle la réduction de son impact énergétique et écologique, ainsi que l'évolution des usages et des modes de consommation des automobilistes. Les volumes d'emplois et d'investissements en jeu font l'objet d'une attention particulière. Certains constructeurs ont engagé une réorganisation de leurs réseaux de distribution, en procédant à la résiliation avec un préavis de 24 mois, conforme aux engagements pris en 2011 par les membres de l'association européenne des constructeurs automobiles, des contrats les liant à leurs distributeurs. Les nouveaux contrats proposés peuvent en effet se traduire par une modification conséquente de la relation contractuelle. Pour autant, les relations entre les constructeurs et les distributeursautomobiles s'inscrivent aujourd'hui dans un cadre juridique très fourni, permettant à l'ensemble des parties de se développer dans l'équilibre de droits et de devoirs réciproques. Ainsi s'appliquent, depuis 2010, les dispositions réglementaires européennes en matière d'accords verticaux, qui aménagent une zone de sécurité juridique pour les contrats fournisseurs-distributeurs dès lors qu'ils sont jugés globalement non préjudiciables pour les consommateurs. Par ailleurs, les parties peuvent s'appuyer tant sur les dispositions du code civil (obligation d'information précontractuelle, exigence de bonne foi lors des négociations précontractuelles, interdiction de l'abus de dépendance, du vice du consentement, consécration de l'imprévision, …) que sur celles du code de commerce, notamment les dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence (interdiction des avantages sans contrepartie, de la soumission ou tentative de soumission à des obligations déséquilibrée, de la rupture brutale de relations commerciales établies). Enfin, en matière d'indemnisation, la juriprudence reconnaît, en cas de rupture abusive du contrat, le droit des distributeurs à être indemnisés lorsque les investissements qu'ils ont consentis n'ont pas été amortis. Ce socle de garanties doit permettre aux distributeurs, qui s'estimeraient lésés dans le cadre des nouvelles relations contractuelles proposées, de faire respecter leurs droits, sans nécessiter à ce stade une modification du cadre en vigueur qui mettrait ce secteur en marge des autres secteurs économiques soumis au droit de la distribution. Le Gouvernement demeure cependant attentif au déroulement des négociations engagées entre constructeurs et distributeurs. Le Gouvernement a bien pris note des difficultés soulevées par Mobilians et a invité les constructeurs et les distributeurs à échanger durant l'été 2023, afin d'identifier le cas échéant des pistes d'amélioration du cadre existant, dans le respect de l'équilibre des relations commerciales et de l'efficience de la filière.

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