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Guy Bricout
Question N° 8416 au Ministère de la santé


Question soumise le 30 mai 2023

M. Guy Bricout appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les recettes fiscales appliquées aux produits du tabac dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Entre 2017 et 2021, le prix des cigarettes a augmenté de 50 % et le prix du tabac à rouler de 90 %, suite aux fortes hausses de fiscalités. Cependant, d'après le bulletin épidémiologique hebdomadaire du 13 décembre 2022 de Santé publique France, la prévalence tabagique de 2021 était remontée au niveau de 2017. Ainsi, l'efficacité des hausses de fiscalités dans un objectif de santé publique peut être largement relativisée. De plus, cette donnée a été portée à la connaissance du ministère de la santé et de la prévention et des services de la direction de la sécurité sociale dès le mois d'août 2022, comme le constate l'article « Prévalence nationale et régionale du tabagisme en France en 2021 parmi les 18-75 ans, d'après le Baromètre de santé publique France ». Pour autant, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 envisage d'augmenter de nouveau la fiscalité du tabac en 2023, 2024 et 2025. La fiscalité, qui représente déjà 85 % du prix du tabac, augmenterait le prix du paquet par tranche de 50 centimes. La direction de la sécurité sociale justifie cette mesure en indiquant que les recettes fiscales relatives au tabac augmenteraient de 375 millions d'euros en 2023 pour l'État. Néanmoins, la presse constate une perte de 100 millions d'euro depuis le début d'année. De même, considérant la récente augmentation des prix due à l'inflation, les prix moyens pondérés du tabac ont déjà été atteints avec deux ans d'avance. Également, les statistiques témoignent que les plus faibles revenus seront encore une fois touchés par ces nombreuses augmentations, puisque 33,3 % d'entre eux sont des fumeurs réguliers. Il lui demande donc si le Gouvernement entend revoir la trajectoire fiscale concernant les produits du tabac, au vu de l'inefficacité des mesures précédentes et du contexte économique actuel.

Réponse émise le 21 novembre 2023

Le tabagisme est le premier déterminant de santé en France et est responsable de 75 000 morts par an. Le coût social du tabac est estimé à 156 milliards d'euros en 2019 selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives. La consommation de tabac représente un coût direct compris entre 20 et 26 milliards d'euros pour la sécurité sociale (pour un rendement fiscal entre 12 et 14 milliards d'euros). Selon l'Organisation mondiale de la santé et l'ensemble des études internationales indépendantes, la fiscalité du tabac constitue le levier le plus efficace pour sortir du tabagisme. Il s'agit donc d'un enjeu de santé publique quand on connait l'impact délétère du tabac sur la santé de nos concitoyens. L'augmentation des prix décidée en 2017 a ainsi eu un impact concret sur la consommation, qui a fortement reculé. Ainsi, Santé publique France a constaté une baisse de la prévalence du tabagisme quotidien qui est passée de 26,9 % de fumeurs en 2017 à 24 % en 2019. En outre, entre 2017 et 2021 les volumes de tabac mis à la consommation ont diminué de 22 %, en lien très net avec la politique volontariste poursuivie en matière de fiscalité. De surcroît si le prix moyen pondéré (PMP) d'un paquet de cigarettes a augmenté de 50 % sur cette même période, le PMP d'une blague de 30 grammes de tabac à rouler n'a lui crû que de 69 %. Si la prévalence du tabagisme quotidien s'est stabilisée en 2021 à 25 %, Santé publique France estime que la crise Covid en 2020 sont très probablement les causes principales de cet effet. Concernant les fumeurs les plus précaires, le tabagisme st en effet une pratique socialement située : les classes sociales les plus défavorisées sont les plus exposées au tabagisme. Dès lors, près de la moitié des décès dans la classe sociale la moins favorisée sont causés par le tabac. L'action du gouvernement est résolue pour lutter contre le tabagisme parmi toutes catégories de population, et de façon plus ciblée encore sur les classes populaires pour lutter contre les inégalités sociales de santé. Ainsi, la très grande majorité de ces mesures, prises dans le cadre du Plan national de lutte contre le tabagisme (PNLT) 2018-2022 et qui seront réaffirmées dans le prochain PNLT 2023-2027, ne sont d'ailleurs pas fiscales (par exemple le mois sans tabac, les accompagnements personnalisés, le remboursement des traitements nicotiniques de substitution, etc.) : elles visent notamment à apporter un accompagnement renforcé des fumeurs, y compris financier, vers la sortie du tabagisme (remboursement à 65 % des traitements nicotiniques de substitution). Au vu des actions efficaces en matière de lutte contre le tabagisme menées ces dernières années, il n'est pas envisageable de laisser le prix des produits du tabac baisser relativement par rapport aux autres biens de consommation, dans un contexte de forte inflation. C'est cette ligne qui a conduit les travaux pour la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Dans ce cadre, la mesure votée en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 vise à ce que la réalité de l'inflation soit bien prise en compte sur les prix des produits du tabac. Deuxièmement, les fabricants de tabac restent libres de fixer les prix de leurs produits comme ils le souhaitent. Dès lors, l'atterrissage sur un plateau de prix plus haut que ce qui avait été prévu par le Gouvernement ne saurait être retenu comme étant une erreur dans le paramétrage des niveaux d'accises sur le tabac. Pour l'heure rien ne laisse penser que les prévisions de recettes fiscales seraient massivement diminuées du fait de la mesure votée en LFSS pour 2023. Pour ces multiples raisons, le Gouvernement n'entend pas actuellement revoir les mesures ainsi décidées.

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