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Christophe Bentz
Question N° 8227 au Ministère du ministère de l’intérieur et des outre-mer


Question soumise le 23 mai 2023

M. Christophe Bentz interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'ouverture d'un bureau de vote illégal à Décines-Charpieu (69) dans le cadre des élections générales de la République de Turquie. Du 27 avril au 9 mai 2023, environ 70 000 Turcs d'Auvergne-Rhône-Alpes ont voté à Décines-Charpieu (69) dans les locaux de l'Union des affaires culturelles turco-islamiques (DITIB-Lyon), locaux substitués au consulat de Lyon pour ce scrutin et qui abritent une mosquée. De toute évidence, l'installation d'un bureau de vote dans une mosquée et plus généralement dans les locaux d'une organisation liée à l'AKP - le parti du président sortant Erdogan -, contrevient au principe de neutralité et tombe sous le coup de la loi française. L'article 84 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dispose en effet : « Il est également interdit d'organiser des opérations de vote pour des élections politiques françaises ou étrangères dans un local servant habituellement à l'exercice du culte ou utilisé par une association cultuelle ». Ce vote dans un lieu de culte jette de plus le soupçon sur la sincérité du scrutin. Il constitue aussi et surtout un risque de trouble à l'ordre public : le 9 mai 2023, à la sortie du bureau de vote de Décines, des assesseurs et représentants du Yesil Sol Parti (YSP, Parti de la gauche verte) ont été agressés par un groupe de militant pro-Erdogan. La presse a annoncé cinq jours d'ITT. Roseline Kisa, dans une entrevue donnée à France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, souligne la tension dans laquelle se sont déroulés les votes et rapporte des intimidations. Pour Tuna Altinel, victime de l'agression, celle-ci a été facilitée par la tenue des élections dans les locaux du DITIB qui est selon lui « proche du pouvoir [ ] et [ ] même en réalité un QG du parti présidentiel dans la région, puisque ses dirigeants sont aussi des dirigeants de l'AKP ». M. le député demande donc à M. le ministre si les Turcs résidant en France voteront à nouveau dans des mosquées du 20 au 24 mai 2023 (lors du second tour). Il demande également au ministre de l'ordre public ce qu'il compte faire pour prévenir et punir tout trouble intercommunautaire analogue à ceux que la commune de Décines-Charpieu a connus le 24 juillet 2020 (lorsque des Loups gris armés de barres de fer ont pris pour cible une manifestation de soutien à l'Arménie) et le 28 octobre 2020 (quand une chasse à l'Arménien menée aux cris d'« Allah akbar ! » s'est conclue par la détérioration du mémorial du Génocide arménien et du Centre national de la mémoire arménienne).

Réponse émise le 19 mars 2024

L'organisation des élections présidentielles et parlementaires turques de 2023 a nécéssité l'installation de neuf bureaux de vote sur tout le territoire afin d'accueillir près de 600 000 citoyens turcs inscrits sur les listes consulaires. Le choix du lieu d'installation de chaque bureau de vote a été validé par le ministère et les préfectures concernées. L'article 35-1 de la loi du 9 décembre 1905 interdit la tenue d'une opération électorale dans un lieu de culte ou dans une dépendance « qui en constitue un accessoire indissociable ». Pour la zone consulaire de Lyon, les élections turques se sont tenues dans une salle polyvalente de l'association DITIB, association loi 1901 située sur la commune de Décines-Charpieu et enregistrée comme une association culturelle, d'après les statuts déposés en préfecture. Ce local est un hangar de plusieurs centaines de mètres carrés, qui répond aux critères définis pour une élection étrangère sur le sol français : il est suffisamment grand pour accueillir plusieurs milliers de personnes sur cinq jours, situé loin des premières habitations, avec des possibilités de stationnement et une disponibilité en continu aux dates des élections. Il s'agit d'une salle distincte et extérieure à la mosquée et qui ne saurait être considérée comme un lieu de culte ni une dépendance en constituant un accessoire indissociable. Saisi au titre de l'article 40 du Code de procédure pénale par une parlementaire, le procureur de la République n'a pas ouvert d'enquête, considérant que l'infraction pénale sur le caractère insuffisamment neutre du lieu de vote n'était pas constituée. De même, le juge administratif a rejeté la requête en référé déposée par un membre de l'association « Amitiés kurdes de Lyon-Auvergne-Rhône » considérant que l'implantation de ce bureau de vote ne contrevenait pas aux dispositions de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. S'agissant des troubles à l'ordre public qui ont eu lieu à proximité du bureau de vote, il convient de saluer la réactivité des forces de l'ordre qui sont immédiatement intervenues. Des plaintes ont été déposées et une enquête judiciaire est en cours sous l'autorité du Procureur de la République de Lyon.

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