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Christian Girard
Question N° 7494 au Secrétariat d'état à la biodiversité


Question soumise le 25 avril 2023

M. Christian Girard appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le projet de destruction du seuil de Gréoux-les-Bains. La Haute-Provence est une terre pauvre et sèche qui bénéficie néanmoins d'un réseau d'irrigation de grande qualité, notamment grâce au seuil de Gréoux, un plan d'eau construit en 1967 qui s'étend sur 2 200 mètres et 14 hectares et qui est utilisé depuis plus de cinquante ans pour l'irrigation des terres agricoles ainsi que pour le tourisme estival dans cette région thermale. Cependant, EDF, le concessionnaire et gestionnaire de l'ouvrage, a annoncé en 2018 un projet visant à détruire ce seuil conformément à la directive européenne sur l'eau de 2000 et à un arrêté préfectoral de 2013, malgré les solutions alternatives d'adaptation proposées par les habitants, les riverains et les ayants droits du canal Noirel. Les études indispensables et les problématiques socio-économiques n'ont pas été prises en compte par les décideurs, notamment EDF et les autorités de contrôle. Il semble que les motifs de cette décision d'arasement soient principalement d'ordre économique et financier de la part d'EDF, alors que les enjeux liés à l'eau et aux sécheresses sont de plus en plus préoccupants pour la survie des habitants de la région. De plus, la suppression du seuil pourrait avoir des conséquences néfastes sur le niveau de la nappe phréatique, l'alimentation en eau potable de la région et la lutte contre les incendies dans un département régulièrement touché par les sécheresses et les incendies. L'une des solutions pour conserver cet ouvrage serait de classer le seuil en masse d'eau fortement modifiée (MEFM), ce qui permettrait d'exclure l'application de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, invoqué par EDF et la préfecture pour justifier l'arasement du seuil. Aussi, il lui demande s'il compte intervenir afin de remettre en cause la décision de destruction du seuil de Gréoux-les-Bains qui risque d'engendrer des dommages irréversibles, tant sur le plan socioéconomique qu'écologique, et de prendre en compte le projet alternatif déposé en séance lors de la réunion du 27 septembre 2021 en sous-préfecture de Forcalquier.

Réponse émise le 17 octobre 2023

Le seuil de Gréoux-les-Bains a été construit par EDF en tant que mesure de compensation dans le cadre de la concession hydroélectrique de Quinson-Vinon. En effet, le débit du Verdon au niveau de la ville a été significativement réduit pour permettre la production d'hydroélectricité, et ce seuil d'une hauteur de 5 mètres avait pour objectif de remonter la ligne d'eau afin de permettre le maintien de l'alimentation d'un canal d'irrigation, le canal de Noirel. Aujourd'hui, le seuil de Gréoux-les-Bains représente le dernier point de rupture en terme de continuité écologique sur le Verdon en aval de la chaîne de concessions. Alors que tous les autres ouvrages entre le seuil et la confluence avec la Durance ont été traités, il continue de bloquer l'accès au Colostre, un affluent à fort intérêt écologique car jouant le rôle de réservoir biologique. Afin de rétablir la continuité écologique au niveau de ce seuil, plusieurs scénarios ont été étudiés dès 2013 : deux concernaient la création d'une passe à poissons, et un envisageait l'effacement de l'ouvrage. Un comité de pilotage du projet a été créé, de nombreuses réunions de concertation ont eu lieu, et l'ensemble des parties prenantes ont été consultées, y compris les ayant droits du canal de Noirel. À l'issue de la concertation, le scénario d'effacement du seuil a effectivement été retenu, car il présente de nombreux avantages. En premier lieu, il permettra de réduire significativement le risque d'inondation d'un lotissement situé en rive droite à l'amont du seuil. De plus, la continuité écologique sera intégralement rétablie et le cours d'eau sera renaturé sur les 2 km actuellement ennoyés par la retenue, permettant la recréation d'écoulements et d'habitats diversifiés propices à la biodiversité. Enfin, d'importants aménagements paysagers seront réalisés pour valoriser le site et augmenter son attrait touristique (chemins, aires de pique-nique, surfaces enherbées, panneaux d'information et points d'observation, etc.), et la pratique du canoë-kayak sera facilitée. Cet effacement n'aura pas d'effet négatif sur l'irrigation des terres agricoles locales. En effet, la majorité de terres avoisinantes ne sont pas irriguées grâce au canal de Noirel, mais via une irrigation sous pression, plus économe en eau, fournie par la Société du canal de Provence. De plus, l'usage agricole mineur encore dépendant du canal de Noirel sera préservé car le projet actuel prévoit de conserver l'alimentation du canal grâce à la mise en place d'un nouveau dispositif : les ayant-droits garderont bien un accès à l'eau. L'effacement n'aura pas non plus d'effet négatif sur l'alimentation en eau potable ou la lutte contre les incendies, car la retenue créée par le seuil de Gréoux-les-Bains n'est pas utilisée pour ces usages, et, au regard de son temps de renouvellement estimé à seulement 18 heures, ne pourrait de toute façon pas l'être. Ce sont les diverses retenues de la chaîne d'aménagement du Verdon, situées un peu plus en amont (retenue de Gréoux, de Quinson, lac de Sainte-Croix, etc.) qui continueront de remplir ces usages. Quant au niveau de la nappe phréatique, il n'est pas dépendant de la présence du seuil, mais plutôt du débit réservé dans le Verdon : il ne sera pas impacté par le projet. Enfin, il convient de signaler que le Verdon au niveau de Gréoux-les-Bains est, d'ores et déjà, une masse d'eau fortement modifiée au titre de la directive-cadre sur l'eau, ce qui ne l'exonère en aucun cas de travaux de rétablissement de la continuité écologique. En conclusion, l'effacement du seuil a fait l'objet d'une large concertation des parties prenantes et est souhaité par le propriétaire de l'ouvrage (EDF). Il répond aux enjeux de gestion du risque inondation et aux enjeux écologiques, paysagers et de loisirs, et ce sans remettre en cause l'unique usage associé au seuil, à savoir l'alimentation du canal de Noirel. A contrario, le projet alternatif proposé en septembre 2021 n'a pas pu être retenu car, en plus de ne pas permettre de rétablir la continuité écologique, il aggravait le risque inondation au niveau du lotissement précédemment cité.

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