Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cécile Untermaier
Question N° 7359 au Ministère de la justice


Question soumise le 18 avril 2023

Mme Cécile Untermaier attire l'attention du M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la rémunération des travailleurs détenus. Le Comité européen des droits sociaux, institution du Conseil de l'Europe chargée de la mise en œuvre par les États membres de la Charte sociale européenne, laquelle garantit le droit des travailleurs à des conditions de travail et à une rémunération équitable, ainsi qu'aux droits collectifs, a rendu en mars 2023 les conclusions de son examen relatif au respect des droits du travail par la France. Il conclut à la non-conformité de la situation française avec le droit à une rémunération décente pour les personnes détenues. Il s'est fondé pour cela sur les informations fournies par l'Observatoire international des prison (OIP), lesquelles indiquent qu'en dépit de la législation française qui établit des niveaux minimaux de salaire horaire en prison, qui sont indexés sur le SMIC, en fonction des qualifications requises pour accomplir le travail en question, dans la pratique, ces niveaux ne sont pas respectés, principalement en raison de la rémunération à la pièce. Dans ce type de rémunération, interdit depuis 2009, les heures de travail sont comptabilisées sur la base du nombre de pièces produites alors qu'en réalité, le temps de travail effectif du détenu peut être beaucoup plus long et n'est donc pas entièrement rémunéré. Les tribunaux français ont condamné cette pratique et ont confirmé que les détenus en question étaient rémunérés à un taux inférieur à celui établi par l'article D. 432-1 du code de procédure pénale. Selon les rapports annuels de la direction des affaires juridiques du ministère de la justice, la majorité des plaintes des détenus portent sur des rémunérations insuffisantes. Ce constat est également partagé par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le Comité européen a ainsi rappelé à l'État sa responsabilité dans le contrôle du respect du salaire horaire légal minimum établi pour les prisons. Tout en considérant la politique dernièrement menée pour augmenter le temps de travail proposé aux détenus, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les dispositions prises ou devant l'être pour améliorer une situation ainsi dénoncée.

Réponse émise le 3 octobre 2023

Depuis plusieurs années, les services du ministère de la Justice œuvrent afin de mener une profonde réforme du travail pénitentiaire et de son cadre juridique. Tout d'abord, des seuils minimums de rémunération ont été fixés par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et sont aujourd'hui rappelés par l'article D. 412-64 du code pénitentiaire (ancien article D. 432-1 du code de procédure pénale). Conformément à ces dispositions, la rémunération du travail accompli est une rémunération horaire qui ne peut être inférieure à des taux fixés sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Lorsqu'une personne détenue est classée au service général d'un établissement pénitentiaire, sa rémunération est comprise entre 20 et 33% du SMIC selon la qualification du poste occupé. Si la personne détenue possède un emploi lié à des activités de production, alors sa rémunération ne peut être inférieure à 45% du SMIC. Puis, la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire du 22 décembre 2021 et son décret d'application du 25 avril 2022 ont procédé à une véritable réforme du statut du détenu travailleur, notamment par la création du contrat d'emploi pénitentiaire (CEP). Entrée en vigueur au 1er mai 2022, cette réforme permet de rapprocher les conditions d'exercice du travail en détention de celles que les personnes détenues connaîtront une fois libérées : procédures de recrutement, contrat de travail, période d'essai, ouverture aux droits sociaux, formation professionnelle. Egalement, l'entrée en vigueur du CEP permet de sécuriser la relation de travail, notamment vis-à-vis de la rémunération versée mensuellement à la personne détenue travailleuse car désormais, celle-ci est calculée sur la base de la durée du travail fixée au sein d'un contrat Par ailleurs, il a été introduit à l'article D.412-65 du code pénitentiaire la possibilité pour les services de l'administration pénitentiaire ou pour les opérateurs économiques de dépasser les seuils minimaux et de mettre en place des primes, qui sont pratiquées de manière effective dans un certain nombre d'établissements. Enfin, les cotisations patronales pour les assurances vieillesse et chômage sont dorénavant à la charge de l'Etat. Ainsi, grâce à la contractualisation du travail pénitentiaire et au déploiement depuis le 1er janvier 2023 d'un système de versement de paye des personnes détenues dénommé Octave, il n'est plus possible de ne pas respecter les règles relatives à la rémunération horaire. En effet, le système Octave a été développé de manière à introduire des contrôles bloquants en cas de non-respect des seuils minimums au moment du versement de la rémunération à la personne détenue.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion