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Emmanuel Taché de la Pagerie
Question N° 7137 au Ministère de la justice


Question soumise le 11 avril 2023

M. Emmanuel Taché de la Pagerie alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de vie indignes dans les prisons françaises. Au 1er décembre 2022, le nombre de détenus dans les prisons françaises a atteint un triste record de 72 835 individus, soit un taux de surpopulation de près de 150 %. Cette situation dans les prisons n'est pas nouvelle, la Cour européenne des droits de l'homme ayant déjà condamné le 30 janvier 2020 la France pour traitement inhumain et dégradant du fait de détentions indignes dans plusieurs établissements (article 3 de la convention) et d'absence de recours effectif pour faire cesser ces mauvaises conditions (article 13). Suite à cette condamnation, confirmée par la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel en 2020 et 2021, l'Assemblée nationale a voté la loi du 8 avril 2021 instaurant un mécanisme ouvert aux personnes détenues, permettant de saisir le juge des libertés, de la détention ou le juge de l'application des peines, d'une demande tendant à faire cesser les conditions de détention indignes, créant l'article 803-8 du code de procédure pénale. Ce dispositif est jugé trop complexe par les syndicats d'avocats et ne connaît pas le succès attendu, questionnant la pertinence du volet administratif et de ses mécanismes. L'inaction du garde des sceaux a eu pour conséquence l'engagement de procédures administratives contentieuses dans plusieurs centres pénitentiaires, dont celui des Baumettes, dans le département de M. le député. Le juge administratif a enjoint à M. le ministre de prendre des mesures urgentes visant à mettre fin aux conditions indignes dans certains centres de détention. Si le budget de la justice a augmenté de 8 % pour s'établir à 9,57 milliards d'euros, il apparaît manifeste qu'un effort supplémentaire est nécessaire pour offrir des conditions dignes, notamment en ouvrant de nouvelles places de prison. La prison ne doit pas être un mouroir pour les détenus, l'absence de conditions décentes est un désastre affectant également les surveillants pénitentiaire dans la sérénité et la sécurité de leur mission. En outre, elles ne doivent pas servir de prétexte à une politique judiciaire particulièrement laxiste et peu dissuasive vis-à-vis de la délinquance. Ainsi, il souhaite l'interroger sur les mesures concrètes qu'il compte prendre pour assurer une condition digne des détenus en France.

Réponse émise le 4 juillet 2023

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin de garantir l'effectivité de la réponse pénale, d'améliorer les conditions de travail des surveillants pénitentiaires et les conditions de détention. L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison, décidé par le président de la République, doit permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Depuis la mise en œuvre du programme, 2 441 places ont déjà été livrées. En 2023, 1 958 places supplémentaires seront livrées. Au total, 24 établissements seront opérationnels en 2024. Ce programme se caractérise par une typologie diversifiée d'établissements pénitentiaires pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : des maisons d'arrêt à sécurité adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Ces établissements ont vocation à accueillir des personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans et proposent un régime de détention adapté, orienté autour de la responsabilisation de la personne détenue afin de préparer efficacement son retour à la vie libre et d'éviter la réitération de son comportement délinquant. La livraison de 2000 places en SAS est programmée. Enfin, trois établissements tournés vers le travail dénommés Inserre (insérer par des structures engendrant la responsabilisation et la réinsertion par l'emploi) seront également livrés. Outre la création de nouvelles places, les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, qui constituent des leviers de régulation des effectifs en milieu fermé. Elles permettent également de mieux prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous-main de justice. Les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ont pour objectif de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à 1 an et en prohibant les peines d'emprisonnement inférieures à un mois. Dans la continuité, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle. Ses dispositions visent à favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. Elle introduit également une mesure de libération sous contrainte pour les personnes détenues en fin de peine, applicable depuis le 1er janvier 2023. Cette mesure d'exécution de peine, soumise au critère de la détention d'un hébergement, permet une sortie anticipée à 3 mois de la fin de peine pour les peines inférieures à deux ans. Les personnes sont étroitement suivies et contrôlées par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), et ce pour éviter des sorties sèches des détenus, qui multiplient par deux le risque de récidive. L'objectif premier est de lutter contre la récidive. De surcroît, un travail de fond a été engagé afin de favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général (TIG). Plusieurs modifications du cadre normatif ont été successivement opérées, dans le but d'élargir les possibilités de recours au TIG et d'en simplifier les modalités d'exécution. Le nombre de places de TIG est ainsi passé de 18 000 en janvier 2019 à plus de 35 000 à la fin de l'année 2022. De plus, un plan d'actions portant tant sur la meilleure connaissance des dispositifs et leur promotion que sur les modalités d'organisation des services, a été arrêté par le garde des Sceaux et sera mis en œuvre en 2023. Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la Justice prévoit dans ce cadre de renforcer le caractère communicatoire de la peine de TIG en fixant la peine encourue dès le prononcé de la mesure en cas d'inexécution des obligations. Par ailleurs, le ministère de la justice veille au maintien du dialogue entre les acteurs judiciaires et pénitentiaires. Il a élaboré un outil de pilotage destiné à nourrir les échanges entre les chefs de cours et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires afin de poursuivre l'accompagnement des juridictions dans la mise en œuvre des dispositions de la loi de programmation de la justice et de favoriser les alternatives à la détention dans les cas où cela est possible au regard de la faible gravité des infractions. Depuis l'été 2022, les directeurs de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces ainsi que des services judiciaires se sont également engagés à rencontrer l'ensemble des chefs de cour et de juridictions au sein des directions interrégionales afin d'échanger sur la problématique de la surpopulation carcérale et d'identifier des leviers permettant de limiter le recours à l'incarcération. Enfin, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, mène une politique particulièrement volontariste d'orientation et de transférement des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris à faible reliquat de peine.

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