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Christine Engrand
Question N° 6344 au Ministère auprès du ministre des solidarités


Question soumise le 14 mars 2023

Mme Christine Engrand attire l'attention de M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur les obstacles à la sociabilisation opposés aux enfants et adolescents handicapés. Quatre-cent-mille-quatre-cents, c'est le nombre de mineurs en situation de handicap scolarisés en France entre 2021 et 2022. Ce chiffre est quatre fois supérieur au taux de scolarisation des élèves en situation de handicap lors de l'année scolaire 1998-1999 ce qui témoigne d'un effort croissant mené en faveur de l'instruction de ces enfants et intrinsèquement en faveur de leur sociabilisation. Pour autant des lacunes persistent en dépit des différents témoignages et des différentes alertes récemment partagées avec le Gouvernement par plusieurs collègues députés. Parmi elles, les obstacles à la socialisation sont les plus prégnants et les plus gênants pour le développement de l'enfant. Ainsi si la loi du 11 février 2005 portant sur les thèmes de l'égalité des droits et des chances prévoit que « tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé a le droit de s'inscrire dans l'école de son quartier », dans les faits l'application de cet article reste difficilement réalisable. Dans certains cas les aménagements dans les établissements éducatifs proches du domicile font défaut de telle sorte que, les enfants doivent être scolarisés au sein de l'un des 2 900 établissements et services médico-sociaux (ESMS) de France. Coupés du domicile familial, la centaine de milliers d'enfants accueillis en ESMS sont dès lors soumis à une routine affligeante. Parmi eux, d'après la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, en 2021, seuls dix-mille-six-cent-quatre-vingt-dix enfants bénéficient d'une scolarité partagée entre l'ESMS et une classe ordinaire où ils sont en mesure de sociabiliser avec des enfants au parcours personnel différent du leur. Parmi les freins identifiés à l'externalisation partielle ou complète des unités d'enseignement les conflits de compétence (65 %), les refus basés sur des représentations erronées du handicap (30 %), l'éloignement et les problèmes de transports (45 %), les locaux inadaptés ou insuffisants (36 %) selon une étude conjointe du CNSA, DGCS, DGESCO datant de 2015. En somme l'État a un rôle à jouer dans la facilitation de la sociabilisation des élèves. Le premier effort à faire semble de devoir accentuer l'information du public dont les représentations erronées du handicap nuisent pour une grande partie au développement de l'externalisation. C'est aussi la mésinformation qui conduit des maires et des directeurs de centres de loisirs à interdire préventivement la participation des enfants à des activités qu'ils peuvent en réalité pratiquer après quelques aménagements de rigueur. Ainsi le Défenseur des droits souligne que le premier motif saisi en matière de discrimination est le handicap (22,8 %) tandis que 18,4 % des saisines relatives aux droits de l'enfants concernaient le handicap et l'état de santé. Il note par ailleurs dans sa décision MLD-2013-69 du 11 avril 2013 relative à l'accès des personnes en situation de handicap ou atteintes de troubles de la santé aux activités de parcours acrobatiques en hauteur et selon une jurisprudence constante qu'afin d'éviter toute discrimination, l'impossibilité d'un enfant à participer à une activité doit être prouvée et qu'il doit être démontré qu'aucun aménagement ne serait susceptible d'être mis en place en vue d'assurer la participation des enfants aux activités. Ce principe reste bien souvent ignoré par les prestataires. En l'occurrence, l'accueil dans les services de loisirs reste difficile car les besoins de l'enfant sont mal évalués voire surestimés : l'enfant ne doit pas systématiquement être accompagné, des aménagements peuvent suffire. Il faut sortir de ce réflexe de protection différenciée abusive. La sociabilisation des enfants en situation de handicap passe par leur normalisation. Ainsi elle lui demande comment le Gouvernement prévoit de lever les obstacles évoqués ici qu'il s'agisse des conflits de compétences, de l'éloignement et du transport, des moyens donnés aux ESMS pour favoriser l'externalisation mais aussi quels sont les moyens prévus pour favoriser l'information, voire la formation du public susceptible de recevoir des enfants en situation de handicap.

Réponse émise le 18 juillet 2023

Le Gouvernement vise à permettre, pour chaque enfant, la réalisation de son projet de vie dans une visée inclusive et dans toutes ses dimensions (accès aux structures d'accueil du jeune enfant, à l'école, au périscolaire, aux sports, à la culture…) avec un accompagnement adapté et évolutif. Ainsi, concernant les accueils du jeune enfant, les caisses d'allocations familiales développent une politique de soutien aux crèches pour encourager l'inclusion des enfants dès le plus jeune âge. Elles apportent un financement complémentaire à celles qui accueillent des enfants handicapés ou dont le handicap est en cours de détection. Le montant de ce bonus « inclusion handicap » varie en fonction du nombre d'enfants accueillis et permet aux crèches d'adapter leur projet d'accueil et leurs pratiques aux besoins des parents et des enfants. De la même façon, les jeunes en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire en nombre toujours accru. Le Gouvernement a engagé la mise en place du service public de l'école inclusive avec la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Offrir une scolarisation inclusive et adaptée à tous les enfants en situation de handicap constitue une action prioritaire, dans le fil de l'engagement du président de la République, lors de la conférence nationale du handicap du 11 février 2020, de ne laisser aucun élève en situation de handicap sans solution de scolarisation. Le Comité national de suivi de l'école inclusive (CNSEI) réuni le 29 juin 2023 a permis de rappeler l'engagement de renforcer encore l'accessibilité de l'école et de garantir à tous les élèves l'accès au savoir, à la connaissance et aux apprentissages, en fixant comme priorités la question des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), l'évaluation des besoins des élèves, des accompagnements et des adaptations pédagogiques, et la coopération entre les acteurs.  Cela permet en particulier de proposer une palette la plus large possible de modes de scolarisation de l'élève en situation de handicap, notamment avec le renforcement de la coopération entre médico-social et éducation nationale : la scolarité individuelle dans les établissements scolaires avec un appui par un AESH, ou d'un appui par un établissement ou service médico-social (ESMS) ; la scolarisation collective dans les établissements scolaires dans des dispositifs adaptés (unités localisées pour l'inclusion scolaire ; unités d'enseignement : unités d'enseignement externalisées, unités d'enseignement en maternelle, unités d'enseignement en élémentaire autisme ; dispositifs d'autorégulation) ; ou scolarisation collective dans les ESMS (unités d'enseignement) voire scolarisation partagée entre école et ESMS. Plus de 21 800 places d'ESMS pour enfants, adolescents et jeunes adultes en situation de handicap (soit + 15 %) ont été créées entre 2011 et 2021, les places de service d'éducation spéciale et de soins à domicile représentant 33 % du total des quelque 168 000 places ouvertes en 2021 d'ESMS pour enfants, adolescents et jeunes adultes en situation de handicap. Le développement des services et le rééquilibrage entre places d'établissements et places de service constituent une tendance de fond, amorcée depuis plusieurs années et mise en œuvre afin de mieux répondre aux attentes exprimées par les personnes en situation de handicap et leurs proches. Un profond mouvement d'évolution est engagé pour que l'offre médico-sociale ne représente pas l'unique réponse aux besoins des personnes en situation de handicap, enfants comme adultes, mais qu'elle vienne en soutien de leurs parcours, et de leurs aidants. Ainsi, la réponse sous la forme de « places » dans un établissement ou un service, si elle peut s'avérer pertinente, ne permet pas à elle-seule d'appréhender la diversité des situations et des solutions apportées. La réforme des autorisations intervenue en 2017 a confirmé que les établissements peuvent intervenir en milieu ordinaire (c'est ainsi que des établissements sont porteurs des unités d'enseignement en maternelle par exemple) comme en assurant un accompagnement en accueil de jour ou en hébergement, c'est-à-dire, selon les besoins de la personne en situation de handicap. Le fonctionnement en dispositif, généralisé à l'ensemble des ESMS pour enfants, adolescents et jeunes adultes en situation de handicap par la loi du 26 juillet 2019, vise précisément à conforter l'organisation, en accord avec les parents, de parcours souples adaptés, permettant d'alterner les modalités d'accompagnement répondant aux besoins du jeune. Parallèlement, afin de lutter contre les discriminations et favoriser l'inclusion, le Gouvernement déploie des actions d'information et de formation. À titre d'exemples, la plateforme Cap école inclusive déployée depuis la rentrée 2019 offre des ressources pédagogiques aux enseignants et aux AESH, ainsi qu'un appui à la formation. Des kits pédagogiques dédiés à l'autisme, au polyhandicap ont également été élaborés afin de permettre aux formateurs du travail social et aux travailleurs sociaux d'adopter les bons réflexes dans l'exercice de leurs fonctions. Le certificat national d'intervention en autisme est ouvert aux professionnels que leur exercice conduit à accompagner des personnes avec autisme. La formation initiale des professionnels de santé a elle aussi été renforcée. Ainsi, la stratégie du Gouvernement vise à accompagner le parcours des enfants, dans le milieu ordinaire, comme dans le milieu spécialisé, afin de leur offrir des solutions diversifiées et adaptables et s'appuyant sur la coopération entre le secteur médico-social et le milieu ordinaire afin de promouvoir l'inclusion. Pour répondre au mieux aux besoins des familles, l'effort est porté sur la diversification de l'offre et sa souplesse d'adaptation. La réponse à ces besoins d'adaptation ne repose pas seulement sur une transformation de l'offre, elle s'accompagne de moyens nouveaux. Les orientations arrêtées en conférence nationale du handicap le 26 avril 2023 viennent conforter cette démarche en renforçant notamment l'accessibilité, l'école inclusive et l'offre médico-sociale.

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