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Sarah Tanzilli
Question N° 6091 au Ministère de la justice


Question soumise le 7 mars 2023

Mme Sarah Tanzilli interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le cadre légal autour des collectifs citoyens luttant contre la cyber-pédocriminalité. La Team Moore, un de ces collectifs citoyens créé en avril 2019, s'attèle à traquer les pédocriminels sur les réseaux sociaux. Les prédateurs sexuels sont appâtés avec de faux profils d'enfants ou d'adolescents afin de monter un dossier avant un signalement aux autorités compétentes. Lors des enquêtes, plusieurs règles strictes sont respectées pour éviter les vices de procédure et l'irrecevabilité des preuves : pas de provocation légale, pas d'usurpation de l'identité d'un enfant, aucun contenu pédopornographique ne doit être partagé ou conservé, aucune information sur le pédocriminel ne doit être divulguée. Ce groupe revendiquerait 75 arrestations et 36 condamnations. Ce « vigilantisme » citoyen s'avère être une aide précieuse pour les services de police, même s'il pose question sur les dérives éventuelles. Par ailleurs, selon l'Union européenne, les contenus pédopornographiques ont augmenté de 6 000 % en 10 ans, principalement sur la catégorie des enfants entre 7 et 10 ans. En 2019, la France était le troisième pays au monde hébergeur de ce type d'image, tandis qu'en 2020 les cyber-violences sur les mineurs ont augmenté de près de 57 % selon l'association E-Enfance. Or, en France, l'Office central pour la répression des violences aux personnes ne dispose que de 17 officiers de la police judiciaire spécialisés dans les techniques d'enquête de la cyber-pédocriminalité. La création par le Gouvernement d'un office dédié aux violences faites aux mineurs va permettre d'augmenter de manière considérable les moyens d'action et d'enquête. Cependant, elle l'interroge sur l'action de ces groupes et du cadre légal dans lequel ils exercent, afin de lutter le plus efficacement possible contre la cyber-pédocriminalité.

Réponse émise le 4 juillet 2023

Le ministre de la Justice partage la légitime préoccupation de lutte contre la cyber-pédocriminalité et rappelle que les investigations conduites en la matière doivent s'inscrire dans le strict respect de la procédure pénale. Les formes imposées aux divers actes d'enquête ont pour but de garantir la régularité des investigations et de protéger les droits et les libertés individuelles. Lors de l'imputation de faits de nature cyber-pédocriminelles, il s'agit d'être particulièrement vigilant à la qualité des procédures, ainsi qu'à la régularité des modes d'administration de la preuve. En la matière, la jurisprudence constante de la Cour de cassation rappelle que l'enquête publique est astreinte à la loyauté de la preuve, mais qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter des moyens de preuve remis par un particulier aux services d'enquête, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il revient cependant aux services d'enquêtes d'en apprécier la valeur probante, conformément aux dispositions de l'article 427 du code de procédure pénale. Les investigations judiciaires demeurent de la compétence exclusive des services d'enquête. Cette compétence est sanctionnée par le diplôme d'officier de police judiciaire et complétée par des formations spécialisées pour les enquêteurs en charge de la lutte contre la cyber-pédocriminalité. Les services spécialisés en matière de cyber-pédocriminalité disposent de moyens croissants et de prérogatives renforcées. Le Commandement de la gendarmerie dans le cyberespace est doté d'un réseau de 6.700 cyber-enquêteurs répartis sur l'ensemble du territoire et pouvant le cas échéant conduire les premières investigations en matière de cyber-pédocriminalité. Le Comcybergend dispose par ailleurs au niveau central d'enquêteurs spécialisés dans la lutte contre la cyber-pédocriminalité. De même, au sein de la police nationale, les 3.000 enquêteurs de l'Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l'Information et de la Communication (OCLTIC), sont répartis sur l'ensemble du territoire afin d'offrir un premier niveau de réponse judiciaire. L'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) vient compléter cette organisation au moyen d'une unité nationale spécialisée dans la lutte contre la cyber-pédocriminalité. Les 17 enquêteurs de cette unité sont plus particulièrement formés à l'audition de mineurs victimes ainsi qu'à l'enquête sous pseudonyme. Dans ce cas, sous l'autorité du procureur de la République ou du juge d'instruction, les dispositions de l'article 230-46 du code de procédure pénale relative à l'enquête sous pseudonyme (ESP) leur permettent une lutte pro-active contre la cyber-pédocriminalité. La lutte contre la cyber-pédocriminalité offre également un cadre d'expression à la vigilance citoyenne. Au sein de l'OCLTIC, la Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) permet d'exploiter H24/7 les signalements adressés sur le site www.internet-signalement.gouv.fr. Cette plateforme est compétente pour l'ensemble des contenus illicites diffusés publiquement sur internet, et plus particulièrement s'agissant des faits de pédopornographie, pour lesquels la plateforme dispose d'une cellule spécialisée. En 2022, PHAROS a permis le retrait de 73.925 contenus pédopornographiques. Enfin, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale, tout citoyen peut déposer plainte ou dénoncer des faits directement auprès du procureur de la République. En 2023, la création d'un Office central de lutte contre les violences faites aux enfants contribuera à renforcer l'encadrement de ces signalements transmis par des citoyens ou des collectifs d'internautes. L'enjeu est de renforcer significativement la lutte contre la cyber-pédocriminalité tout en évitant les dérives liées notamment à des dénonciations calomnieuses.

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