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Gabriel Amard
Question N° 5996 au Ministère de la transition écologique


Question soumise le 28 février 2023

M. Gabriel Amard attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fait que l'environnement mondial est contaminé par les PFAS, ces 4 000 substances perfluoroalkylées aux propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, utilisées depuis les années 1950 dans les industries textiles, d'emballages alimentaires, des cosmétiques, des produits phytosanitaires, pour la fabrication des mousses anti-incendie, des revêtements antiadhésifs etc. Ces « polluants éternels » sont très persistants et se retrouvent dans les déchets des produits de consommation, mais aussi dans l'air, les sols et l'eau. 100 000 sites industriels émettraient des PFAS en Europe. La pollution est particulièrement forte autour des usines chimiques, des aéroports et des bases militaires (usage des mousses anti-incendie) et dans les zones d'épandage des boues contenant des PFAS. 12,5 millions d'Européens boiraient une eau polluée aux PFAS. Entre 2 et 17 % de l'accumulation de PFAS chez l'homme en Europe est due à l'apport via l'eau potable d'après EurEau, Fédération européenne des opérateurs de l'eau. Cela pose deux problèmes : c'est principalement aux opérateurs publics ou privés d'assurer la qualité de l'eau potable et donc d'éliminer les PFAS (quand ils les repèrent), ce qui implique un coût supplémentaire répercuté aux usagers de l'eau et non aux industriels. Les obligations reposant sur ces derniers de changer leur process de production pour ne plus les utiliser les PFAS paraissent peu nombreuses et peu contraignantes. Ainsi, dans la vallée du Rhône, près de Lyon et notamment dans la commune de Pierre-Bénite, l'eau du robinet de plus de 200 000 personnes serait contaminée aux PFAS en raison des rejets industriels de deux usines - Daikin Chemical (autorisation ICPE) et Arkema (Seveso seuil haut). Le sol d'une école, à Irigny est pollué et contient 33 µg/kg de PFAS. Il est même recommandé aux personnes résidant à Oullins, Pierre-Bénite, Irigny, Saint-Genis-Laval disposant d'un poulailler de ne pas consommer les œufs produits et de ne pas consommer la chair des volailles. Les deux sociétés manipulent en effet deux PFAS (6:2 FTS, PFHxA) d'après l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes (publication du 20 février 2023). D'autres PFAS ont été utilisés par le passé. Dans les eaux rejetées par l'usine Arkema dans le Rhône, le taux de PFAS est 36 414 fois supérieur à celui relevé en amont, d'après une enquête journalistique. M. le député a pris bonne note du fait que les services de l'État ont une lecture différente de la situation que celle présentée par l'enquête journalistique, au motif que les champs captants de Grigny et Ternay n'utilisent pas directement l'eau du fleuve mais disposent de forages exploitant la nappe alluviale du Rhône. Au regard des taux de PFAS évoqués, la réponse paraît incomplète et les habitants et élus du Rhône espèrent des réponses plus étayées. Par ailleurs, l'ARS reconnaît des dépassements de seuil problématiques et annonce qu'elle mettra « en œuvre une surveillance des PFAS dans l'eau brute, traitée et distribuée, dès 2022 et sans attendre l'évolution réglementaire de 2026 ». M. le député constate avec satisfaction que l'enquête journalistique et le travail des associations a permis la mobilisation des pouvoirs publics sur la question des PFAS dans le Rhône, avec un programme de surveillance. Certaines substances sont déjà recherchées et réglementées au niveau international et européen, mais encore bien trop peu. En effet, l'association Générations futures a publié un rapport sur la présence des PFAS dans les eaux françaises le 12 janvier 2023, sur la base de données publiques de 2020. 36 % des échantillons prélevés contiennent un ou plusieurs PFAS. En 2011, l'Anses avait repéré des PFAS dans 25 % des échantillons d'eau étudiés. Or les résultats de Générations futures pourraient d'après l'association être en deça de la réalité et ce d'autant plus que le nombre d'échantillons n'est pas réalisé de manière homogène sur le territoire. Par ailleurs, les effets des PFAS sont encore mal connus et le principe de précaution devrait commander. Le plan du Gouvernement sur les PFAS proposé le 17 janvier 2023 se contente de grandes déclarations sans aucune mesure de réduction contraignante et d'appliquer le seuil de PFAS de 0,1 µg/L prescrit par la directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite eau potable et dont la disposition entrera en vigueur en 2026. L'exécutif ne prévoit aucune norme pour réduire les émissions des industriels qui sont les plus à même de rejeter des PFAS. L'obligation de surveillance des PFAS n'est enfin prévue que pour 2026, alors que la pollution est d'ores et déjà très importante sur l'ensemble du territoire. C'est ainsi volontairement que l'usine Daikin a mis en service en 2017 une station de traitement des rejets de PFAS utilisé dans l'eau d'après l'ARS AURA. Or l'efficacité environnementale commande de ne pas utiliser la substance lors de la production et de la substituer à un autre procédé. De même, « Arkema a annoncé l'arrêt d'utilisation du principal composé PFAS utilisé à horizon 2024, ce qui a été confirmé et prescrit par arrêté préfectoral le 23 septembre 2022 » lui apprend l'ARS AURA. Autrement dit, les industriels décident selon leur propre calendrier productif de l'utilisation ou non de molécules dangereuses pour la santé et les services de l'État suivent. Cette méthode ne paraît pas être conforme à l'objectif de planification écologique que s'est donné le Gouvernement. L'action du Gouvernement concernant les PFAS paraît insuffisante et ce d'autant plus que l'Agence européenne des produits chimiques a publié, mardi 7 février 2023, une proposition visant à interdire en 2025 ces composés (avec des dérogations cependant), ouvrant ainsi la voie à « l'une des plus grandes interdictions de substances chimiques jamais imposées en Europe », selon la déclaration commune de l'Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et la Norvège à l'origine de la proposition. La France affirme soutenir cette interdiction. Le retard pris dans la lutte contre ces polluants est déjà considérable, aussi, il l'appelle à interdire dès maintenant les PFAS.

Réponse émise le 9 mai 2023

Les substances per- ou polyfluoroalkyles (PFAS), large famille d'environ 10 000 composés chimiques, sont des molécules très persistantes, largement répandues dans l'environnement qui représentent un enjeu de santé publique. Pour structurer son action en réponse à ces préoccupations grandissantes, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a publié le 17 janvier dernier son plan d'action ministériel sur les substances per- et polyfluoroalkylées. Ce plan s'appuie sur 6 axes d'actions ayant notamment pour objectifs la définition de normes réglementaires pour guider l'action publique, la réduction des émissions des industriels, l'amélioration des connaissances sur ces substances et leur restriction sur le marché européen. S'agissant de l'imprégnation biologique de la population, des études réalisées par Santé publique France et soutenues par les ministères chargés de la santé et de l'environnement, montrent en effet une exposition de la population française aux PFAS. L'enquête Esteban, menée de 2014 à 2016 chez 249 enfants et 744 adultes, et dont les résultats sur les composés perfluorés ont été publiés en 2019, a analysé 17 PFAS : 7 étaient quantifiés à plus de 40 % chez les adultes et 6 chez les enfants, le PFOA et le PFOS étaient quantifiés à 100 % chez les enfants et les adultes. Les niveaux de PFAS en France étaient généralement plus faibles que ceux observés dans d'autres pays (Etats-Unis, Canada). Comme indiqué dans l'axe 3 du plan d'action gouvernemental du 17 janvier 2023, une nouvelle enquête nationale de biosurveillance Albane va être lancée cette année pour réduire les risques liés aux PFAS. L'objectif est de produire des données complémentaires d'imprégnation aux PFAS et d'identifier plus précisément les sources et les facteurs d'exposition permettant de mieux cibler les mesures de réduction des expositions. Au niveau européen, le programme de biosurveillance HBM4EU (Human biomonitoring in Europe), mené de 2014 à 2021, a permis d'établir des niveaux de référence concernant l'exposition interne à 12 PFAS chez 1 957 adolescents européens âgés de 12 à 18 ans. Ces données établissent une tendance à la baisse des concentrations en ce qui concerne le PFOA et le PFOS, mais pas pour les autres composés perfluorés. Le partenariat européen PARC (Partnership for the Assessment of Risks from Chemicals), prenant la suite de HBM4EU, va étudier les PFAS afin de surveiller l'imprégnation des populations européennes et de l'environnement, d'identifier les impacts sanitaires de ces substances et de faire le lien avec les travaux règlementaires en vue de réduire les expositions. Sur le volet de l'eau potable, de la compétence du ministère de la santé, dans le cadre de la transposition de la directive de 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), une ordonnance, deux décrets et 13 arrêtés ont été publiés fin décembre 2022. Pour ce qui est des nouveaux paramètres, dont les PFAS, leur recherche est rendue obligatoire à partir de janvier 2026, comme prévu par la directive, en lien avec les capacités analytiques existantes. En revanche, les nouvelles limites de qualité entrent en application à partir de janvier 2023, permettant ainsi aux autorités locales de gérer les situations de présence de ces nouveaux paramètres dans l'éventualité où elles auraient eu recours à l'article R. 1321-17 du code de la santé publique pour suivre ces paramètres de manière anticipée dans les EDCH compte tenu du contexte local. En ce qui concerne l'amélioration de la connaissance, la surveillance et les normes de rejets industriels, un projet d'arrêté ministériel visant à établir un premier état des lieux de la présence des PFAS au sein des rejets aqueux de secteurs industriels va être prochainement mis à la consultation du public. Ce projet s'inscrit dans l'axe 4 du plan d'action gouvernemental et vise les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises à autorisation sur un large champ de filières industrielles (environ 5 000 installations industrielles sur l'ensemble du territoire français) afin d'atteindre la quasi-intégralité des sites pouvant produire, utiliser ou rejeter ces substances. L'objectif est que les industriels réalisent 3 campagnes mensuelles d'analyses pour identifier s'ils rejettent des PFAS et en quelle quantité. Il permettra de proposer, dans un deuxième temps et au vu de cet état des lieux, une surveillance pérenne des substances majeures qui auront été identifiées, afin d'engager des actions de réduction des émissions de PFAS. Pour aller plus loin, face au constat de la présence ubiquitaire de ces substances dans l'environnement, générant des risques potentiellement non contrôlés, les Pays-Bas et l'Allemagne, avec le soutien de la Norvège, du Danemark et de la Suède, ont préparé une proposition de restriction dans le cadre du règlement REACH, visant à couvrir un large éventail d'utilisations des PFAS. Le consortium a transmis son dossier à l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) le 13 janvier 2023. Il a été rendu public le 7 février 2023. Il a notamment proposé d'interdire la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation de ces substances en tant que telles, en tant que constituants d'autres substances, dans des mélanges ou des articles. Des dérogations ont été proposées pour des usages précis, sur la base d'informations sur la disponibilité des alternatives. Elles concernent les secteurs de la santé, de la sécurité et de l'énergie ainsi que des secteurs stratégiques comme les semi-conducteurs et les transports. Aucun usage dans des produits de consommation courante ne fait l'objet de proposition de dérogation. Le dossier est soumis à consultation publique pour 6 mois depuis le 22 mars 2023. En parallèle, l'expertise par les comités scientifiques de l'Agence européenne des produits chimiques débute. A ce stade, il est estimé qu'une proposition de restriction sur la base de ce dossier pourrait être adoptée par la Commission européenne en 2026 et que l'entrée en application des premières mesures d'interdiction pourrait avoir lieu courant 2028. Comme annoncé dans l'axe 2 du plan d'action gouvernemental, les autorités françaises suivent avec attention le déroulement du processus de restriction et apportent leur soutien au consortium dans l'aboutissement du processus au niveau européen, pour supprimer les risques liés aux PFAS.

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