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Carlos Martens Bilongo
Question N° 4200 au Ministère du première ministre


Question soumise le 20 décembre 2022

M. Carlos Martens Bilongo interroge Mme la ministre de la transition énergétique sur les agissements du groupe pétrolier français Perenco et en particulier sur les nombreuses atteintes à l'environnement dont il se rend coupable en République démocratique du Congo. Cette compagnie pétrolière intervient à Muanda, à l'extrême ouest du pays et exploite une dizaine de gisements sur une zone qui jouxte le parc marin des Mangroves, constituée de sept cents kilomètres carrés d'un écosystème protégé composé d'arbres tropicaux et de marais qui hébergent lamantins, hippopotames, singes et tortues. L'environnement est classé « zone humide d'importance internationale ». Or les pratiques de la compagnie pétrolière semblent en contradiction directe avec la préservation de la région autant qu'avec la législation en vigueur en RDC en matière de préservation de l'environnement. Depuis plus de dix ans, les accusations contre la compagnie émanant d'ONG locales et internationales, de chercheurs ou encore du sénat congolais se multiplient : en tout 167 signalements de pollutions liées aux activités de Perenco en RDC ont été réalisées ces quinze dernières années et visent toutes des pollutions répétées aux hydrocarbures, la contamination de l'eau potable et des maladies respiratoires. Il apparaît en effet que Perenco s'adonne à la pratique dites « du torchage » qui consiste à brûler le gaz libéré lors de l'extraction du pétrole pour le transformer en CO2, ce qui a pour conséquence de laisser échapper du méthane dans l'atmosphère. Or le méthane est considéré comme l'une des principales sources du réchauffement climatique après le dioxyde de carbone. La pratique est interdite par la loi congolaise depuis 2015 mais Perenco ne semble pas estimer qu'il lui appartient de respecter la législation en vigueur dans le pays qu'elle exploite. Il est estimé qu'entre 2012 et 2021 il existe 58 sources de torchage à l'intérieur ou à proximité du parc marin des Mangroves qui seraient à l'origine du rejet de deux milliards de mètres cubes de méthane dans l'atmosphère et que pour la seule année 2021, Perenco a une empreinte carbone équivalente à celle de 21 millions de congolais. Les conséquences de ces pratiques illégales sont déjà connues : la zone d'extraction est située au centre de plusieurs villages de pêcheurs et de cultures qui jouxtent la ville de Muanda. L'université de Lubumbashi a publié une étude en 2020 réalisée par son unité de toxicologie et environnement qui fait apparaître que la région de Muanda connaît un taux anormalement élevé de cas de diarrhées, de maladies respiratoires et de contaminations au benzène directement imputables à l'extraction du pétrole. Il a également été constaté un comportement anormal des cultures (jaunissement des feuilles) et la contamination de la flore sauvage. En plus des torchères, d'autres pollutions sont régulièrement signalées. On citera en particulier le cas de l'enfouissement des boues de forages. Pourtant, dès 2013, un rapport du sénat congolais dénonçait l'enterrement de ces fluides issus de l'extraction du pétrole et potentiellement composés de résidus d'hydrocarbures et de métaux lourds et condamnait le fait qu'il ne respecte pas les normes environnementales en matière de rejet des déchets industriels. Il apparaît que Perenco n'a pas renoncé à cette pratique à ce jour pour autant. Perenco est également responsable de fuites de pétrole brut dans les sols et les cours d'eau. Au regard de tous ces agissements, les ONG françaises Les Amis de la Terre et Sherpa ont annoncé avoir assigné Perenco en justice sur le fondement de la loi biodiversité de 2016 qui instaure un régime de réparation au préjudice écologique. Cette situation est d'autant plus choquante que le propre père de Mme la ministre est l'ancien dirigeant de cette compagnie et qu'en 2016, il a créé une société nommée Arjunem pour transmettre une part de sa fortune à ses petits-enfants, tout en évitant de payer des droits de succession. Une partie de cette somme proviendrait de fonds spéculatifs domiciliés en partie dans des paradis fiscaux, installés dans le Delaware (États-Unis d'Amérique), en Irlande et à Guernesey et dans lesquels Perenco détiendrait aussi des investissements. Les produits financiers étant pour leur part déposés dans une banque au Luxembourg, ce que Mme la ministre avait soigneusement omis de déclarer à la HATVP mais qui l'oblige désormais de ne plus s'occuper des dossiers liés à la deuxième plus grande entreprise pétrolière de France. Comment la France peut-elle rester crédible dans sa lutte contre le réchauffement climatique quand la 2e compagnie pétrolière du pays se comporte comme une entreprise voyou, s'estimant affranchie du respect de la législation du pays dans lequel elle extrait du pétrole et causant des dommages majeurs à l'environnement et aux populations locales ? Il lui demande quelle action de l'état français pour faire cesser ses pratiques peuvent être attendues quand Mme la ministre ne peut plus agir sur le sujet en raison d'un conflit d'intérêt sur fond d'évasion fiscale.

Réponse émise le 28 février 2023

Le Gouvernement est pleinement et collectivement mobilisé en faveur de la préservation de l'environnement. L'existence d'un décret de déport au profit de la Première ministre portant notamment sur le groupe Perenco ne saurait caractériser une démobilisation du Gouvernement face aux sujets environnementaux. Depuis 2017, le Gouvernement a fait preuve de son engagement en matière de répression pénale des infractions environnementales. D'une part, la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a modernisé les outils de la justice environnementale afin d'assurer une meilleure répression des infractions dans ce domaine. Elle permet notamment de désigner un tribunal judiciaire dans le ressort de chaque cour d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des délits environnementaux. De plus, elle ouvre la possibilité de conclure des conventions judiciaires d'intérêt public (CJIP) en matière environnementale. D'autre part, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite loi « Climat et résilience », crée le délit d'écocide en droit français à l'article L.231-3 du code de l'environnement. Il recouvre deux infractions distinctes qui sont le fait de commettre intentionnellement des atteintes à l'eau, à l'air, à la faune et à la flore visées à l'article L. 231-1 et le fait ne de pas se conformer aux règles applicables en matière de gestion des déchets, s'il en résulte des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l'air, du sol ou de l'eau. Enfin, depuis peu, la Première ministre est chargée de la planification écologique. Cette mission, qui traduit la volonté de placer la priorité écologique au cœur de l'action gouvernementale, s'est accompagnée de la création d'une nouvelle structure dédiée, le secrétariat général pour la planification écologique (SGPE). Le SGPE a pour mission d'assurer la cohérence et le suivi des politiques à visée écologique, de veiller à la mobilisation des ministères et des parties prenantes, de coordonner toutes les négociations et enfin de mesurer la performance des actions menées.  Tant les nouvelles compétences de la Première ministre en matière de planification écologique que la création du SGPE témoignent de ce que le combat en matière environnementale s'intensifie.

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