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Yannick Neuder
Question N° 3596 au Ministère de la santé


Question soumise le 29 novembre 2022

M. Yannick Neuder attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les pénuries de paracétamol et d'amoxicilline. Récemment, de nombreuses organisations de pédiatres et infectiologues ont estimé que le manque d'amoxicilline, l'un des antibiotiques les plus utilisés chez les enfants, risque d'avoir pour conséquence une crise majeure de santé publique. À cette pénurie, s'ajoute celle du paracétamol, pour laquelle l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait évoqué une situation « de fortes tensions d'approvisionnement » qui pourrait durer jusqu'en mars 2023. En effet, si la pénurie de médicaments est une préoccupation depuis des années, voilà qu'elle s'accentue et frappe désormais aujourd'hui des médicaments très largement utilisés. Mais quelles sont les raisons de ces pénuries ? En vérité, au-delà des aggravations circonstancielles, on distingue de vraies raisons de fond. Tout d'abord, certaines de ces raisons sont indéniablement liées à la mondialisation de la production de médicaments, une délocalisation qui s'est accrue ces dernières années avec pour conséquence un éclatement des différentes étapes dans de multiples sites à travers le monde. Encore une fois et comme trop souvent, ces pénuries révèlent à quel point la souveraineté du pays est mise à mal. À ce sujet, le ministre a lui-même déclaré : « L'enjeu, qui est majeur, c'est que ce ne sont pas des médicaments qui sont produits en France ». Par ailleurs, l'actualité récente contribue aussi à rendre difficile l'approvisionnement en médicaments à savoir le contexte de grande inflation. Celui-ci ralentit fortement l'accès aux matières premières et a augmenté considérablement les coûts énergétiques des entreprises. Quid du PLFSS qui au lieu d'introduire des mesures soulageant l'industrie française, faisait l'objet d'un dispositif étouffant le secteur et menaçant l'accès aux médicaments. À cet égard, les entreprises du médicament (Leem) ont dénoncé « un PLFSS 2023 totalement déconnecté des besoins de la population française en médicaments et de la réalité des entreprises ». À ce sujet, à Roussillon, au sein même de la circonscription de M. le député, ouvrira prochainement une nouvelle usine de production de paracétamol, quinze ans après la fermeture du dernier site français. C'est pourquoi il convient de mettre tous les moyens pour favoriser cette relocalisation industrielle de la production. Enfin, s'ajoutent à l'épidémie de covid-19, toujours présente malgré tout, d'autres maladies caractéristiques de l'hiver, lesquelles reviennent à grands pas depuis l'édulcoration des gestes barrières. C'est particulièrement sur ce point que les autorités françaises expliquent le manque d'amoxicilline : selon ces dernières, les fabricants ont été pris de court par un fort rebond de la demande. Pour répondre à cette crise du médicament, le Gouvernement a annoncé une série de mesures. M. le ministre a même annoncé que la pénurie de paracétamol dans les pharmacies sera réglée « dans les semaines qui viennent » tout comme celle de l'antibiotique amoxicilline. Toutefois, ces mesures ne sont pas assez ambitieuses. En effet, ce n'est pas « en quelques semaines » que l'on solutionne une problématique telle que celle-ci avec des enjeux d'envergure par exemple celui de la relocalisation massive de la production nationale. Aussi, il lui demande quelle feuille de route compte adopter à long terme le Gouvernement, afin de délivrer aux patients et en particulier aux enfants alors que frappe l'épidémie de bronchiolite, des traitements adaptés, d'assurer aux concitoyens des stocks suffisants de médicaments et plus largement, de garantir la souveraineté sanitaire de la France, pays reconnu malgré tout comme véritable modèle en santé à travers le monde.

Réponse émise le 21 mars 2023

Face aux tensions d'approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux qui durent depuis plusieurs semaines, le Gouvernement a réuni le 2 février 2023 un comité de pilotage pour faire le point sur la situation et poser les premiers jalons d'une nouvelle stratégie en matière de prévention et de gestion des pénuries. Ce comité a réuni les acteurs clés du secteur de la santé (représentants des patients, des professionnels de santé et des industriels). Les ruptures récentes sont la conséquence de la recrudescence importante des pathologies hivernales non corrélée à une augmentation proportionnelle de la fabrication des produits disponibles. En outre, d'autres phénomènes expliquent ces situations de rupture telles que les difficultés d'approvisionnement en matières premières et notamment en excipients entrant dans la composition de ces spécialités. Alors que l'intensité de la triple épidémie de Covid-19, de bronchiolite et de grippe a diminué ces dernières semaines, les tensions en approvisionnement restent fortes en France et à l'échelle mondiale. Au plus fort de la crise, le contingentement des stocks, l'interdiction des exportations par les grossistes, les préparations magistrales par les pharmaciens ou encore les recommandations à destination des patients et des professionnels de santé, ont permis de limiter autant que possible les tensions rencontrées sur certains produits. Ces mesures restent en vigueur jusqu'à ce que la situation s'améliore de façon pérenne. Le Gouvernement a également œuvré pour trouver de nouvelles solutions rapides pour les Français pour faire face à la tension en amoxicilline. En collaboration étroite avec les industriels du secteur, un million de flacons d'amoxicilline (représentant un mois de consommation nationale supplémentaire) ont été mis à disposition pour continuer à alléger les tensions. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, indépendamment de la pandémie Covid-19, le comité de pilotage qui s'est réuni le 2 février 2023, a acté le lancement d'une phase de concertation de deux mois avec l'ensemble des parties prenantes. Leurs propositions serviront à construire une nouvelle feuille de route pluriannuelle permettant de lutter contre les pénuries de produits de santé qui sera présentée au plus tard en juin 2023. La précédente feuille de route 2019-2022 a marqué des avancées majeures (plan de gestion des pénuries, obligation de détention de stocks de sécurité notamment). En outre, trois chantiers majeurs sont en cours. Premièrement, d'ici à la fin du mois de mai 2023, la liste des médicaments dits « critiques » car stratégiques pour la santé des patients sera établie sur la base des recommandations des autorités scientifiques. A cette liste seront attachées une analyse des risques en matière d'approvisionnement, et des solutions correctrices nécessaires. Plusieurs axes d'amélioration seront établis (plus forte transparence sur la disponibilité des produits de santé, amélioration de l'information des Français sur la situation, y compris territorialisée, renforcement de l'information des patients directement concernés, etc.). Ces améliorations iront de pair avec un renforcement de la stratégie de souveraineté portée à travers les investissements « France 2030 », afin de renforcer l'autonomie et la souveraineté industrielle française en relocalisant en France la production de certains médicaments stratégiques ainsi que leurs principes actifs. Deuxièmement, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ANSM en lien avec la direction générale de la santé sera chargée d'établir un plan de préparation des épidémies hivernales (sécurisation des stocks, amélioration de la mise à disposition des données, responsabilisation de l'ensemble des acteurs du soin et des patients, etc.) pour anticiper d'éventuelles tensions et renforcer notre capacité à faire face à des pics saisonniers de consommation de médicaments. Troisièmement, un « Plan blanc Médicaments » activable en cas de situation exceptionnelle, nécessitant de prendre des mesures fortes pour sécuriser la prise en charge des patients, sera préparé. Le Gouvernement a également annoncé un moratoire sur les baisses de prix des génériques stratégiques sur le plan industriel et sanitaire. Il est également prévu d'opérer des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques produits en Europe. Ces hausses de prix se feront en contrepartie d'engagements des industriels sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français. Enfin, au niveau européen, le règlement (UE) n° 2022/123 du 25 janvier 2022 qui a introduit des dispositions visant à prévenir et gérer les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques, en renforçant le rôle de l'Agence européenne des médicaments est entré en application. Il s'agit là d'une première étape visant à mettre en place un cadre renforcé pour la notification et la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique ou d'événements majeurs dans l'Union européenne.

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