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Aurélie Trouvé
Question N° 2010 au Ministère auprès de la ministre de l’europe


Question soumise le 11 octobre 2022

Mme Aurélie Trouvé interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, sur la position française à l'égard de la stratégie de relance des négociations commerciales par l'Union européenne. Depuis 2020 et la pandémie de covid-19, les prises de parole publiques se sont succédées, aussi bien à Paris qu'à Bruxelles, en faveur de la relocalisation des activités économiques ou de l'autonomie stratégique européenne en matière d'industrie, d'énergie, d'agriculture et de productions de biens et services. Pourtant, depuis plusieurs mois, la Commission européenne, avec l'assentiment tacite ou public des États membres, multiplie les initiatives pour négocier, finaliser, signer et ratifier de nouveaux accords de libéralisation du commerce et de l'investissement : Nouvelle-Zélande, Australie, Inde, Mexique, Chili, etc. : la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a explicitement affirmé lors de son discours sur l'état de l'Union vouloir rapidement « ratifier les accords de commerce avec le Chili, le Mexique et la Nouvelle-Zélande » et « poursuivre les négociations avec l'Australie et l'Inde ». En parallèle, la presse a révélé au mois d'août 2022 que la Commission tentait de ressusciter par tous les moyens l'accord UE-Mercosur. Si Emmanuel Macron avait demandé à ce qu'aucune annonce de ce type ne soit rendue publique pendant la présidence française de l'Union européenne, un accord avec la Nouvelle-Zélande a été depuis annoncé, sans que la France n'y trouve rien à redire, pas plus qu'aux déclarations d'Ursula Von der Leyen. Quelle est la stratégie française quant à la possible conclusion de l'accord UE-Mercosur ? Les implications de cet accord pour la forêt et les populations autochtones brésiliennes autant que pour l'agriculture paysanne européenne ont été largement analysées comme funestes par les ONG et les experts les plus sérieux. Le Gouvernement lui-même avait commissionné un groupe d'experts qui a rendu un rapport fort mitigé quant aux impacts du possible traité. Alors qu'il est désormais largement acquis qu'il est nécessaire de réduire immédiatement et massivement les émissions de gaz à effet de serre de la France, est-il vraiment raisonnable de vouloir augmenter les importations et exportations avec des pays se situant à des dizaines de milliers de kilomètres de la France et de l'Union européenne ? En période de sobriété imposée à tous les Français, aux collectivités territoriales, aux entreprises mêmes, alors que le gouvernement précédent, issu de la même majorité, a martelé le slogan de la « relocalisation », elle lui demande comment se situent les représentants de la France à Bruxelles face aux velléités de la Commission européenne de vouloir relancer tous azimuts un agenda commercial offensif.

Réponse émise le 20 décembre 2022

Le Gouvernement analyse chaque négociation commerciale, dont la conduite relève de la Commission européenne sur la base d'un mandat délivré par le Conseil de l'Union européenne, selon ses mérites propres. L'ouverture commerciale européenne contribue à atteindre les objectifs poursuivis dans le cadre de la relance économique post-Covid, en soutenant les emplois en France et en diversifiant les débouchés pour nos entreprises. Elle répond à la nécessité de diversifier et sécuriser nos approvisionnements, y compris en matières premières critiques, dans le contexte actuel de guerre en Ukraine et d'instabilité internationale accrue. Dans le cadre de la stratégie commerciale équilibrée définie par la Commission le 18 février 2021, elle contribue donc à renforcer l'autonomie stratégique européenne. Durant la présidence française du Conseil de l'UE, nous avons travaillé à renforcer considérablement la cohérence de la politique commerciale de l'Union européenne avec nos objectifs de développement durable. Avec le soutien de la France, la Commission européenne a présenté le 22 juin sa nouvelle approche vis-à-vis des engagements de développement durable dans les accords commerciaux de l'UE, incluant notamment l'imposition de sanctions commerciales en dernier ressort et l'Accord de Paris en tant qu'élément essentiel des accords. Cette approche a été reprise au niveau du Conseil en octobre 2022. Les négociations ont progressé sur plusieurs sujets sous l'impulsion de la présidence française, avec un accord au Conseil sur l'adoption d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne, et un accord entre le Conseil et le Parlement européen obtenu le 6 décembre 2022 sur le projet de règlement de lutte contre la déforestation, y compris dans les produits importés. En outre, et toujours dans l'objectif d'assurer la durabilité des chaînes de valeur européennes, le Conseil négocie actuellement l'adoption d'un instrument de lutte contre la mise sur le marché de produits issus du travail forcé. Concernant l'accord trouvé avec la Nouvelle-Zélande le 30 juin 2022, il convient de rappeler qu'il s'agit d'un partenaire qui partage pleinement nos valeurs, en particulier sur le plan climatique. L'accord est le plus ambitieux jamais négocié par l'Union européenne sur ce point : il met en œuvre l'alignement de notre politique commerciale avec notre action climatique, environnementale et sociale, reprenant le souhait émis par la France de faire de la politique commerciale un levier de notre ambition en matière de développement durable. Il intègre l'Accord de Paris comme élément essentiel, prévoit des sanctions commerciales en dernier ressort en cas de violation des principaux engagements en matière de développement durable, et intègre des dispositions sur l'égalité des genres, les subventions aux énergies fossiles, l'économie circulaire ou la lutte contre la déforestation. Enfin, en ce qui concerne le projet d'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, la position de la France est connue. L'accord négocié n'est pas acceptable en l'état. Nous avons posé trois conditions : l'accord ne doit pas se traduire par davantage de déforestation importée au sein de l'UE, les politiques publiques des pays du Mercosur doivent être pleinement conformes avec leurs engagements au titre de l'Accord de Paris et les produits agroalimentaires importés doivent respecter, en droit et en fait, les normes sanitaires et environnementales de l'Union. Loin d'être isolées, ces préoccupations sont partagées par plusieurs de nos partenaires européens.

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