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Romain Baubry
Question N° 1679 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 4 octobre 2022

M. Romain Baubry interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les moyens qu'il compte mettre en œuvre prochainement pour favoriser l'agriculture locale notamment dans les Bouches-du-Rhône, l'un des premiers départements de maraîchage de France. Face aux crises, face aux grandes exploitations, face à l'importation alimentaire massive, les producteurs locaux doivent se battre pour rester compétitifs. Les coûts de production sont irréductibles, si ce n'est extensibles, et la seule chose qui diminue en cas de crise est le bénéfice pour les producteurs. De plus, les producteurs sont victimes de l'augmentation des coûts de l'énergie et des emballages. Aussi, début septembre 2022, plusieurs syndicats agricoles du département se mobilisaient pour dénoncer une concurrence déloyale du fait de l'importation de tomates marocaines, qui représentaient 63% des volumes importés en 2021. Puisque les grandes surfaces ont préféré s'approvisionner en tomates importées en pleine période de production française, les producteurs locaux ont vu des dizaines de tonnes de produits dépérir parce qu'ils n'étaient pas achetés à temps. Les syndicats dénoncent à la fois une surreprésentation des tomates importées dans les rayons, et le manque d'information du consommateur sur l'origine de ces produits, qui est souvent presque illisible sur les emballages. Certains fournisseurs tels que l'entreprise franco-marocaine Azura jouent sur la confusion. En mars 2022, l'emballage des tomates Azura affichait ainsi l'équipe perpignanaise de rugby USAP, ce qui porte le consommateur à croire qu'il consomme des tomates entièrement produites sur le territoire français. Le prix imbattable des tomates provenant du Maroc est notamment le fait des frais de main d'œuvre nettement moins élevés qu'en France, le coût employeur pour chaque salarié y étant en moyenne de 74 centimes d'euros par heure. Les problèmes posés par cette concurrence déloyale sont pourtant dénoncés depuis 2010, mais la quantité de tomates importées du Maroc sur les étals des grandes surfaces ne fait qu'augmenter depuis, grâce au régime douanier extrêmement favorable qui leur est appliqué. À l'échelle européenne, quatre associations européennes alertaient encore sur la perte engendrée pour les producteurs européens de tomates du fait de la massive importation de produits provenant du Maroc. Et la consommation de ces produits importés ne manque pas d'inconvénients pour le consommateur. À l'inverse, l'achat d'un produit local permet de soutenir les producteurs locaux, de profiter du terroir de leur région, de privilégier les circuits courts, de lutter contre le gaspillage, et d'être sûr que le produit consommé respecte les réglementations en vigueur en Europe (notamment en matière de pesticides). De nombreux imprévus propres à chaque territoire viennent également s'ajouter à la liste des contraintes que subissent les producteurs français à l'échelle nationale. Si de nombreuses atteintes aux cultures relèvent du cas de force majeure, les agriculteurs français doivent toutefois être protégés contre les atteintes qui ne sont pas irrésistibles et encore moins imprévisibles. Il lui demande donc quelles solutions il envisage pour favoriser l'agriculture locale, menacée de toutes parts.

Réponse émise le 18 avril 2023

Face aux tendances inflationnistes déjà observées depuis l'automne 2021 et amplifiées depuis la survenue de la crise ukrainienne, le Gouvernement est totalement mobilisé. Le Gouvernement a annoncé, le 16 mars 2022, un plan de résilience économique et sociale, qui prévoit la mise en œuvre d'un plan sur la souveraineté à moyen et long termes spécifique aux fruits et légumes. Les travaux d'élaboration de ce plan ont été lancés en septembre 2022. Ce plan vise à donner un cadre stratégique et des leviers d'actions opérationnels afin que la filière fruits et légumes puisse inverser la tendance des courbes de production à l'horizon 2030. Afin d'élaborer ce plan, des discussions ont associé professionnels et services ministériels sur les grands axes stratégiques suivants : protection des cultures ; compétitivité, investissements, innovation ; recherche, expérimentation, formation et renouvellement des générations ; dynamisation de la consommation de fruits et légumes dans le modèle alimentaire. Ce plan a été présenté le 1er mars 2023 par le ministre chargé de l'agriculture lors du salon international de l'agriculture. Pour ce qui est plus spécifiquement de l'importation de tomates marocaines, l'accord de 2012 entre l'Union européenne et le Maroc exclut d'une libéralisation totale des échanges une série de produits, dont les tomates. Les importations de tomates fraîches en provenance du Maroc sont ainsi régies par un système de contingents tarifaires ainsi que des prix d'entrée et des droits de douane préférentiels. Ces prix d'entrée différent au cours de l'année, selon que l'on se trouve dans le pic de production européen ou non. L'accord agricole maintient, par ailleurs, des « droits spécifiques additionnels » liés au système du prix d'entrée et s'appliquant quand le prix déterminé en douane est inférieur à ce prix d'entrée. Cette détermination du prix est calculée sur la base de la valeur forfaitaire à l'importation définie en application de la réglementation communautaire en vigueur, elle-même établie en prenant en considération les prix représentatifs de produits importés notifiés par les États membres à la Commission européenne. Concernant les difficultés ayant trait au droit d'information du consommateur, la réglementation européenne en vigueur [règlement (UE) n° 543/2011] prévoit l'étiquetage obligatoire de la mention de l'origine pour l'ensemble des fruits et légumes. Cette information doit obligatoirement figurer sur les colis, les préemballés et lors de la vente au détail. En outre, alors que le règlement (UE) n° 1169/2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires prévoit une taille minimale de caractère des mentions d'étiquetage (1,2 millimètre pour les denrées préemballées), le décret n° 55-1126 du 19 août 1955 portant application de l'article L. 214-1 du code de la consommation en ce qui concerne le commerce des fruits et légumes précise que « dans toute annonce de prix portant sur des fruits et légumes frais, au stade de la vente au détail, la mention relative à l'origine des produits est inscrite de façon visible et lisible, en caractères d'une taille égale à celle de l'indication du prix ». Dès lors, la règlementation applicable en matière d'information du consommateur permet une information claire et loyale des consommateurs quant à l'origine des produits, permettant un achat éclairé. Cela étant, le Gouvernement reste fortement mobilisé pour lutter contre les fraudes et abus commis en matière d'origine des fruits et légumes notamment par la réalisation de contrôles, effectués par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), permettant la vérification des normes de commercialisation, la bonne information du consommateur et la loyauté des échanges dans le secteur des fruits et légumes. À ce titre, le réseau « fruits et légumes » de la DGCCRF réalise une enquête annuelle relative à la conformité des fruits et légumes et consiste en des interventions dans les établissements. Ces interventions impliquent plusieurs actions de contrôles afin de vérifier le respect des règles d'étiquetage ainsi que l'exactitude et la clarté des informations données aux consommateurs. La vérification de la véracité de l'origine et des mentions valorisantes est un point clé de ces contrôles en raison de l'importance qu'y attachent les consommateurs. En 2021, 28 008 actions de contrôle visant à vérifier les règles de loyauté ont été menées par la DGCCRF dans 5 521 établissements. Les taux d'anomalie en termes d'établissements et d'actions de contrôle ont respectivement atteint 46 % et 16 %. Ces non-conformités ont fait l'objet de 536 procès-verbaux pénaux, 66 procès-verbaux administratifs, 144 constats de non-conformité, 619 injections et près de 1 912 établissements ont fait l'objet d'un ou plusieurs avertissements. Plus largement, le Gouvernement soutient toute évolution au niveau européen comme l'objectif de la Commission européenne, dans le cadre de sa stratégie « De la ferme à la table », de renforcer l'information au consommateur via l'étiquetage de l'origine. Par ailleurs, pour lutter contre l'inflation et en particulier la hausse des coûts de l'énergie observées depuis l'année 2022, le Gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures de soutien. Sur les carburants, une remise sur le prix à la pompe a été appliquée d'avril à décembre 2022. Cette réduction a concerné les particuliers comme les professionnels et ce, sans condition de revenus. Elle s'est appliquée à tous les carburants, y compris le gazole non routier à destination des professionnels. Toutes les entreprises, quelles que soient leur taille, bénéficient de l'allègement, à son minimum légal européen, de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) et du mécanisme d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) permettant à tous les fournisseurs alternatifs de s'approvisionner en électricité auprès d'EDF dans des conditions fixes par les pouvoirs publics. Le plan de résilience économique et sociale inclut un dispositif d'aide au paiement des factures de gaz et d'électricité. Ce dispositif est ouvert aux exploitations agricoles. Il consiste en une subvention prenant en charge une partie du surcoût de gaz et d'électricité, selon les règles établies par l'encadrement temporaire de crise adopté par la Commission européenne le 23 mars 2022. En complément, pour les très petites entreprises (TPE) dont l'installation électrique est de faible puissance (inférieure à 36 kilovoltampères), le bouclier tarifaire permet de plafonner la hausse des factures d'électricité à 15 %. Les entreprises non couvertes par le bouclier tarifaire bénéficient du dispositif d'amortisseur électricité depuis le 1er janvier 2023. Un tarif de l'électricité, de 280 euros par mégawatt-heure en moyenne sur l'année 2023, est accordé à toutes les TPE ayant souscrit un contrat au second semestre de l'année 2022, valable depuis le mois de janvier 2023. Aussi, une garantie publique sur les cautions bancaires est fournie par le Gouvernement, lors de la signature des contrats d'énergie. En outre, l'enveloppe de prise en charge des cotisations sociales dues par les exploitants à la mutualité sociale agricole a été abondée cette année à hauteur de 150 millions d'euros supplémentaires pour venir en aide aux exploitations confrontées à des hausses de charges qui dégradent leur compte d'exploitation de manière significative. Au-delà de ces dispositifs d'aide, des réunions fréquentes sont organisées avec les acteurs de l'ensemble de la chaîne alimentaire, afin de s'assurer de la bonne application des dispositions des lois EGALIM 1 et 2, et en particulier de la répercussion des hausses des coûts de production de l'amont vers l'aval. En outre, des réunions spécifiques ont été organisées avec les acteurs des filières pour identifier précisément les risques de pénuries et fluidifier les échanges entre maillons lors des périodes de crise. Le Gouvernement reste ainsi pleinement mobilisé pour assurer aux exploitations agricoles des conditions économiques soutenables. Au-delà des mesures de court terme telle que l'aide aux surcoûts énergétiques, il travaille également à l'élaboration de mesures structurelles permettant notamment de consolider la capacité de production sur plusieurs filières stratégiques et ainsi de favoriser l'agriculture locale. Le plan de souveraineté des fruits et légumes, qui a fait l'objet d'une annonce officielle lors du salon international de l'agriculture le 1er mars 2023, constitue ainsi un outil majeur pour accompagner le développement des filières maraîchères et arboricoles. Ce plan de souveraineté fruits et légumes, qui a fait l'objet d'un soutien unanime des professionnels, a pour ambition d'inverser la tendance des courbes de production à horizon 2030. Quatre axes stratégiques sont ciblés dans le plan, que sont la protection des cultures (anticipation des contraintes phytosanitaires), la compétitivité, (investissements et innovation), la recherche, l'expérimentation et la formation, ainsi que la communication et la dynamisation de la consommation de fruits et légumes. Il est admis que la France produits aujourd'hui environ 50 % des fruits et légumes qu'elle consomme. La cible du plan est de gagner 5 points de souveraineté en fruits et légumes d'ici 2030, 10 points à horizon 2035. Toutes les productions de fruits et légumes de métropole et des territoires ultramarins, ont vocation à contribuer à leur échelle à l'atteinte de ces objectifs.

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