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Aurélien Saintoul
Question N° 15388 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 20 février 2024

M. Aurélien Saintoul interroge Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le projet du Gouvernement d'instaurer des groupes de niveau au collège. Le projet d'arrêté « collège », présenté pour avis au Conseil supérieur de l'éducation (CSE) le 8 février 2024, a été rejeté unanimement par tous les représentants qui siègent au CSE : 67 voix contre et pas une seule voix pour. En réalité, ce sont toutes les mesures prévues dans le projet de « choc des savoirs » du Gouvernement qui ont été quasi unanimement rejetées par la communauté éducative. L'école pour toutes et tous ne peut être un vain slogan. Ces mesures vont dans le sens d'un tri social encore plus grand entre les bons élèves qui continueront d'être bons et les élèves en difficulté qui bénéficieront d'encore moins de moyens pour s'en sortir. Ces mesures ne permettront pas de lutter contre la reproduction sociale et ne garantiront pas la promotion du mérite. La littérature scientifique sur le sujet est sans équivoque : les groupes de niveau ne permettent pas à tous de réussir. Par ailleurs, les syndicats des personnels de l'éducation nationale alertent sur le fait que ces réformes entraîneront une baisse du volume horaire de certains enseignements (langues et cultures de l'Antiquité, langues vivantes...), déjà fragilisés par les réformes passées du baccalauréat. Elles ne feront que dégrader encore plus les conditions de travail des enseignants car elles ne répondent en rien aux problèmes que sont l'insuffisance de moyens, la crise de recrutement des professeurs et la surcharge des classes. Les élèves en situation de handicap, les élèves allophones ou bien les élèves rencontrant des difficultés scolaires et sociales se verront également pénalisés. L'instauration de classes de niveau est la déclinaison au collège de la réforme du lycée aux effets désastreux et extrêmement déstructurante. Elle signerait la fin du collège unique qui est un objectif idéologique poursuivi depuis toujours par l'extrême droite. Enfin, cette réforme paraît difficile, voire impossible à mettre en œuvre. Le Gouvernement prétend que les élèves pourront changer de groupes de niveau en milieu d'année, ce qui est rigoureusement infaisable. Il s'inquiète énormément de ce déni de démocratie et souhaite savoir comment elle pourrait prétendre justifier d'imposer une mesure aussi grave sans avoir l'approbation d'un seul membre de la communauté éducative.

Réponse émise le 23 avril 2024

Les efforts menés depuis 2017 sur le premier degré ont permis d'améliorer le niveau des élèves à l'entrée en 6e. Cependant, les évaluations nationales montrent que 30 % des élèves ont des difficultés en français et plus de 25 % en mathématiques à ce moment de leur parcours scolaire. Le même constat se retrouve à la sortie du collège, révélé aussi bien par les résultats aux épreuves nationales du diplôme national du brevet que par l'enquête PISA 2022. Ces constats confirment la nécessité de mieux faire réussir les collégiens, selon leur niveau, des plus fragiles aux plus avancés, en leur offrant des modalités d'enseignement plus adaptées à leurs besoins. Ainsi, à compter de la rentrée prochaine, pour les classes de 6e et de 5e, les enseignements de français et de mathématiques sont organisés en groupes de besoins, sur la totalité de l'horaire hebdomadaire. Pour les autres disciplines, c'est-à-dire pour deux tiers des heures de cours, la classe demeure l'organisation de référence. Pour l'ensemble des groupes, les programmes et les attendus de fin d'année sont identiques. L'objectif est de prendre en charge des groupes d'élèves plus homogènes pour permettre d'adapter les pratiques pédagogiques et de mieux soutenir ceux qui en ont le plus besoin. Les groupes qui comportent un nombre important d'élèves en difficulté seront en effectifs réduits. L'organisation retenue par les établissements doit permettre de constituer des groupes flexibles et évolutifs en fonction des besoins et compétences des élèves, sans que d'autres critères, tels que la situation de handicap, n'entrent en ligne de compte. Si les établissements le souhaitent, il est possible de regrouper les élèves conformément à leur classe de référence, pour une ou plusieurs périodes afin de garantir à la fois la cohérence des progressions pédagogiques des différents groupes et la recomposition des groupes pour les périodes suivantes. Cette organisation permet en outre aux professeurs de français et de mathématiques d'investir le rôle de professeur principal. Les moyens déployés dans le cadre de la rentrée scolaire 2024 tiennent compte des spécificités des collèges et doivent permettre la mise en œuvre des groupes de besoins en français et en mathématiques, tout en maintenant les autres dispositifs (groupes en sciences, enseignements facultatifs notamment). Enfin, la décision de mettre en œuvre des groupes de besoins s'appuie sur de nombreuses recherches. Les études empiriques montrent que l'organisation flexible de groupes homogènes constitués en fonction du niveau de maîtrise des compétences produit des effets positifs, particulièrement sur les élèves les moins avancés (Dupriez et alii, 2003 ; IDEE, 2023). De plus, les pays tels que la Suisse, la Suède ou le Danemark qui ont adopté une organisation en groupes flexibles répartis selon les besoins des élèves, pour tout ou partie des enseignements, obtiennent des performances scolaires supérieures à celles des élèves français dans les classements internationaux en fin de collège, tout en réduisant l'impact des inégalités sociales à l'école.

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