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Aymeric Caron
Question N° 15052 au Ministère du ministère auprès du Premier ministre


Question soumise le 13 février 2024

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M. Aymeric Caron interroge Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur les recommandations de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), adoptées le 17 novembre 2023. « Leur mise en œuvre sera moins coûteuse que le coût du déni », dit la Ciivise, qui estimait dans ses précédents rapports que les violences sexuelles contre les enfants coûtaient 9,7 milliards d'euros par an à la société. En France, selon la Ciivise, plus de cinq millions de personnes adultes ont été confrontées à des violences sexuelles avant l'âge de 18 ans. 160 000 enfants en sont victimes chaque année, soit un enfant toutes les trois minutes. Huit fois sur dix, les violences sont commises par un membre de la famille. Ces chiffres sont indignes au sein de la 7e puissance économique mondiale. On devrait être en capacité de protéger les enfants et de limiter les violences sexuelles sur ceux-ci, à l'aide de moyens ambitieux. On devrait également permettre aux personnes victimes de violences sexuelles pendant leur enfance de déposer plainte afin d'obtenir un semblant de réparation de leur préjudice et ce quel que soit le délai qui s'est écoulé depuis le crime. C'est le sens de l'une des recommandations de la Ciivise, qui préconise de rendre imprescriptibles les crimes de violences sexuelles sur mineurs. Depuis 2018, la loi permet aux personnes victimes de viols pendant l'enfance de déposer plainte jusqu'à l'âge de 48 ans et aux personnes victimes d'agressions sexuelles pendant l'enfance jusqu'à 38 ans. Au-delà, les faits sont considérés comme prescrits et aucune poursuite judiciaire n'est possible. Aujourd'hui, l'imprescriptibilité est possible uniquement pour les crimes contre l'humanité. Or la prescriptibilité des violences sexuelles sur mineurs a pour effet la quasi impunité des agresseurs : en France, 4 % des viols sur mineurs font l'objet de plaintes. 74 % de ces plaintes vont être classées sans suite, la moitié des plaintes instruites déqualifiées. Au total, seules 10 % des plaintes vont être jugées en cour d'assises. C'est donc moins de 1 % de l'ensemble des viols qui sont jugés comme tels. Pourtant, les crimes sexuels ont un impact catastrophique sur la santé mentale et physique des victimes, sur leur vie sociale et intime. Le rapport de 2021 de la Ciivise relatait que sur 3 800 témoignages recueillis, une victime sur trois rapporte avoir déjà fait une tentative de suicide au cours de sa vie. 9 personnes sur dix ont déclaré que ces violences ont eu un impact négatif sur leur confiance en elles et sur leur santé psychologique. Une victime sur trois indiquait n'avoir aucune vie sexuelle et une femme sur trois souffrait de problèmes gynécologiques. « Les victimes d'incestes sont, dans leur vie, 2,4 fois plus nombreuses que les autres à tomber dans le tabagisme, 4 fois plus nombreuses à sombrer dans la dépression et surtout 15 fois plus nombreuses à faire une tentative de suicide », résumait en 2015 Gérard Lopez, président-fondateur de l'Institut de victimologie de Paris. Un sondage Ipsos sur les conséquences médicales et psychologiques de l'inceste, réalisé pour l'Association internationale des victimes de l'inceste (AIVI) en 2010, démontrait que 98 % des victimes d'incestes se sentent ou se sont senties « régulièrement très déprimées », contre 56 % pour le reste de la population. Mais l'existence d'une prescription pour les crimes sexuels commis sur des enfants est également, par essence, inadaptée à la typologie de ces crimes et à leurs conséquences sur leurs victimes. D'une part car des enfants ne peuvent comprendre l'ampleur de la gravité de ce qui leur arrive lorsqu'une telle violence leur est imposée et cette incompréhension ne leur permet pas dénoncer ce qu'ils ont subi, même à l'âge adulte. D'autre part car les crimes sexuels, et notamment ceux commis sur les enfants, provoquent des psychotraumatismes qui engendrent des amnésies traumatiques, un mécanisme neurologie involontaire qui fait oublier aux victimes les crimes qu'ils ont subi, parfois pendant des décennies. Cela concerne environ 40 % des enfants victimes. Plusieurs pays européens, comme la Suisse, les Pays-Bas et le Danemark, ont récemment adopté l'imprescriptibilité de l'action publique sur les crimes sexuels commis sur des mineurs. En Belgique, depuis la loi du 21 mars 2022, c'est l'ensemble des crimes de violences sexuelles qui est frappé d'imprescriptibilité. Pour la Ciivise, lever la prescription pour les violences sexuelles sur mineurs serait l'un des moyens « les plus justes de remettre la justice à sa place ». La résolution 2330 du Conseil de l'Europe en date du 26 juin 2020 exhorte les États européens à supprimer la prescription pour les violences sexuelles commises contre les mineurs et les mineures. C'est pourquoi il lui demande si elle va donner corps à cette recommandation de la Ciivise en actant la fin de la prescription pour les faits de violences sexuelles commis sur des mineurs et des mineures.

Réponse

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