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Sandrine Rousseau
Question N° 13625 au Ministère du ministère de la justice


Question soumise le 12 décembre 2023

Mme Sandrine Rousseau interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la prescription des agressions et crimes sexuels sur les enfants. Selon le Conseil de l'Europe, un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles (agressions ou crimes). Il faut rappeler que 50 % des victimes font une tentative de suicide. L'amnésie traumatique peut être définie comme une réaction à un stress tellement intense pour le cerveau que le seul moyen qu'il trouve est de geler ces souvenirs traumatisants et les rend inaccessibles pendant des années, voire des décennies. Ce phénomène psychologique permet de survivre à un choc traumatique intense. Certains adultes violés parviennent à sortir de cette amnésie alors qu'ils ont plus de 60 ans. Alors que, selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles (CIIVISE), un tiers des victimes traverse une amnésie traumatique, la prescription des crimes sexuels constitue une entrave à la justice et devient un outil d'impunité des agresseurs et criminels sexuels. La loi d'août 2018 a allongé la prescription de 20 à 30 ans pour les crimes sexuels sur mineurs, à compter de la majorité des victimes. Le phénomène d'amnésie traumatique démontre l'insuffisance de ce délai. C'est la raison pour laquelle, elle souhaite savoir si le Gouvernement envisage l'imprescriptibilité pour les agressions et crimes sexuels sur les enfants conformément à la recommandation de la CIIVISE.

Réponse émise le 27 février 2024

La lutte contre les infractions sexuelles commises au préjudice des mineurs est une priorité du Gouvernement. Depuis 2017, l'action du ministère de la Justice a consisté à renforcer la lutte contre les violences sexuelles commises au préjudice de personnes majeures ou mineures. Cette priorité s'est traduite notamment par les lois du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales. Ces lois ont conduit à des évolutions significatives de notre arsenal législatif en allongeant le délai de prescription de vingt à trente ans pour les crimes sexuels commis sur les mineurs afin de laisser davantage de temps aux victimes pour porter plainte et en améliorant la répression des viols et autres abus sexuels. La prescription, qui ne commence par ailleurs à courir qu'à compter de la majorité des victimes d'infractions sexuelles, peut ainsi être reportée jusqu'aux 48 ans de la plupart d'entre elles. La loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste a également introduit en droit français le mécanisme dit de « prescription prolongée » pour les infractions de viols, d'agressions et d'atteintes sexuelles imposées par un même auteur sur des mineurs. Ce mécanisme prévoit la prolongation du délai de prescription d'une première infraction jusqu'à la date de prescription d'une infraction ultérieure commise par un même auteur à l'encontre d'un autre mineur. Ainsi, si une personne commet un nouveau viol sur un autre mineur, la prescription du premier crime est prolongée jusqu'à la date de prescription du nouveau crime, ce qui permet que ces deux crimes se prescrivent à la même date. Il est complété par une amélioration du régime de la connexité en permettant que soient considérés comme connexes les viols, agressions sexuelles ou atteintes sexuelles commis par le même auteur à l'encontre de plusieurs victimes mineures, ayant pour conséquence qu'un acte interruptif de prescription concernant l'un de ces faits aura le même effet à l'égard des autres. La prescription des infractions sexuelles commises sur des mineurs est ainsi prolongée. La mobilisation du ministère de la Justice pour renforcer la lutte contre les infractions sexuelles s'est également traduite par la diffusion de plusieurs circulaires et dépêches. A cet égard, dans le prolongement du mouvement de libération de la parole des victimes, le garde des Sceaux a, par une dépêche du 26 février 2021, invité les procureurs généraux et procureurs de la République à ouvrir systématiquement une enquête préliminaire en cas de révélation de faits anciens de nature sexuelle, même susceptibles d'être prescrits, dont les finalités sont multiples. Elles visent notamment à permettre la réalisation d'investigations afin de découvrir, le cas échéant, l'existence d'autres victimes pour lesquels les faits ne seraient pas prescrits, voire pour lesquelles seule l'enquête serait de nature à révéler les faits dont elles continueraient à souffrir. Par ailleurs, le Gouvernement œuvre à favoriser le recueil de la parole des enfants victimes. La circulaire du 28 mars 2023 relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs invite les procureurs généraux et les procureurs de la République à porter une attention particulière au recueil de l'audition du mineur, qui doit pouvoir être réalisée par un enquêteur spécialement formé et dans un environnement protégé, soit au sein d'une salle Mélanie, soit au sein d'une unité d'accueil pédiatrique enfance en danger, afin que le mineur puisse bénéficier d'une prise en charge pluridisciplinaire et voir limiter son risque de traumatismes secondaires. La lutte contre les violences sexuelles est ainsi une préoccupation constante du ministère de la Justice. Le Gouvernement n'est en revanche pas favorable à l'adoption d'une imprescriptibilité des infractions sexuelles commises sur des mineurs, laquelle doit demeurer réservée aux crimes contre l'humanité. Il importe en effet de souligner que l'écoulement du temps s'accompagne d'un dépérissement des preuves, lesquelles restent cependant indispensables pour que les infractions dénoncées donnent lieu à des décisions de condamnation pénale. Ainsi, une imprescriptibilité de l'action publique relative aux crimes et agressions sexuels commis sur les mineurs n'aboutirait pas nécessairement à renforcer significativement la répression de ces infractions.

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