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Jean-Luc Bourgeaux
Question N° 13571 au Ministère du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire


Question soumise le 12 décembre 2023

M. Jean-Luc Bourgeaux appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation de la filière avicole bretonne. Force est de constater que la production de cette filière a baissé de 31 % en Bretagne entre 2000 et 2020 et continue de chuter, alors même que la consommation de volailles françaises augmente. En 2022, la moitié des poulets consommés en France étaient importés avec une tendance qui se poursuit en 2023 et cette hausse de la consommation nationale est assurée par les importations depuis 2014. En effet, depuis la suppression des droits de douane en 2002, on observe une hausse de + 113,5 % d'importations ukrainiennes et cela sans compter la volaille ukrainienne importée et transformée en Pologne et dans les Pays-Bas en étant estampillée « Union européenne ». Ces volailles importées ont des coûts de production bien inférieurs aux coûts de production des élevages français qui sont soumis à des normes plus nombreuses et plus exigeantes. Parallèlement, l'étiquetage sur l'origine des viandes est mal fait ou contourné en grande distribution et quasi-inexistant en restauration hors domicile. Des promotions sur la viande sont régulièrement faites par la grande distribution qui met en avant des viandes importées au détriment de la volaille d'origine française. De ce fait, il y a une inadéquation entre, d'une part, les incitations politiques de montée en gamme, suivies par les industriels, qui ont poussé les éleveurs à s'engager dans des labels de qualité, plus coûteux à produire pour l'éleveur et, d'autre part, la demande des consommateurs qui, face à l'inflation, se reportent vers des produits moins chers. Ainsi, toutes les filières sont affectées, y compris les filières labels et agriculture biologique qui souffrent elles aussi énormément de l'inflation. Les conséquences de la hausse des importations amènent à une diminution des mises en place et ce dans toutes les filières et pour toutes les productions. Ainsi, les éleveurs subissent en moyenne 4 semaines de vide, ce qui correspond à 2 lots de production de perdus, soit 1 tiers de la production sur l'année ! Certains éleveurs en sont à 9 semaines de vide, soit 9 semaines sans animaux et sans production ! À court terme, la situation est très tendue, avec des pertes de revenus importantes qui s'annoncent pour les éleveurs. Toutes ces difficultés conjoncturelles et de trésorerie mettent en péril la viabilité des élevages et nuisent aux investissements, à l'attractivité du métier et aux transmissions. Il faut rappeler que la filière avicole bretonne représente 17 805 emplois directs en 2020, à l'aval et à l'amont de la filière, avec 28 sites d'abattage, de découpe et de transformation de volailles localisés dans la région. Or aujourd'hui, c'est la préservation du secteur avicole breton, son dynamisme, son savoir-faire, sa diversité (poulets de chair et coquelets, dindes et dindons, canards à rôtir, pintades) et ses emplois, directs et indirects, qui sont en jeu. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu'il entend prendre pour activer une clause de sauvegarde, rétablir les frais de douane et les quotas d'importation des volailles ukrainiennes et la mise en place de clauses miroirs. Il en va de la souveraineté alimentaire de la France.

Réponse émise le 21 mai 2024

Les colégislateurs de l'Union européenne (UE) se sont accordés le 8 avril 2024 sur un nouveau texte prolongeant la libéralisation unilatérale des échanges avec l'Ukraine tout en l'assortissant d'un renforcement des clauses de sauvegardes et de la mise en place d'un mécanisme automatique de frein d'urgence couvrant notamment la viande de volaille. Ce texte a été approuvé par le comité des représentants permanents (Coreper) le 8 avril et le Parlement européen le 23 avril, avant son adoption définitive lors d'un vote sans discussion au Conseil, fixé au 13 mai 2024. Pour rappel, en soutien à l'économie ukrainienne face à la guerre d'agression russe, l'UE avait libéralisé, avec l'appui du Gouvernement français, ses échanges avec l'Ukraine depuis le 4 juin 2022 pour une durée initiale d'un an. Le 6 juin 2023, le règlement (UE) 2023/1077 a prolongé la libéralisation d'une année supplémentaire soit jusqu'au 5 juin 2024. L'ouverture des échanges avec l'Ukraine a entraîné des augmentations significatives des importations de plusieurs produits agricoles ukrainiens dans l'UE, dont la viande de volaille. Les importations européennes de viande de volaille en provenance d'Ukraine ont connu une hausse de 78 % entre 2021 et 2022 et de 46 % entre 2022 et 2023. Elles ont atteint 118 000 tonnes (t) en 2022 et 173 000 t en 2023. Entre novembre 2022 et décembre 2023, les importations ukrainiennes ont représenté 30 % des importations extra-européennes. Face à cette situation, la France a alerté à plusieurs reprises la Commission européenne sur l'impact des mesures de libéralisation tarifaire sur les marchés agricoles européens de certains produits sensibles dont la viande de volaille, tout en insistant sur la nécessaire solidarité avec l'Ukraine et le besoin d'une action continue de l'UE en soutien à son économie en cette période de guerre sur son territoire. S'agissant de la viande de volaille, le texte adopté permet de mettre en place un mécanisme de frein automatique en limitant les importations de viande de volaille à droits nuls en provenance d'Ukraine à 132 000 t pour l'année 2024 et à 90 000 t entre le 1er janvier et le 6 juin 2025. Les volumes qui seraient importés au-delà de ces seuils se verraient appliquer les conditions de commerce établies préalablement dans l'accord de commerce entre l'UE et l'Ukraine dit « ALECA », notamment en termes de droits de douane. La Commission européenne devra activer ce frein automatique dans un délai maximum de 14 jours après l'atteinte du volume « seuil ». Grâce à l'action déterminée de la France et d'autres États membres en soutien aux amendements proposés par le Parlement européen à l'issue de sa première lecture du texte, le niveau du seuil déclenchant le frein d'urgence conrrespond, pour le sucre, la volaille, les œufs, le maïs, les gruaux et le miel, à la moyenne des volumes importés d'Ukraine dans l'UE pendant une période comprenant le deuxième semestre 2021, l'année 2022 et l'année 2023. L'extension de la période de référence au second semestre 2021 par rapport à la proposition initiale de la Commission représente un abaissement des volumes de référence permettant de mieux protéger les marchés européens d'un afflux de produits ukrainiens destabilisant pour ces filières sensibles. La hausse des importations de viande de volaille doit toutefois être relativisée au regard du niveau de production, d'exportations et d'importations européennes et du niveau des prix européens. Concernant les prix, après avoir fortement augmenté en 2022 par rapport à 2021 et 2020, il se sont maintenus à un niveau élevé en 2023 comparable à celui de 2022. Cette hausse participe également d'une tendance générale d'augmentation de l'ensemble des importations européennes, dans laquelle une partie des importations en provenance d'Ukraine s'est plutôt substituée à des importations en provenance d'autres pays (Royaume-Uni principalement) qu'à la production domestique européenne. Si les flux directs entre l'Ukraine et la France pour ces produits ne sont pas très élevés, il est néanmoins probable qu'une partie des importations françaises en provenance de Pologne et des Pays-Bas soient la conséquence directe ou indirecte des importations ukrainiennes. Ainsi, en 2023, les importations françaises de viande de volailles ont progressé de 3,4 % avec une hausse des volumes importés en provenance de l'UE particulièrement marquée (+ 7,5 %), depuis la Pologne, la Belgique et les Pays-Bas. En revanche, les importations en provenance des pays tiers sont en baisse (- 30,1 %) notamment sous l'effet du recul des volumes en provenance du Royaume-Uni. Depuis une vingtaine d'années, les importations de viande de volaille en France sont en augmentation. La filière française de viande de volaille est en déficit structurel de production pour couvrir la consommation intérieure. Entre 2018 et 2022, la France a exporté en moyenne 457 000 tonnes équivalent-carcasse (téc) de viande de volaille par an (55 % à destination de l'UE) et importé en moyenne 699 000 téc de viande de volaille par an (93 % originaires de l'UE). Il convient également de rappeler le contexte particulier de production en forte baisse en France et dans d'autres pays de l'UE en 2022 et 2023, la filière ayant été frappée de plein fouet par les épisodes d'influenza aviaire hautement pathogène. Concernant les conditions d'importation de viande de volaille d'Ukraine, les produits agricoles ukrainiens qui rentrent sur le territoire de l'UE doivent respecter, au même titre que l'ensemble des produits agricoles importés dans l'UE, les normes de commercialisation européennes qui préservent la santé et la sécurité des consommateurs européens. Toutefois, la meilleure application des normes de production européennes aux produits importés constitue une priorité du Gouvernement,  a fortiori dans la perspective de l'élargissement de l'UE à l'Ukraine. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est particulièrement vigilant à ce que l'Ukraine rapproche sa législation de celle de l'UE progressivement et aussi rapidement que possible en tenant compte du contexte particulier lié au conflit, notamment concernant la production de viande de volaille. La décision d'activer une clause de sauvegarde par le règlement (UE) 2023/1077 relève de la Commission européenne. À l'heure actuelle, concernant les importations de viande de volaille ukrainienne dans l'UE, la Commission a considéré dans le cadre du suivi régulier des effets des mesures de libéralisation en faveur de l'Ukraine prévu par le règlement 2023/1077, que la situation sur le marché européen de la viande de volaille ne justifiait pas l'activation d'une clause de sauvegarde. Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire reste très attentif à la situation des filières agricoles et alimentaires françaises et continue de demander à la Commission européenne de rester vigilante à travers un suivi rapproché des flux commerciaux en provenance d'Ukraine pour ces filières et de l'impact cumulé des concessions accordées dans les accords de libre-échange.

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