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Hadrien Clouet
Question N° 12958 au Ministère auprès de la ministre du travail


Question soumise le 14 novembre 2023

M. Hadrien Clouet interroge Mme la ministre des solidarités et des familles sur le contenu du serment des contrôleurs CAF, dont la communication au grand public demeure empêchée. En effet, les caisses d'allocations familiales effectuent des contrôles réguliers quant au bien-fondé des aides versées. Une partie des contrôles ont lieu à l'insu des personnes contrôlées, par la surveillance de données portant sur les 13 millions d'allocataires. À cette fin, les contrôleurs consultent des dossiers interconnectés comportant les informations familiales, le solde bancaire, les factures d'énergie ou de téléphone. De telles investigations suivent un algorithme national qui calcule des scores de risques et les concentre en conséquence de façon discriminatoire sur les jeunes, les personnes précaires ou en situation de handicap. Une autre partie des contrôles ont lieu sur pièce. Là, les contrôleurs peuvent se rendre au domicile des personnes et vérifier s'ils vivent bien seuls, surveiller leurs habitudes et leurs biens, pour en tirer des conclusions largement discrétionnaires. Ces contrôles se heurtent à une série d'obstacles. Ils n'appliquent pas de critères de droit légalement définis, mais tentent d'analyser des critères de fait (qu'est-ce qu'une vie maritale ?). Par ailleurs, le volume de jurisprudence rend presque impossible la connaissance exhaustive des règles de droit. En outre, s'ils sont dépêchés sur des situations « ambiguës » ou « floues », ils n'ont pas de moyen en retour de faire évoluer les cases de l'administration pour les y adapter. Ces contradictions ont motivé le groupe La France insoumise, par l'intermédiaire de la députée Farida Amrani, à demander la création d'une commission d'enquête les pratiques des caisses d'allocations familiales, notamment en matière de contrôle sur les populations les plus précaires et les privations de droits et de non-recours qui en résultent. Parmi les garde-fous de ces contrôles, figure néanmoins le serment. Car les CAF délèguent exclusivement le pouvoir de contrôle des dossiers à des agents soumis au secret professionnel et assermentés, au titre des articles L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles et L. 114-9 ainsi que L. 114-10 du code de la sécurité sociale. Ce serment est prêté devant un juge de tribunal judiciaire. Il confère qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi. En cas de désaccord, la charge de la preuve incombe donc à la personne contrôlée. Or nombre d'associations tentent de se voir communiquer le texte du serment prononcé, en vain. Seules les grandes lignes sont parfois fournies : « bien remplir ses fonctions, loyalement, honnêtement ». L'absence d'information complémentaire est une rétention incompréhensible : le grand public ne sait pas quelles missions les contrôleurs jurent d'accomplir, comment ils jurent de procéder, quels objectifs ils jurent de poursuivre, s'ils jurent d'œuvrer à charge et à décharge, s'ils jurent de rappeler les risques avant un prononcé, ni même si ce serment est compatible avec injonctions du Défenseur des droits ou de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. C'est pourtant un serment crucial, dès lors que la formation des contrôleurs est restreinte à 6 mois, après un recrutement sans concours fondé sur une « enquête de moralité ». Aussi M. le député demande-t-il à Mme la ministre de communiquer le texte du serment des contrôleurs CAF. Comment envisage-t-elle, par ailleurs, de réglementer plus étroitement la collecte d'indices et leur interprétation ? Il lui demande si elle engagera un travail avec les associations et les syndicats pour définir plus précisément les catégories problématiques susceptibles d'interprétation très variées, comme la « vie conjugale », le « concubinage » ou « l'intentionnalité ».

Réponse émise le 21 mai 2024

Les agents contrôleurs des Caisses d'allocations familiales (CAF), en tant qu'ils sont employés par un organisme participant à une mission de service public, sont soumis à des devoirs particuliers afin d'assurer et de renforcer l'égalité et la neutralité des actions et missions relevant du service de la sécurité sociale. Ils sont soumis à l'obligation légale d'exercer leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité. Ils doivent ainsi se départir de tout préjugé d'ordre personnel et adopter une attitude impartiale dans l'exercice de leurs fonctions et des missions qui leur sont confiées. Ils sont également soumis aux principes de non-discrimination, de neutralité et de laïcité ainsi qu'aux devoirs de confidentialité, de réserve et de secret professionnel, cette dernière obligation étant d'ordre public. Les décisions d'agrément des contrôleurs des CAF sont publiées au bulletin officiel du ministère chargé de la sécurité sociale, site internet accessible au grand public. Les contrôleurs des CAF, comme d'ailleurs ceux des autres organismes sociaux, doivent présenter leur carte professionnelle aux personnes contrôlées. La prestation de serment se fait devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel est affecté le contrôleur. Si sa rédaction peut légèrement varier d'une juridiction à l'autre, le texte formule les mêmes principes généraux de loyauté et de confidentialité.  Par ailleurs, les définitions appliquées par les CAF sont strictement issues des textes législatifs et règlementaires et de la jurisprudence en vigueur. Ainsi, sur la notion d'isolement et de vie maritale, la circulaire n° 2018-150 publiée sur le site des CAF rappelle aux agents les critères de la communauté de vie et d'intérêt en conformité notamment avec la jurisprudence du Conseil d'État, avec un faisceau d'indices concordants tenant compte des évolutions de la société, par exemple le fait que l'adresse commune n'est pas un critère absolu, le doute bénéficiant in fine à l'allocataire. La définition de l'intentionnalité n'est pas propre aux prestations familiales et s'inscrit dans le cadre des dispositions légales et de la jurisprudence relatives à la fraude, notamment en application des articles 313-1 et 441-1 du code pénal.

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