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Edwige Diaz
Question N° 12020 au Ministère de la justice


Question soumise le 10 octobre 2023

Mme Edwige Diaz attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'insuffisance du recours au bracelet électronique anti-rapprochement (BAR) en vue de lutter contre les violences conjugales. En effet, le BAR est un dispositif efficace de prévention et de lutte contre les violences intrafamiliales, qui permet la géolocalisation de l'auteur des violences en cause ainsi que celle de la victime. En mai 2023, 1 014 bracelets étaient opérationnels, mais force est de constater que trop peu de décisions de justice ont recours à cette solution. À titre de comparaison, Mme la députée rappelle que plus de 8 000 bracelets ont été mis en service en Espagne depuis 2008 et qu'aucune femme concernée par ce dispositif n'a perdu la vie de la main de son conjoint violent depuis cette date. Face à ce cruel manque d'exploitation de ce dispositif, elle souhaite savoir quand et comment le Gouvernement incitera à la mise en place d'une politique pénale de fermeté et d'intransigeance contre les violences faites aux femmes, qui doit notamment passer par le développement du recours aux BAR.

Réponse émise le 12 décembre 2023

La lutte contre les violences conjugales est l'une priorités d'action du Gouvernement. Les dernières réformes législatives mises en œuvre ont été accompagnées par le ministère de la Justice, fixant de grandes orientations en matière de lutte contre les violences conjugales et incitant continuellement les parquets généraux et les parquets sous leur autorité à mettre en œuvre des politiques pénales fermes et garantes de la protection efficiente des victimes de violences conjugales. Les circulaires du 9 mai 2019 et du 28 janvier 2020, ont ainsi rappelé une préconisation majeure en matière de violences conjugales, à savoir la mise en place, au sein des juridictions, d'une politique pénale ferme, pouvant concrètement se traduire par les actions énumérées dans une dépêche synthétisant les instructions générales diffusée le 24 septembre 2021, parmi lesquelles le recours à des modes de poursuites rapides associés à des réquisitions d'éviction du conjoint, d'éloignement de la victime et de son domicile. Alors que les violences conjugales comptaient pour 9 % de l'activité correctionnelle en 2022 (contre 4 % en 2017), et que 12 % des années d'emprisonnement ferme prononcées contre des délinquants majeurs sanctionnaient des infractions commises par conjoint (contre 4 % en 2017), la structure des poursuites a été considérablement modifiée, au profit notamment des procédures avec défèrement (comparution immédiate et comparution à délai différé, convocation par procès-verbal du procureur de la République ou CRPC). Le nombre de personnes condamnées après défèrement pour des infractions commises au sein du couple a été multiplié par 3,25, passant de 8600 en 2017 à 28 000 en 2022. Ce mode de poursuite est aujourd'hui majoritaire en matière de violences conjugales, puisqu'il concerne 57 % des condamnés en 2022, contre 39 % en 2017. En outre, 40 % des condamnations prononcées en 2022 en matière de violences conjugales comportaient une mesure d'éloignement et/ou d'éviction du domicile du conjoint violent, contre 25 % en 2017. Le ministère de la Justice s'investit avec la même vigueur dans le développement des outils de prévention et de protection, ainsi que dans leur mise en œuvre concrète. Les chiffres attestent du déploiement réussi du bracelet anti-rapprochement depuis sa généralisation en décembre 2020, puisqu'au 16 octobre 2023, 2527 BAR ont été prononcés, dont 1027 sont actifs, contre 1500 BAR prononcés au 17 octobre 2022. La généralisation du BAR a fait l'objet d'un accompagnement renforcé par les services de la Chancellerie depuis décembre 2020, afin de favoriser son appropriation par l'autorité judiciaire. Outre les dépêches du 9 mars 2021 aux fins de remontées mensuelles des bracelets anti-rapprochements ordonnés au pénal, du 19 mai 2021 appelant à une vigilance accrue en matière de traitement des violences conjugales et du 27 mai 2021 visant à renforcer la mise en œuvre du bracelet anti-rapprochement par les juridictions, plusieurs cycles de visio-conférence se sont déroulés en direction des juridictions permettant de recenser les difficultés et d'accompagner l'accélération du recours au bracelet anti-rapprochement. Une documentation afférente au dispositif fait l'objet d'une diffusion large et se trouve publiée dans une « boîte à outils », accessible librement à l'ensemble des acteurs opérationnels concernés (magistrats, services pénitentiaires d'insertion et de probation, associations d'aide aux victimes). Afin de faciliter encore davantage cette appropriation du dispositif, le ministre de la Justice a également souhaité, par une dépêche du 27 mai 2021, que chaque cour d'appel et tribunal judiciaire, mais aussi chaque service pénitentiaire d'insertion et de probation, désigne un référent chargé de la politique de développement du bracelet anti-rapprochement. L'inspection générale de la justice a, par ailleurs, élaboré une fiche méthodologique permettant aux juridictions de construire leur parcours de mise en œuvre de ce dispositif. Enfin un BAR dit nouvelle génération se déploie depuis le 14 novembre 2023 améliorant les conditions d'utilisations présentant une meilleure ergonomie et une meilleure connexion réseau, une plus grande autonomie de batterie. Il convient de souligner qu'en raison des contraintes opérationnelles tenant à la distance minimale entre les parties, ce dispositif ne peut convenir à toutes les situations et n'est pas acceptée par toutes les victimes. C'est dans l'objectif d'assurer la protection la plus large des victimes que le Gouvernement continue à s'engager dans le déploiement de téléphones grave danger. Les deux dispositifs sont complémentaires et permettent de s'adapter aux besoins de protection des victimes qui peuvent ainsi se voir remettre un dispositif de téléphone grave danger dès l'enclenchement de la procédure, en présence d'un danger avéré. Ainsi, alors que moins de 1000 TGD étaient déployés en janvier 2020, 5 500 l'étaient en septembre 2023 dont plus de 4000 étaient actifs. L'efficacité de ces outils de protection repose sur une étroite coordination entre tous les acteurs judiciaires et leurs partenaires. Elle sera renforcée grâce à une organisation juridictionnelle dédiée avec la création de pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales dans tous les tribunaux et cours d'appel à compter du janvier 2024. Ces pôles permettront en effet de garantir une action coordonnée et rapide de tous les acteurs judiciaires et de leurs partenaires avec notamment la mise en place de filières d'urgences et la création de passerelles entre les procédures civiles et pénales. Le décret instaurant ces pôles a été publié le 24 novembre 2023 et la circulaire d'application diffusée à l'ensemble des juridictions le 27 novembre 2023.

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