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Martine Etienne
Question N° 11424 au Ministère du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche


Question soumise le 19 septembre 2023

Mme Martine Etienne alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement, sur les expulsions pratiquées dans les résidences universitaires du Crous, à rebours du droit commun. Selon l'étude menée par la fondation Abbé Pierre et l'Observatoire de la vie étudiante, sur 221 requêtes du Crous à l'encontre de résidents à des fins d'expulsion étudiées entre janvier 2022 et février 2023, les tribunaux administratifs ont prononcé l'expulsion de 193 résidents (soit 87 %), dont 127 sans délai (soit 57 %). Les étudiants disposent de très peu de temps, parfois de moins de quinze jours, pour partir et leurs effets personnels ne sont pas systématiquement conservés. Les étudiants peuvent également être expulsés en pleine période hivernale, contrairement à ce qu'impose le droit commun. Les Crous se situent donc complètement à rebours du droit commun en matière locative et les étudiants en sont les premières victimes. Par ailleurs, chaque Crous a ses propres pratiques et manœuvres, ce qui entraîne une rupture du principe d'égalité devant le service public pour des milliers d'étudiants. Il est urgent que les étudiants bénéficient des mêmes protections et des mêmes droits que l'ensemble de la population. Le logement des jeunes est une urgence absolue. Aujourd'hui, près de 20 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté. 46 % d'entre eux travaillent pendant l'année scolaire. Pourtant, le travail à côté des études est la première cause de l'échec à l'université : fatigue excessive, manque de temps, sursollicitation, burn-out, sont tant de facteurs déclenchés et aggravés par la précarité structurelle qui frappe la jeunesse. Aujourd'hui, le logement est la plus grosse dépense des étudiants, selon l'Observatoire national de la vie étudiante. Elle représente, en moyenne, 61 % du budget mensuel d'un étudiant, selon l'UNEF. Les loyers explosent et l'encadrement des loyers n'est pas effectif partout. Par exemple, le loyer moyen dans le privé hors Île-de-France est passé de 360 euros à 500 euros par mois entre 2012 et 2020. Ainsi, Mme la députée alerte le Gouvernement : quand va-t-il faire entrer les logements Crous dans le droit commun ? Le Gouvernement va-t-il étudier le cadre juridique et le déroulement inhumain des expulsions des étudiants des Crous ? Quand va-t-il réellement mettre des moyens dans la construction de 15 000 logements étudiants supplémentaires par an et dans la rénovation et la remise aux normes environnementales et de sécurité des logements existants ? Elle souhaite connaître les perspectives à ce sujet.

Réponse émise le 16 avril 2024

Le réseau des œuvres universitaires, composé du Cnous et des 26 Crous, partage avec la Fondation Abbé Pierre l'objectif d'accompagnement des publics les plus fragiles. Répartis sur tout le territoire et placés sous la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, les Crous agissent pour favoriser l'accueil et l'accompagnement des étudiants au quotidien et leur garantir les meilleures chances de réussite tout au long de leurs études. Ils proposent notamment l'accès à une restauration à tarif social, et, sous condition de ressources, à une bourse et à un logement. Toutes ces aides sont conditionnées à un principe majeur : l'usager qui en bénéficie doit être un étudiant. C'est un principe fondamental dont découle toute la législation et règlementation à laquelle est soumise le réseau des Crous et consacré par les plus hautes instances juridictionnelles de notre pays. Au sein des Crous, la majorité des cas d'expulsion concerne des personnes qui ne sont plus étudiantes et parfois depuis plusieurs mois (la décision d'expulsion intervenant seulement après épuisement des médiations menées par les équipes des résidences). Et c'est là une différence fondamentale avec le parc social, au sein duquel les impayés représentaient 95 % des assignations en 2018.  L'essentiel des étudiants quittent leur logement à la date prévue, les autres au cours d'une période de médiation. Les étudiants en difficultés bénéficient pleinement de l'accompagnement du service social leur permettant de les aider à résorber leurs dettes de loyers et à entreprendre, s'il y a lieu, une mobilité résidentielle. S'agissant de la mise en œuvre de procédures d'expulsion, les Crous expulsent significativement moins que les autres acteurs, là encore en cohérence avec leur mission sociale. En effet, 221 décisions de justice des tribunaux administratifs concernant des résidents expulsés par le Crous, ont été répertoriées entre janvier 2022 et février 2023. Sur 175 000 logements, parfois occupés pendant l'année, au gré des départs et des arrivées, par 2 personnes, cela représente globalement 1 à 1,2 % du parc, ce qui est objectivement très limité compte tenu des pratiques constatées dans le parc privé. Les rares décisions finales d'expulsion sont par ailleurs reconnues par le juge comme étant fondées, puisque comme le souligne le rapport de la Fondation Abbé Pierre, « le tribunal administratif a prononcé l'expulsion de 193 résidents (87 %) dont 127 sans délai (57 %). Lorsque des délais sont accordés (33 % des cas), ils varient entre 8 et 15 jours. Dans 22 cas (10 %), le Crous s'est désisté, généralement suite au départ du résident ». Depuis 2019, la trêve hivernale s'applique effectivement dans le réseau et un travail d'harmonisation des procédures entre Crous est engagée et encadrée par une circulaire annuelle nationale de gestion locative. Par ailleurs, soucieux de préserver le pouvoir d'achat des étudiants, le ministère a engagé pour la rentrée 2023 une première étape de réforme des bourses permettant à de nouveaux étudiants d'être éligibles et ainsi de bénéficier des avantages associés (repas à 1 €, exonération des frais de scolarité, notamment), pour un gain annuel de près de 2 000 €. D'autre part, le montant des bourses pour tous les échelons est augmenté de 37 € par mois (soit 370 € par an). Cela correspond à une augmentation de 34 % pour le premier échelon et à une augmentation de 6,2%, donc supérierue à l'inflation pour l'échelon le plus élevé. Il s'agit de la plus forte revalorisation depuis 10 ans. Pour compenser le coût de la vie outre-mer, une revalorisation supplémentaire de 30 € par mois est en outre accordée aux étudiants boursiers ultramarins. Cette rentrée a permis également de mieux prendre en compte la situation des étudiants en situation de handicap et des étudiants aidants du fait de l'octroi de 4 points de charge supplémentaires pour le calcul du droit à bourse. Des aides complémentaires spécifiques ou ponctuelles sont également mobilisables auprès des services sociaux des Crous pour répondre aux situations de précarité. Le Premier ministre s'est par ailleurs engagé à ce que l'ensemble des logements Crous en attente de rénovation (12 700 logements), le soient d'ici à la fin du quinquennat. De plus, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche avec celui chargé du logement mènent une politique volontariste pour améliorer l'accès au logement des étudiants. Une feuille de route interministérielle, publiée fin 2023 présente une stratégie selon deux axes : le développement de l'offre de logement à destination des étudiants d'une part (cible de + 35000 logements sociaux ou intermédiaires) et l'amélioration de l'accès aux droits et à l'information d'autre part. C'est l'ambition de la démarche portée par le comité interministériel pour la transformation publique sur les moments de vie, dont celui « je deviens étudiant » porte spécifiquement sur l'amélioration de l'accès au logement. Cette plateforme pourra également intégrer à terme l'offre de logements étudiants.

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