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Fabien Di Filippo
Question N° 11271 au Ministère de la santé


Question soumise le 12 septembre 2023

M. Fabien Di Filippo appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la gravité de la situation concernant les pénuries de médicaments en France et sur la nécessité de mettre en place des mesures urgentes et fortes afin d'y répondre. Depuis plusieurs années, le pays est confronté à de fortes tensions d'approvisionnement, voire à des ruptures de stock de médicaments. 3 000 médicaments ont manqué en France en 2022. Antibiotiques, paracétamol, anticancéreux, antiépileptiques..., en 2023, la pénurie se poursuit et s'aggrave. Cette pénurie concerne aussi de nombreux médicaments essentiels au traitement de nombreuses maladies chroniques et des patients restent à ce jour sans alternative de traitement satisfaisante. Or le rapport de la mission Borne « Régulation des produits de santé », rendu le 30 août 2023 et qui formule 50 propositions pour tenter de juguler la crise, ne convainc ni les industriels, ni les pharmaciens, ni les patients. De l'aveu même des membres de la mission, les mesures qui pourraient s'avérer véritablement efficaces n'auraient leur plein effet que dans quelques années. D'autres mesures risquent quant à elles de s'avérer inutiles, voire contreproductives, comme l'acceptation d'une augmentation de 10 % du prix de l'amoxicilline. En effet, l'amoxicilline fait l'objet de pénuries y compris dans les pays où elle est plus chère qu'en France (par exemple la Suisse) même si ces pénuries sont moins importantes. De plus, dans la mesure où d'autres pays européens (Allemagne, Portugal) ont unilatéralement décrété des hausses de tarifs l'hiver 2022 et le referont sans doute en 2023, on risque d'assister à une concurrence pour se répartir des quantités de médicaments en pénurie, plutôt qu'à une coopération pour organiser un rationnement en fonction des besoins, ou le développement de nouvelles capacités de production. Cette hausse de prix impactera aussi le pouvoir d'achat des patients en augmentant le reste à charge. Enfin, acter une hausse des tarifs sans avoir de preuves du manque de rentabilité évoqué par les laboratoires pharmaceutiques pose problème. L'OTMeds (observatoire de la transparence dans les politiques du médicament), ainsi que des pharmaciens et des associations de patients, appellent à une plus grande transparence de l'industrie pharmaceutique quant à ses coûts de production, mais aussi quant aux raisons des pénuries et quant aux quantités de médicaments produits et disponibles. Il est urgent de réclamer cette transparence, mais aussi de travailler à une meilleure coordination au niveau européen, à la relocalisation sur le continent européen d'une industrie pharmaceutique capable d'approvisionner les européens en médicaments et principes actifs pharmaceutiques essentiels à la sécurité sanitaire (80 % des substances actives seraient produits en dehors de l'UE), ou encore de faciliter la constitution et la conservation de stocks de sécurité sur le territoire français pour les médicaments à intérêt thérapeutique majeur. Il lui demande quelles mesures urgentes il compte mettre en œuvre afin de remédier aux pénuries de médicaments et de garantir la sécurité de l'approvisionnement.

Réponse émise le 7 novembre 2023

Comme l'ensemble des pays industrialisés, la France connaît des tensions d'approvisionnement sur certains médicaments. Elles sont liées pour partie à la conjoncture internationale ainsi qu'à une augmentation générale de la consommation de médicaments. Compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée, une feuille de route a été développée sous la coordination de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), pour anticiper, minimiser les risques et résoudre au plus vite les situations de tension. Elle s'inscrit dans le prolongement de la précédente feuille de route 2019-2022 qui a permis des avancées majeures (plan de gestion des pénuries pour les médicaments d'intérêts thérapeutiques majeurs, obligation de détention de stocks de sécurité…). En outre, une liste de 450 médicaments dits essentiels a été établie sur la base des recommandations des autorités scientifiques. A partir de cette liste évolutive, publiée le 13 juin 2023, des travaux sont engagés pour mieux garantir la disponibilité des médicaments (suivi renforcé sur les capacités d'approvisionnement, analyse des pratiques de prescription et des tendances d'achat, cartographie et renforcement des chaînes de production, mise en œuvre de solutions de production de secours, actions de prévention…). L'ANSM, en lien avec la Direction générale de la santé, a également établi un plan de préparation des épidémies hivernales pour anticiper d'éventuelles tensions et renforcer notre capacité à faire face à des pics saisonniers de consommation de médicaments. Ce plan hivernal inclut une phase d'anticipation qui vise : à sécuriser les approvisionnements afin de garantir la couverture des besoins, à améliorer la mise à disposition des données, et à communiquer sur les gestes barrières et les règles de bon usage des médicaments dans un esprit de responsabilisation collective de l'ensemble des acteurs du soin et des assurés. Enfin, un « plan blanc » reste activable en cas de situation exceptionnelle qui conduirait à devoir prendre des mesures spécifiques pour sécuriser la prise en charge des assurés. Concernant la constitution des stocks, le Gouvernement a travaillé avec les industriels du secteur à : un moratoire sur les baisses de prix des génériques stratégiques sur le plan industriel et sanitaire, des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques produits en Europe, en contrepartie d'engagements sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français. Le Président de la République a en outre annoncé le 13 juin 2023, la relocalisation de la production de 25 médicaments stratégiques. De plus, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit de nouvelles mesures pour lutter contre les tensions d'approvisionnement notamment : l'obligation, sous peine de sanction financière, pour les laboratoires pharmaceutiques de chercher un repreneur en cas d'arrêt de commercialisation d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur et la création d'un statut de préparations officinales spéciales permettant aux pharmaciens de pallier à des pénuries, la généralisation de la délivrance à l'unité par les pharmaciens d'officines des médicaments concernés par une rupture d'approvisionnement, l'interdiction de prescription en téléconsultation de certains médicaments, en priorité les antibiotiques, ou encore la systématisation pour les antibiotiques du recours à des ordonnances conditionnant la délivrance de médicaments à la réalisation d'un test rapide d'orientation diagnostique (TROD). Le débat parlementaire a par ailleurs déjà permis de faire émerger de nouvelles idées, notamment en matière de pouvoirs de police sanitaire de l'ANSM. Enfin, de nombreuses actions sont menées au niveau européen. La France s'est très tôt associée, avec 18 autres pays, à la proposition portée par la Belgique de Critical Medicines Act, pour adapter à ces médicaments essentiels la stratégie adoptée pour les métaux rares. Le règlement (UE) n° 2022/123 du 25 janvier 2022 qui a introduit des dispositions visant à prévenir et gérer les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques, en renforçant le rôle de l'Agence européenne des médicaments, est par ailleurs entré en application. Il s'agit là d'une première étape visant à mettre en place un cadre renforcé pour la notification et la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique ou d'événements majeurs dans l'Union européenne. De même, dans le cadre du projet de révision de la législation pharmaceutique présenté par la Commission européenne, des mesures visant à anticiper et réduire les tensions d'approvisionnement sont prévues, reprenant les dispositions françaises (obligation d'avoir des plans de gestion des pénuries pour les laboratoires, liste de médicaments critiques, déclaration des ruptures notamment). Pour faire le point sur l'ensemble de ces enjeux, le ministre de la Santé et de la Prévention réunira très prochainement l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament.

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