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Francis Dubois
Question N° 11121 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 5 septembre 2023

M. Francis Dubois interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la position du Gouvernement quant au projet d'accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Mercosur (alliance de pays d'Amérique du Sud). Après un long processus de négociations, l'UE et le Mercosur sont parvenus, en juin 2019, à conclure un accord d'association commercial et politique pour établir une zone de libre-échange. Le traité n'est cependant pas ratifié mais l'UE souhaite accélérer le processus de ratification et, pour se faire, la Commission européenne envisage une possible dissociation du volet « commercial » de l'accord qui lui permettrait de contourner une adoption formelle par les États membres. La filière bovine, très présente en Corrèze, s'inquiète et demande au Gouvernement de faire preuve d'une grande fermeté au sujet de la ratification de cet accord de libre-échange. Il comporte, en effet, des dispositions grandement dommageables pour l'élevage français en général et pour les éleveurs bovins en particulier alors même que la filière fait déjà face à d'importantes difficultés. Il n'est pas acceptable que la France et l'UE imposent toujours plus de normes à leurs agriculteurs et leurs entreprises, tout en facilitant en parallèle l'arrivée sur le marché de produits agricoles importés et pour lesquels il a été fait usage de pratiques, de produits phytosanitaires ou de médicaments vétérinaires strictement interdits par la réglementation nationale ou européenne ; à titre d'exemple, 44 % des pesticides de synthèse autorisés au Brésil sont interdits au sein de l'Union européenne. Cet accord paraît totalement incompatible avec les engagements pris par la France en matière de résilience agricole et de souveraineté alimentaire. Comment, en effet, assurer cette résilience et cette souveraineté si, dans le même temps, on fragilise la production intérieure française par un accroissement continu des volumes d'importation de produits agricoles ou alimentaires à droits de douane nuls ou réduits ? La préservation de l'élevage est indispensable pour le maintien de l'emploi en milieu rural, chaque exploitation agricole faisant travailler en moyenne 17 personnes directement ou indirectement, la conservation des prairies et de la biodiversité et la qualité de l'alimentation des Français. Cet accord ne doit donc pas venir menacer cette filière d'excellence française. En matière d'atteintes à l'environnement, les conséquences de l'accord seraient également importantes puisque les émissions supplémentaires de CO2 attribuables à cet accord seraient comprises entre 4,7 et 6,8 millions de tonnes équivalent CO2 et selon le scénario le plus pessimiste, la déforestation supplémentaire en Amérique du Sud pourrait s'élever de 620 000 hectares à 1,35 million d'hectares. D'autant plus que le Président brésilien Lula a déclaré en juillet 2023 que la proposition de l'UE pour un accord commercial avec le bloc sud-américain rendait en l'état impossible la conclusion de l'accord car il constituait une « menace » pour le Brésil du fait des engagements demandés en matière climatique et protection de l'environnement. Au regard de ces enjeux, la France doit faire preuve de la plus grande fermeté, conserver son droit de véto et ne pas accepter un « découpage » de l'accord comme actuellement envisagé par la Commission européenne pour en faciliter la ratification. Les parlementaires français doivent ainsi conserver leur capacité à voter pour ou contre la ratification de cet accord. L'Assemblée nationale a d'ailleurs en ce sens exprimé une position claire sur le sujet en adoptant très largement le 13 juin 2023 une résolution transpartisane relative à l'accord UE-Mercosur : « l'accord conclu dans son intégralité devra donc être soumis à la procédure de ratification prévue pour les accords mixtes, c'est-à-dire soumis à un vote à l'unanimité des États membres, puis un vote au Parlement européen et à une ratification par l'ensemble des États membres selon la procédure prévue au niveau national, par l'Assemblée nationale et le Sénat dans le cas français ». En conséquence, afin d'apporter des garanties à la filière bovine française, il souhaite connaître la suite qui sera donnée à cette résolution adoptée par l'Assemblée nationale et il lui demande de préciser la position que le Gouvernement entend prendre vis-à-vis de l'exigence d'un vote par les parlements nationaux sur la totalité de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur.

Réponse émise le 19 septembre 2023

Un accord politique a été conclu le 28 juin 2019, ouvrant la voie à la possible signature d'un accord d'association entre l'Union européenne (UE) et les pays du Mercosur. La France demeure vigilante et a rappelé qu'elle ne soutiendrait l'accord qu'à condition que les pays du Mercosur respectent une série d'engagements et que les dispositions de ce texte permettent de les suivre attentivement. Elle défend une position exigeante, en particulier sur le volet agricole et sur le développement durable, et a fixé des conditions préalables avant d'envisager toute reprise du processus vers un accord. Il s'agit de s'assurer que l'accord n'entraîne pas une augmentation de la déforestation importée au sein de l'UE, que les politiques publiques des pays du Mercosur soient pleinement conformes avec leurs engagements au titre de l'accord de Paris et que les produits agroalimentaires importés bénéficiant d'un accès préférentiel respectent bien, de droit et de fait, les normes sanitaires et environnementales de l'UE. La réunion de ces conditions exigeantes reste un préalable à toute évolution sur le soutien de la France à cet accord comme l'a rappelé le Président de la République au salon international de l'agriculture le 25 février 2023. Par ailleurs, le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit respecter les règles du marché intérieur, en particulier les normes sanitaires et phytosanitaires, demeure non négociable. Le Gouvernement a bien identifié que les préoccupations exprimées, à la fois par les éleveurs et les consommateurs, ne portent pas seulement sur la qualité sanitaire des importations, mais également sur l'équivalence des modes de production. C'est prioritairement au niveau européen que les normes de production applicables aux produits issus de pays tiers doivent être fixées. La France s'est pleinement engagée sur le sujet de la réciprocité des normes dans les échanges commerciaux de produits agroalimentaires et en a fait une priorité de la présidence du Conseil de l'UE au 1er semestre 2022. À ce titre, un premier échange de vues avait été organisé, lors de la réunion du conseil agriculture et pêche du 21 février 2022, sur la base d'un papier de la présidence française présentant plusieurs leviers mobilisables, qu'il s'agisse des mesures miroirs et des limites maximales de résidus de pesticides au niveau unilatéral, des accords de commerce au niveau bilatéral, et enfin des leviers multilatéraux. La France avait déjà été à l'initiative de l'introduction, dans la réglementation sanitaire de l'UE, de mesures de réciprocité envers les produits issus de pays tiers, en particulier des « mesures miroirs » comme en témoigne le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'application de l'interdiction d'utiliser certains médicaments antimicrobiens chez les animaux ou dans les produits d'origine animale exportés à partir de pays tiers vers l'UE. La France se mobilise pour que la publication des actes délégués et d'exécution, nécessaires à la mise en œuvre de ce règlement soit accélérée. Dans l'intervalle, le Gouvernement a pris un arrêté visant la suspension de l'introduction, l'importation et de la mise sur le marché, en France, de viandes et produits à base de viande issus d'animaux provenant de pays tiers ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement. Cet arrêté anticipe l'entrée en vigueur du règlement européen, qui devrait intervenir prochainement et entériner l'interdiction au niveau européen.

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