Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 17 novembre 2022 à 21h30
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Après l'article 16

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer :

Vous avez raison, l'un et l'autre, de soulever cette question très importante. Le suicide d'un fonctionnaire est toujours un drame, quelles que soient les raisons qui l'ont poussé à commettre ce geste. Ces raisons, même si elles se combinent parfois à des motifs personnels, sont évidemment souvent d'ordre professionnel. Ainsi, l'arme de service est fréquemment utilisée. Parfois, le passage à l'acte a lieu dans les locaux de la brigade ou du commissariat et, lorsqu'une lettre explique le geste, la hiérarchie intermédiaire est mise en cause pour ne pas faire son travail ou pour être responsable de harcèlement et les difficultés d'exercice du métier sont évoquées.

Il est évident que les conditions matérielles dans lesquelles l'agent évolue peuvent jouer un rôle, de même que le manque d'accompagnement psychologique, les services n'étant pas organisés de manière à faciliter cet accompagnement – c'est une des responsabilités du ministère de l'intérieur. Le fait est que nous avons peu de psychologues au sein du ministère de l'intérieur mais, il faut le reconnaître, c'est le cas dans beaucoup de structures. D'abord parce que les psychologues du travail sont peu nombreux – c'est un problème ; ensuite, parce que, de manière générale, ils ne sont guère présents dans les administrations. Ainsi, dans la mairie que j'ai eu l'honneur de diriger, qui compte tout de même 2 000 agents, on n'a pu recruter qu'un seul psychologue.

Il faut donc impulser une dynamique de recrutement de psychologues du travail. Ainsi, le rapport annexé à l'article 1er prévoit le recrutement de 200 d'entre eux pour le seul ministère de l'intérieur et ses forces de l'ordre ; ce plan sans précédent est parfaitement budgétisé. Nous imaginons, du reste, pour le mener à bien, de conclure des conventions avec les universités afin de proposer aux étudiants un apprentissage ou un stage de master, de manière à les inciter à rejoindre le ministère, voire à réfléchir au bien-être des policiers et des gendarmes au travail.

Il se peut aussi que les policiers passent à l'acte parce qu'ils n'ont pas pu, c'est vrai, bénéficier d'un débriefing approprié après avoir vécu des choses particulièrement horribles. Il peut s'agir de petits faits qui, en s'accumulant au fil des jours, créent du stress et contribuent à une perte de sens, de sorte que lorsque survient un problème personnel grave ou une difficulté avec sa hiérarchie, on passe à l'acte, ou d'événements particulièrement horribles : suicides, accidents de la route, meurtres d'enfants, femmes en détresse… On ne prend pas le temps, dans les services de police – c'est un défaut structurel du ministère de l'intérieur – de débriefer ces personnes, de discuter avec elles, de leur conseiller de consulter un spécialiste et, si nécessaire, de s'arrêter quelques jours.

De ce point de vue, je partage entièrement votre opinion : nous avons d'importantes améliorations à apporter, que ce soit dans la police ou dans la gendarmerie. S'agissant de cette dernière, il arrive, en plus, que le conjoint, confronté aux difficultés de la vie en communauté – puisque les gendarmes vivent en caserne ou en brigade –, utilise l'arme de service de son mari ou de son épouse, militaire.

On a parlé par ailleurs des conditions matérielles : la rénovation des commissariats, les véhicules, les moyens, la simplification, qui contribue parfois à la perte de sens – nous y avons très largement répondu.

Il y a aussi le soutien psychologique. À ce propos, madame Oziol, je me permettrai une remarque. Vous dénoncez la perte de sens liée à la politique du ministre, si j'ai bien compris votre démonstration. Mais elle peut aussi être due aux multiples attaques qui visent les forces de l'ordre. Lorsqu'on dit tous les jours que la police est raciste, cela n'aide pas vraiment à se sentir bien.

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