Intervention de Florent Boudié

Séance en hémicycle du lundi 14 novembre 2022 à 16h00
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorent Boudié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nous examinons aujourd'hui le premier projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur depuis onze ans – quatre textes seulement en trente ans. Son ambition est très simple : affirmer une trajectoire et construire une continuité pour toutes les missions du ministère de l'intérieur, la première étant d'assurer l'avenir de nos forces de l'ordre et de nos forces de sécurité civile, celles-ci ayant été durement éprouvées l'été dernier en raison des feux qui ont frappé notamment le département de la Gironde – je veux ici leur rendre hommage.

Ce projet de loi était un engagement pris par le Président de la République l'an dernier à l'issue du Beauvau de la sécurité. Il prolonge et amplifie la démarche entreprise dès 2017, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre. C'est cette démarche qui a donné naissance, en 2021, à la loi « sécurité globale », ainsi nommée parce qu'elle embrassait toutes les forces de sécurité – les forces d'État, les polices municipales ainsi que les entreprises de sécurité privées – pour mieux les encadrer et les professionnaliser. C'est cette même démarche qui a abouti à la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure de janvier 2022, laquelle a renforcé la protection des forces de l'ordre grâce à la création du délit de violences volontaires contre les policiers et les gendarmes et à l'encadrement de l'usage des caméras embarquées et des drones. C'est enfin cette même démarche qui a donné lieu, en 2021, à la loi Matras dont l'objet, avant même l'apparition des mégafeux, était de consolider notre modèle de sécurité civile.

L'engagement pour la sécurité des Français s'est donc déjà déployé avec beaucoup de force au cours de la législature précédente, qu'il s'agisse du recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires ou encore d'un budget du ministère de l'intérieur en augmentation de 3,58 milliards d'euros entre 2017 et 2022.

Le projet de loi de programmation accentue cet effort avec une progression attendue des engagements du ministère de l'intérieur tout au long du quinquennat, à hauteur de 21,6 % par rapport à l'année 2022 – c'est le chiffre retenu par le Conseil d'État dans son avis. Tel est le sens de l'article 2 de la loi d'orientation et de programmation.

J'ai d'ailleurs souhaité, avec votre accord, monsieur le ministre, qu'un amendement, que je présenterai, au rapport annexé retrace la totalité des engagements budgétaires, non seulement les volumes par année ainsi que ceux affectés par missions budgétaires, mais également les volumes dégagés pour chacun des programmes budgétaires. Ce degré de transparence inédit démontre que la Lopmi n'a rien d'une simple déclaration d'intention.

Présenté une première fois en mars, avant l'élection présidentielle, le projet de loi a été déposé, en septembre dernier, sur le bureau du Sénat. Nos collègues de la chambre haute l'ont adopté – vous l'avez dit, monsieur le ministre – à une très large majorité de 307 voix contre 27. Voilà un fait rare, s'agissant d'un texte portant sur le périmètre du ministère de l'intérieur, qui démontre qu'un accord large est possible s'agissant des politiques de protection de nos compatriotes.

La commission des lois a préparé l'examen du texte avec la même volonté de dialogue. Pendant quatre semaines, vingt-cinq auditions ont été organisées, réunissant près de quatre-vingts personnes – hauts fonctionnaires, magistrats, spécialistes de la cybercriminalité ou encore représentants d'associations de lutte contre les violences faites aux femmes – pour environ quarante heures d'échanges et d'approfondissements. J'ai veillé, en tant que rapporteur, à ce que, chaque fois, la confrontation des points de vue puisse avoir lieu.

Sur les 582 amendements examinés en commission, 145 ont été adoptés. Parmi ceux-ci, 70 sont le fruit de mes propres travaux préparatoires – je dois confesser que plusieurs sont rédactionnels –, 5 proviennent de la commission de la défense nationale et des forces armées, dont je remercie au passage le rapporteur pour avis, Xavier Batut, 36 sont issus des rangs de la majorité et 34 des groupes d'opposition.

Bien sûr, des divergences persistent – nous le constaterons dans quelques instants à l'occasion de l'examen de la motion de rejet préalable déposée par nos collègues du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale. Cependant, d'ores et déjà, les contributions à ce projet de loi d'orientation et de programmation, en commission, ont été plurielles.

Ainsi, quarante-deux amendements au rapport annexé à l'article 1er ont été adoptés, avec cette particularité, propre aux lois de programmation, que le rapport annexé n'a pas de portée normative mais présente la feuille de route des objectifs de transformation que le ministère de l'intérieur entend défendre pour son propre fonctionnement et non – je me permets d'ajouter cette précision – pour le fonctionnement des autres services. Je pense, par exemple, au ministère de la justice ou aux polices municipales et aux collectivités territoriales, qui n'entrent pas dans le champ de ce texte. La loi « sécurité globale » concernait, en revanche, directement les polices municipales, sous le contrôle, très vigilant – on s'en souvient –, du Conseil constitutionnel.

L'article 2, qui prévoit un engagement de 15 milliards d'euros, en cumulé, sur cinq ans, a, lui aussi, été complété, à propos des centres de rétention administrative et de la durée d'examen des demandes d'asile, à partir des propositions formulées par notre collègue Éric Ciotti, lesquelles se situaient – au moins sur ce point – dans la trajectoire voulue par l'exécutif.

L'article 4, relatif à l'encadrement du marché de l'assurance des cyberattaques, a été largement retravaillé par notre commission : trois amendements, défendus par nos collègues Anne Le Hénanff, Philippe Latombe et Mounir Belhamiti, ont permis d'élargir le dispositif au-delà du seul sujet, très sensible, des rançongiciels.

Par ailleurs, trois nouveaux articles ont été introduits après l'article 4, sur proposition de nos collègues Benjamin Haddad et Jean-Pierre Cubertafon, pour déployer des moyens d'enquête plus puissants en cas de cyberattaques sur les systèmes de traitement automatisé de données.

Le dispositif de l'article 6, qui prévoit de créer une nouvelle procédure de plainte par vidéoconférence, a été fortement enrichi, avec l'adoption de neuf amendements défendus par nos collègues Cécile Untermaier, Ugo Bernalicis et Jérémie lordanoff, dans le but de préciser les règles procédurales et le libre choix – qui reste absolu – des victimes. Par ailleurs, cet article traduit l'engagement constant de la majorité dans la lutte contre les violences intrafamiliales.

J'ajoute qu'à l'initiative de notre collègue Sandra Regol, nous avons complété le code de procédure pénale afin que les victimes aient le droit d'être reçues, entendues et prises en charge par un agent formé à l'accompagnement des personnes victimes de discriminations liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle.

Dans le même esprit, nous avons adopté à l'article 7 des amendements de nos collègues Raphaël Gérard, Sabrina Sebaihi, Erwan Balanant et de votre rapporteur pour étendre le délit d'outrage sexiste et sexuel aux faits commis à raison de l'identité de genre, vraie ou supposée, de la victime.

Nous avons par ailleurs choisi de modifier la rédaction de la première partie de l'article 8 concernant l'usage des techniques spéciales d'enquête en adoptant un amendement de notre collègue Marie-France Lorho. De même, à l'initiative de notre collègue Ian Boucard, notre commission a introduit un nouvel article 12 bis qui étend, de façon encadrée, les hypothèses de consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel de la police et de la gendarmerie.

Enfin, concernant les amendes forfaitaires délictuelles, dont je rappelle qu'elles ont été créées en 2016 et qui sont étendues à l'article 14 du projet de loi, nous avons confirmé l'approche ciblée retenue par le Sénat plutôt, monsieur le ministre, que la généralisation souhaitée par le Gouvernement dans la version initiale du texte.

Voilà, mes chers collègues, le texte que votre commission des lois livre à nos débats. Il est très attendu par les policiers, par les gendarmes et par les sapeurs-pompiers pour renforcer leurs capacités d'action et pour tenir les engagements forts que vous avez renouvelés à l'instant à cette tribune, monsieur le ministre, à savoir la création nette de 8 500 emplois au sein du ministère, dont 7 612 seront affectés aux policiers et aux gendarmes – 3 051 dès les deux premières années d'application de la loi –, ainsi que la création de 200 brigades territoriales de gendarmerie dans les zones rurales, un engagement sans précédent sur une aussi courte période, et la création de 11 unités de forces mobiles dans la perspective, en particulier, des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

J'ai noté également votre volonté de construire la révolution numérique du ministère de l'intérieur, dans son fonctionnement quotidien comme dans sa lutte contre les délinquances qui s'affirment chaque jour un peu plus dans le cyber : je rappelle qu'une entreprise sur cinq déclarait en 2021 avoir été frappée par une cyberattaque. De nombreuses dispositions sont à cet égard annoncées dans le rapport annexé et nous pourrons bien sûr en débattre.

Tels sont les défis qui sont devant nous et auxquels répond la trajectoire du Gouvernement détaillée dans ce texte. Je suis convaincu que nous pourrons les aborder pendant cette semaine, peut-être longue, d'examen dans l'hémicycle dans le même esprit que celui qui a présidé aux travaux de la commission des lois.

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