Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du lundi 14 novembre 2022 à 16h00
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Présentation

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer :

Il y a un an et demi, monsieur Houlié, votre prédécesseuse m'avait demandé de venir devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, afin d'évoquer les difficultés des policiers et des gendarmes, au lendemain de l'affaire dite Zecler, qui avait légitimement choqué une grande partie de nos concitoyens.

J'avais alors esquissé le triste tableau des sept péchés capitaux du ministère de l'intérieur, insistant en particulier sur son manque de moyens structurels depuis plus de trente ans. J'avais aussi évoqué l'absence de réformes importantes dans un ministère qui ne connaît quasiment que l'actualité, les changements intervenus dans la société française – délinquance, criminalité, comportement des Français – et l'évolution de la situation internationale. J'avais aussi souligné le manque de programmation dans un ministère trop souvent bousculé par les lois de circonstance inspirées par des faits divers, ce qui conduit à bousculer aussi ses agents dans tous les aspects de leur vie professionnelle – équipement, formation, immobilier.

Avec le Président de la République, nous avons décidé d'engager un travail de concertation tout à fait original. Nous avons consulté les forces de sécurité, les représentants syndicaux de toutes les catégories d'agents, y compris les personnels administratifs, techniques et scientifiques, qui sont trop souvent oubliés lors des travaux entrepris au sein du ministère de l'intérieur. Nous avons travaillé avec les représentants élus des gendarmes, avec les magistrats – le garde des sceaux a participé à plusieurs réunions. Nous avons aussi rencontré la Défenseure des droits, des autorités étrangères, des élus – députés et sénateurs mais aussi des élus locaux –, des représentants du monde agricole, de la jeunesse de France et de divers secteurs économiques. En fait, nous avons discuté avec toutes les composantes de notre pays et avec tous ceux qui s'intéressent à la protection de nos concitoyens, c'est-à-dire à l'objet même du ministère de l'intérieur.

À l'issue de ce long travail, qui s'inscrit dans la continuité des actions engagées par le gouvernement précédent et du Livre blanc de la sécurité intérieure lancé par mon prédécesseur, nous avons conclu à la nécessité d'une véritable programmation budgétaire, fondée sur une redéfinition des objectifs de notre politique publique en matière de protection, tenant compte des changements du monde qui sont à l'œuvre sous nos yeux, dans le domaine de la sécurité comme dans d'autres.

En incipit de ce texte, j'ai proposé aux sénateurs de revenir sur les cinq crises qui traversent le ministère de l'intérieur et donc toute la société : terrorisme, ordre public, délinquance ou violence, climat, cybercriminalité.

En tant que responsable politique, mon rôle est de dépasser le stade du fait divers pour constater ces crises et tenter d'y remédier par des moyens budgétaires, des adaptations législatives ou des changements de pratiques. Une fois définis ces besoins budgétaires ou législatifs, nous les présentons au Parlement.

Le Sénat a suivi le Gouvernement, ce qui est loin d'être toujours le cas, et il l'a fait de façon quasi unanime, partant de l'idée que nous partageons le même intérêt pour la sécurité de nos concitoyens. C'est pourquoi il a adopté des amendements venant de tous les bancs. C'est ainsi qu'a été adopté, à vingt-sept voix près, ce texte qui prévoit d'octroyer 15 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans aux forces de l'ordre et qui, je crois, est très attendu par tous nos concitoyens et les agents du ministère de l'intérieur.

Après les travaux de votre commission, monsieur le rapporteur, il me semble que le même esprit de concorde, en tout cas de discussion et de construction, souffle sur les bancs de l'Assemblée nationale. En vous remerciant pour ce travail accompli en commission, je vous assure que la même philosophie anime le Gouvernement au moment où j'ai l'honneur de m'exprimer devant votre assemblée, concernant un texte qui permettra d'améliorer très significativement le sort de nos concitoyens.

J'ai évoqué sept péchés capitaux et cinq crises. Si vous approuvez ce texte qui prévoit 15 milliards de crédits supplémentaires, dont l'utilisation est détaillée dans le rapport annexé, si vous nous accordez les habilitations que nous vous demandons, vous aurez à vérifier que moi-même et mes successeurs réaliserons bien les douze travaux programmés.

Le premier concerne la rémunération des agents du ministère de l'intérieur. Policiers, gendarmes, pompiers-militaires, agents de préfecture et personnels civils du ministère l'intérieur font tous des métiers très difficiles, par passion et par vocation. En temps de paix, ils sont confrontés aux blessures, aux handicaps, parfois à la dépression ou même à la mort, plus que les autres agents de services publics. Ils ne perçoivent pourtant qu'une petite rémunération. Certes, comme tous les fonctionnaires de la République, ils ne cherchent pas le profit. Il n'en reste pas moins évident que nous ne nous sommes pas suffisamment penchés sur leurs conditions matérielles, ce que ce texte tend à corriger.

Il est prévu, à l'article 2 de ce texte de programmation budgétaire, de consacrer un peu moins de 1 milliard d'euros à l'augmentation de la rémunération des policiers et gendarmes, ce qui est sans précédent au ministère de l'intérieur. Si vous adoptez ce texte, l'enveloppe représentera quasiment un treizième mois à la fin de ce quinquennat pour les gardiens de la paix de vos commissariats ou pour les gendarmes de vos brigades territoriales.

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