Intervention de Victor Catteau

Séance en hémicycle du lundi 14 novembre 2022 à 16h00
Comités sociaux et économiques de la poste — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVictor Catteau :

La proposition de loi que nous examinons vise à accompagner la mise en place des comités sociaux et économiques au sein de La Poste. Cette entreprise publique, passée sous le statut de société anonyme en 2010, conserve sa mission historique de service public national qu'elle remplit inlassablement et qui fait d'elle l'un des plus anciens services publics au monde.

Composée de fonctionnaires pour un tiers et de salariés de droit privé pour deux tiers, elle est actuellement régie par le droit syndical de la fonction publique. Vous en conviendrez, chers collègues, La Poste est loin, très loin, d'être une entreprise comme les autres. Toutefois, lorsque l'on s'y intéresse de plus près, on constate que son image semble bien différente de ce qu'y vivent les travailleurs au quotidien : cadences excessives, pressions sur le résultat, réorganisations successives, en raison d'une baisse continue des moyens et des effectifs. Ainsi, près de 150 000 postes ont été supprimés en vingt ans, alors même que la charge de travail n'a fait qu'augmenter en même temps que le groupe La Poste a multiplié ses activités. Les agents sont à bout.

Face à cette situation devenue difficile, voire insoutenable pour certains salariés, depuis 2008, La Poste a compté dans ses rangs plus d'une trentaine, voire une quarantaine, de suicides par an. La situation est plus que critique. Les familles de Charles, de Paula, de Murielle ou encore de Nicolas ont toutes dénoncé, et dénoncent encore aujourd'hui, les conditions de travail de plus en plus inhumaines auxquelles sont confrontés les employés de La Poste, conditions qui ont conduit au décès de leur proche.

Pourtant, la réforme ne s'inscrit nullement dans un esprit d'amélioration : concentration et éloignement des centres de décision, appauvrissement du dialogue social, diminution de la représentation syndicale, atteintes à l'autonomie et à la proximité, perte de la singularité des territoires… tout y passe. La direction de La Poste envisage ainsi de convertir les 145 comités techniques actuels en seulement 28 comités sociaux et économiques, soit à peine un CSE pour trois voire quatre départements – alors que nous affirmons qu'il faut au moins un comité social et économique pour chacun des 101 départements français.

J'ai une pensée toute particulière pour les territoires ultramarins, qui sont une fois de plus les grands oubliés : parmi les 28 CSE souhaités initialement par la direction de La Poste, il n'en était prévu qu'un seul pour l'ensemble des territoires ultramarins. Comment peut-on imaginer qu'un unique CSE suffise à représenter l'intégralité des territoires d'outre-mer ? L'éloignement et les spécificités de ces territoires sont, une fois encore, ignorés par une réflexion budgétaire et bureaucratique. Rappelons que 11 000 kilomètres séparent la Guyane de Mayotte ! Comment peut-on penser qu'un employé de Cayenne est confronté aux mêmes difficultés qu'un de ses collègues travaillant à Mamoudzou ?

Nous avons évidemment exprimé nos inquiétudes en commission, relayant la crainte de nos concitoyens de se trouver démunis. On nous a répondu qu'il fallait laisser la place au dialogue social, et que le rôle du législateur n'était pas d'intervenir dans ce domaine. Si la loi n'a pas vocation à se substituer au nécessaire dialogue social, le devoir du législateur est néanmoins d'en définir les conditions.

Le projet de convertir 632 CHSCT en 121 CSSCT est également une aberration, particulièrement au regard de la situation que vivent les employés. En diminuant de plus de 80 % le nombre de comités veillant à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, je doute qu'on envoie le bon message : cela témoigne d'un manque de considération et amène à se demander si les motivations d'une réforme aussi rapide sont pertinentes. Malgré le report de trois mois de son entrée en vigueur, il semble évident qu'elle ne peut être conduite correctement dans un calendrier aussi serré. Permettez-moi de vous rappeler que le vote de cette proposition de loi est loin d'être une simple formalité : il y va de l'avenir de La Poste, qui reste malgré tout le premier employeur du pays après l'État.

Le groupe Rassemblement national fera tout son possible pour préserver les intérêts des employés de La Poste – nous soutiendrons des amendements en ce sens. Comme nous le faisons depuis le 19 juin, nous continuerons à agir en cohérence avec la mission que nous ont confiée les Français : celle de penser avant tout aux intérêts de la France et des Français.

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