Intervention de Benjamin Lucas-Lundy

Séance en hémicycle du lundi 14 novembre 2022 à 16h00
Comités sociaux et économiques de la poste — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenjamin Lucas-Lundy :

Depuis des décennies, le groupe La Poste n'a cessé de subir des restructurations délétères qui ont abîmé cet étendard des services publics. Un mouvement continu de privatisation, soutenu par des logiques comptables, l'a éloigné de ses missions de service public et le prive des moyens de les accomplir : disparition de milliers de bureaux de poste dits de plein exercice, réduction drastique du nombre de salariés, notamment des facteurs, sans parler de la suppression du si républicain timbre rouge orné de la figure de Marianne. Par les symboles et par les actes, La Poste est progressivement dépouillée, déshumanisée.

Les cadences augmentent, les conditions de travail se dégradent, les risques psychosociaux se multiplient. Les tournées chronométrées par des logiciels retirent toute autonomie aux salariés et font perdre à leurs missions d'intérêt public tout leur sens.

Cette déshumanisation prive les postiers de la maîtrise de leurs tâches, de l'estime qu'ils en retirent, elle nie leur intelligence et l'expression de la conscience du service d'intérêt commun qui est au cœur de leur mission, de leur vocation. Le langage des chiffres éloigne de la langue humaine, celle du lien social, des solidarités qui sont le corollaire d'un service public de qualité. Des chiffres, on ne prend d'ailleurs que ceux qui arrangent. C'est ainsi qu'on justifie ces restructurations néolibérales par la baisse du courrier, en masquant sciemment l'augmentation du nombre de colis.

Parce que nous sommes les défenseurs d'une certaine idée de la République, de ses services publics et du modèle social qui les accompagne, nous ne pouvons que nous opposer à l'esprit de ce texte qui proroge les CHSCT avant de les enterrer définitivement. Nous ne saurions approuver un texte qui maltraite au point de l'anéantir le régime actuel de dialogue social au sein de La Poste. Ses dispositions nous font craindre, comme à de nombreux acteurs de terrain, un affaiblissement considérable et inacceptable du pouvoir déjà si faible dont disposent les salariés face la direction.

Telle n'est pas notre conception de la démocratie sociale, particulièrement quand il s'agit d'une institution aussi symbolique et importante pour notre vie collective. Les CSE et les CSSCT qui doivent remplacer les CHSCT seront beaucoup moins nombreux et auront des prérogatives bien moindres. Ils ne protégeront donc pas aussi efficacement les droits et les conditions de travail des salariés.

Notre vision du progrès social, de la justice sociale et de la dignité nous interdisent de soutenir une régression de cette nature. Concentration et éloignement des centres de décision, appauvrissement du dialogue social, diminution de la représentation syndicale, atteintes aux principes d'autonomie et de proximité dans une entreprise en restructuration et désorganisation permanentes, perte de la singularité des territoires : tout dans cette proposition de loi conduira le groupe Écologiste – NUPES à s'opposer à son adoption. Ses dispositions et sa philosophie la rendent incompatible avec les principes qui doivent selon nous régir les services publics et la république sociale que nous devons chérir et sans cesse bâtir.

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