Intervention de Jérôme Guedj

Séance en hémicycle du lundi 14 novembre 2022 à 16h00
Comités sociaux et économiques de la poste — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Guedj :

La Poste n'est pas une entreprise comme une autre, comme mon collègue Christophe Bex l'a rappelé. À travers elle, c'est une certaine idée de l'organisation du service public à la française qui se joue : maillage territorial de proximité, qualité du service rendu, égalité devant le service public, régime mixte de l'organisation du travail. Nous pouvons la considérer comme l'un des lieux de mémoire du patrimoine républicain de la France.

Cette belle maison rassemble 170 000 collaborateurs, dont 53 000 fonctionnaires, 110 000 personnes en CDI, d'autres en CDD, et des alternants et des apprentis. C'est de sa spécificité qu'il est question aujourd'hui.

J'aimerais d'abord insister sur un point important : loin d'être purement technique, voire anecdotique ou mécanique – on n'aurait pas le choix –, cette proposition de loi participe à la fragilisation par petites touches de ce service public. La Poste fait partie de ces entreprises publiques qui ont su se moderniser. Elle cultive un lien particulier avec les Français. Sa qualité de service et son maillage territorial n'ont pas d'égal sur le marché, comme en atteste le service universel postal qui lui a été confié. Or elle a vu son statut juridique banalisé par les lois successives accompagnant l'instauration progressive de la concurrence dans le secteur postal.

Ce texte aurait, selon vous, pour intérêt principal de répondre au vide juridique créé par la modification introduite par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. A priori, vos arguments sont solides : légiférer serait nécessaire car si aucune disposition législative n'est adoptée d'ici à la fin du mois de janvier 2023, les instances représentatives du personnel de La Poste n'auront plus de base légale pour effectuer leur mission. Belle histoire que vous nous racontez là mais histoire à dormir debout. En réalité, ce vide juridique n'est que l'effet de la bombe à retardement que la loi du 6 août 2019 a pris soin d'amorcer. Le Gouvernement lui-même et sa majorité en ont créé les conditions en instaurant une date butoir pour l'exercice des compétences que les instances représentatives du personnel de La Poste tirent de la loi !

Mais venons-en au fond du présent texte qui propose de banaliser les conditions du dialogue social au sein de La Poste sur le modèle de l'entreprise privée. C'est bien là que le bât blesse.

Comment une entreprise publique exerçant un service public national doit-elle organiser son dialogue social ? En tenant compte de ses spécificités – c'est ce que nous pensons – ou en copiant le modèle qui s'applique à l'entreprise privée ? C'est cette dernière position qu'adopte cette proposition de loi en considérant que La Poste est une entreprise privée qui doit s'organiser tout entière selon les règles du droit privé issues des ordonnances travail de 2017. Réponse un peu dogmatique, selon nous, puisqu'à l'évidence, La Poste est une entreprise publique particulière. Ne nous méprenons pas : le postier ne sera jamais un business developer anonyme de la start-up nation ; le postier, c'est le dernier rempart du service public quand l'État plateforme déserte les territoires ruraux et les petits bourgs ,

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