Intervention de Aude Luquet

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Luquet, rapporteure pour avis :

Mon avis budgétaire couvre deux des neuf programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Je vous présenterai d'abord le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », puis le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ». Ces deux programmes bénéficient, comme l'ensemble de la mission, d'une augmentation notable de leurs crédits. Face au défi de la transition écologique et à la nécessité urgente d'accélérer la lutte contre le changement climatique et ses effets, cette augmentation est la bienvenue. Il nous faut poursuivre sur cette voie en écoutant les besoins des acteurs de terrain.

Le programme 113 bénéficiera en 2023 de 274 millions d'euros, en CP comme en AE, contre 244 millions d'euros en 2022. Cette augmentation de 30 millions d'euros représente une hausse de 13 % des crédits du programme. Depuis quelques années, ce dernier a été continuellement renforcé puisqu'il représentait moins de 200 millions d'euros en 2019.

Je note d'abord l'augmentation de 25 millions des crédits alloués à l'Office français de la biodiversité (OFB), lequel bénéficiera également de quinze postes supplémentaires correspondant principalement à la création d'une nouvelle équipe, au sein de la brigade mobile d'intervention « grands prédateurs terrestres », dédiée aux Pyrénées et au Massif central.

L'Office national des forêts (ONF) verra également ses crédits renforcés, à hauteur de 2,5 millions d'euros en 2023 puis de 5 millions d'euros en 2024 et 2025, au titre de sa mission d'intérêt général (MIG) de gestion des réserves naturelles. Ces MIG sont essentielles pour permettre à l'ONF de bénéficier de moyens en faveur de la protection de la biodiversité qui ne soient pas liés à la vente de bois. L'ONF demande ainsi la création d'une nouvelle MIG entièrement dédiée au renouvellement des peuplements forestiers. Par ailleurs, si l'office a connu et connaît encore des difficultés financières, la forte augmentation du prix du bois devrait lui permettre, dès cette année, de retrouver un budget excédentaire. En revanche, on peut regretter que cette augmentation des dotations soit associée à une poursuite de la diminution des effectifs, à hauteur de 95 ETP. Mais je vous rappelle que les emplois de l'ONF sont inscrits sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », et non sur le programme 113.

Comme dans la loi de finances initiale pour 2022, le plafond de ressources des agences de l'eau est stabilisé à près de 2,2 milliards d'euros. Les effectifs des agences sont également maintenus à leur niveau antérieur. À cet égard, il convient de rappeler qu'entre 2020 et 2022, les politiques de l'eau et de la biodiversité se sont vu octroyer, dans le cadre du plan de relance, une enveloppe de 526 millions d'euros dont les premières bénéficiaires ont été les agences de l'eau. La totalité de ces crédits a été engagée à ce jour, et les crédits de paiement ont été consommés à hauteur de 47 % – leur décaissement devrait s'étaler jusqu'en 2026. Au sein de cette enveloppe globale, près de la moitié des dépenses concernent la modernisation des réseaux d'eau et d'assainissement de métropole ainsi que le plan Eau DOM, qui intéresse les départements d'outre-mer, pour 50 millions d'euros. Le reste est dédié à des opérations en faveur des aires protégées et de la restauration des milieux naturels.

Dans la continuité du plan de relance, le PLF pour 2023 prévoit la création d'un fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, aussi appelé « fonds vert », à hauteur de 2 milliards d'euros. Sur cette somme, au moins 150 millions d'euros permettront de financer spécifiquement la stratégie nationale Biodiversité 2030, qui mobilisera 37,5 millions d'euros dès 2023. Les aires protégées, la trame verte et bleue, la lutte contre les espèces envahissantes et la dépollution bénéficieront aussi de crédits supplémentaires grâce à ce fonds. Ce dernier comprendra en outre des crédits spécifiquement dédiés à la renaturation des villes, un sujet sur lequel j'ai choisi de me pencher plus particulièrement dans mon rapport.

La nature en ville a des bienfaits multiples : elle constitue un refuge pour la biodiversité, contribue à la lutte contre les îlots de chaleur et les inondations, améliore la qualité de l'air et réduit les nuisances sonores. Elle est notre principal allié dans la lutte contre le changement climatique et ses effets. Nous ne pouvons plus la négliger ou la réduire à un simple obstacle dans les projets d'aménagement de nos territoires. Le fonds vert va permettre d'engager 100 millions d'euros en faveur de la nature en ville, dont 25 millions d'euros en crédits de paiement dès le PLF pour 2023. En effet, 92 % des Français estiment qu'il n'y a pas assez de nature en ville, et 63 % pensent qu'il est prioritaire d'accorder plus de place aux espaces verts et à la végétalisation dans le quartier où ils vivent. C'est aussi une question de justice sociale, puisque les quartiers les moins végétalisés sont aussi les plus pauvres.

Cependant, les opérations de renaturation coûtent cher – entre 100 et 400 euros le mètre carré. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de privilégier la protection de la nature existante à la compensation. Je rappelle l'importance du triptyque éviter-réduire-compenser, qui doit guider notre action dans les projets d'aménagement du territoire. En conséquence, il faudra mieux accompagner les collectivités en institutionnalisant davantage les politiques de protection de la nature en ville. Cela passera par l'intégration de clauses spécifiques dans les plans locaux d'urbanisme (PLU), mais aussi par des mesures innovantes comme la nomination d'un référent « arbres » au niveau des intercommunalités. Il sera également nécessaire de soutenir les collectivités avec un fonds dédié.

Je soutiens la proposition de nombreuses associations que j'ai rencontrées, qui plaident pour la création d'un inventaire du patrimoine naturel remarquable sur le modèle des inventaires du patrimoine. En permettant de répertorier et de classer les arbres remarquables et les espaces verts, un tel outil serait utile pour les citoyens comme pour les élus. Mieux protéger, c'est d'abord connaître. Je défendrai tout à l'heure un amendement visant à renforcer les financements en la matière.

J'en viens au programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », qui finance les subventions pour charges de service public de trois opérateurs – Météo-France, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) – et comprend l'ensemble des moyens de fonctionnement du Commissariat général au développement durable (CGDD).

Le programme sera doté en 2023 de 483 millions d'euros, en AE comme en CP, contre 471 millions d'euros en 2022, ce qui représente une augmentation de 2,6 %. Cette évolution s'explique par une hausse de 10 millions d'euros des crédits alloués à Météo-France et de 2,5 millions des crédits destinés au CGDD. Les crédits alloués à l'IGN et au Cerema demeurent stables, malgré des coûts de fonctionnement plus élevés liés à l'augmentation des prix de l'énergie et à la revalorisation du point d'indice.

Tous les opérateurs bénéficient d'une stabilité de leurs effectifs, à l'exception de Météo-France qui gagne 6 ETP. Cette inflexion bienvenue des efforts demandés aux opérateurs marque une rupture par rapport aux années précédentes, qui avaient vu une forte baisse des effectifs de ces structures au point de menacer la pérennité de certaines d'entre elles – je pense notamment au Cerema. Face aux enjeux croissants de la transition écologique, il m'apparaît en effet que nous sommes arrivés au maximum de ce que nous pouvions faire en matière de réduction des effectifs au sein de l'administration centrale et des services déconcentrés. Alors que les missions se multiplient, la mise en œuvre de nos politiques publiques nécessite des ressources humaines à la hauteur des besoins. Dans les années à venir, nous devrons donc veiller à renforcer les effectifs au cas par cas, là où cela s'avérera indispensable.

Pour ce qui concerne Météo-France, les incendies de l'été dernier en Gironde ont montré que l'opérateur ne serait pas capable, faute de personnel suffisant, de gérer simultanément plusieurs situations de ce type. Il était donc nécessaire de lui permettre de recruter davantage d'élèves à la sortie de l'École nationale de météorologie. Par ailleurs, Météo-France doit prochainement accéder à la prochaine génération de supercalculateurs, ce qui va entraîner des dépenses d'investissement importantes dans les années à venir.

Enfin, je tiens à souligner que Météo-France et l'IGN s'engagent de plus en plus dans la voie de l'accès gratuit à toutes leurs données ainsi que dans la construction d'outils partagés avec le public, telle la géoplateforme de l'IGN. Ce double mouvement leur fait perdre des recettes tandis que la construction de nouveaux outils est source de dépenses d'investissement et de fonctionnement nouvelles. Il est donc important que l'État leur alloue des financements spécifiques pour poursuivre dans cette voie.

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