Intervention de Yoann Gillet

Séance en hémicycle du vendredi 28 octobre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYoann Gillet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Le budget des outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2023 illustre le cruel manque d'ambition et de vision du Gouvernement pour ces territoires. Nos compatriotes d'outre-mer souffrent déjà de nombreux désavantages – immigration hors de contrôle, insuffisance du pouvoir d'achat aggravée par la vie chère, chômage de masse et crises sanitaires à répétition aux Antilles et à Mayotte.

Plus que d'un budget cosmétique, les outre-mer ont besoin d'un véritable choc de moyens et, une fois encore, ce budget n'est pas à la hauteur. Soucieux de dépasser le strict périmètre de la mission "Outre-mer" , auquel les problèmes qui affectent ces territoires ne se réduisent pas, j'ai choisi de consacrer une partie de mon rapport au thème de la sécurité.

Je ne rappellerai ici que quelques événements récents qui illustrent la dégradation des conditions de vie que représente cette insécurité pour les ultramarins. En septembre dernier, une opération « île morte » a eu lieu à Mayotte en réponse à des affrontements entre bandes ou avec la police, et à des caillassages de bus scolaires et de véhicules ; en Guyane, les assises de la sécurité ont été convoquées le 30 septembre dernier après la recrudescence d'actes délictueux ; comment oublier enfin qu'à l'automne dernier, les Antilles ont été le théâtre d'un véritable embrasement social au cours duquel les forces de l'ordre ont essuyé des tirs à balles réelles de la part des émeutiers ? Au-delà des coups de projecteur médiatiques ponctuels sur tel ou tel sujet, les chiffres parlent d'eux-mêmes ; pour n'en citer qu'un, les faits de coups et blessures volontaires sont au nombre de 4,5 pour 1 000 personnes habitant l'Hexagone contre 7,4 en moyenne dans les DROM, 8,4 en Guadeloupe et 9,8 en Guyane. L'incapacité, ou le manque de volonté du Gouvernement à apporter une réponse efficace à ces problèmes, en dépit de hausses de moyens au cours des dernières années, constitue une trahison de la promesse républicaine à laquelle nul ne devrait se résoudre.

Les conséquences de l'insécurité sont directes et quotidiennes pour plus de 2 millions de nos compatriotes ultramarins. Comment vivre normalement lorsque l'on craint en permanence de se faire agresser ou d'être victime d'un vol violent ? Comment aller travailler si les routes sont bloquées ? Comment assurer une éducation à ses enfants si votre voiture, le car scolaire ou même l'école ont été incendiés ? Nous devrions aussi prendre garde aux conséquences de l'insécurité sur le tourisme et l'attractivité économique de ces territoires.

Les sources de l'insécurité sont plurielles, mais elles naissent dans notre incapacité à contrôler correctement les frontières des territoires d'outre-mer. Dans un environnement géographique souvent instable et économiquement défavorisé, la porosité des frontières expose ces territoires à différents trafics – armes, stupéfiants, migrants. S'ensuivent des règlements de compte, des infractions violentes et des coups de sang causés ou facilités par l'emprise de stupéfiants et d'alcool ou par la proximité d'armes, comme l'ont mis en lumière les auditions préparatoires à la rédaction de mon rapport. Ces phénomènes sont évidemment aggravés par la présence de personnes en situation irrégulière, souvent habituées à une violence banalisée et entraînées par la précarité vers les trafics ou les infractions lucratives. La situation sécuritaire à Mayotte, submergée par une immigration incontrôlable en provenance des Comores, illustre suffisamment cet état de fait.

Ces territoires connaissent aussi une situation socio-économique dégradée par rapport au reste de la France, même si des nuances locales sont évidemment à apporter. Le chômage, les difficultés familiales, la pauvreté et l'immigration de masse sont le terreau de cette insécurité. Mes chers collègues, au cours des auditions, les représentants des syndicats de policiers m'ont parlé de leurs conditions de travail dans les territoires d'outre-mer : ils m'ont dit que, si rien ne changeait dans les dix prochaines années, la situation deviendrait incontrôlable en Guyane et à Mayotte ; ils ont également fait part de leur lassitude d'être auditionnés au Parlement sans que rien ne change. Puisse leur alerte être non pas simplement écoutée mais réellement entendue, afin que l'ensemble de nos compatriotes ultramarins connaissent enfin le cadre de vie apaisé auquel ils ont droit. Mon rapport – que je vous invite à lire – propose des axes de réflexion qui pourront, je l'espère, inspirer les personnes de bonne volonté prêtes à se saisir du sujet et à lui apporter une réponse politique à la hauteur des attentes des ultramarins.

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