Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 2 mai 2024 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

En février dernier, Judith Godrèche, auditionnée par la délégation aux droits des femmes au Sénat, formulait avec insistance son espoir qu'une commission d'enquête parlementaire sur le droit du travail des mineurs dans le monde du cinéma soit créée. Elle nous détaillait qu'y existent les mêmes systèmes de violence que dans les milieux de l'éducation, de l'édition ou du sport, pour lesquelles une commission d'enquête a été ordonnée. Et je signale, comme notre collègue Annie Genevard, que le monde médical vient lui aussi de rompre le silence.

Quinze jours plus tard, auditionnée par la délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale, et nous laissant tous très émus de son témoignage et de son appel à agir, elle réitérait sa demande de commission d'enquête, afin de protéger les enfants et leurs familles. Elle avait alors elle-même reçu 4 500 témoignages de victimes.

Après son passage en commission, nous examinons en séance la proposition de résolution qui tend à créer une commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Je remercie la rapporteure Francesca Pasquini qui nous permet, sur le temps transpartisan de la semaine de l'Assemblée, d'examiner ce texte soutenu par l'ensemble des groupes qui y sont représentés. Je me félicite que ce sujet, si délicat et important, fasse l'unanimité – même s'il est triste et intolérable que nous ayons à discuter de ce fléau qui touche tant de personnes, mineures et majeures, dans tant de secteurs.

Depuis le mouvement #MeToo, commencé il y a six ans à Hollywood, la parole se libère enfin, oserai-je dire, dans le milieu du cinéma français. Cette libération de la parole a également permis, en début d'année, l'émergence du mouvement #MeTooGarçons, qui a révélé des abus, dans le monde du cinéma, sur des acteurs adolescents.

Il était temps d'agir. Le Président de la République a ainsi créé, le 23 janvier 2021, une commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles, dont les conclusions ont été rendues en novembre 2023. Le Gouvernement a également annoncé un plan sur cinq ans, 2023-2027, afin de protéger les enfants de toutes les formes de violence, présentant un ensemble de vingt-deux actions concrètes.

La proposition de résolution que nous examinons, justement élargie en commission, cosignée par soixante-quinze députés de neuf groupes politiques différents, comporte un article unique visant à créer une commission d'enquête de trente membres. Elle sera chargée d'évaluer la situation des mineurs qui travaillent au sein des secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Il lui reviendra également de faire un état des lieux des violences qui y sont commises sur des majeurs, ainsi que d'identifier les mécanismes et les défaillances qui rendent possibles ces abus et ces violences, et d'établir, enfin, les responsabilités de chaque acteur en la matière.

J'ai moi aussi vu le film Le Consentement, et je suis intimement persuadée qu'il serait un excellent outil pour comprendre les phénomènes d'emprise, pour réfléchir à un modèle éducatif et pour formuler des recommandations sur les réponses à apporter. Car, comme le dit la rapporteure, il nous faut d'abord comprendre, analyser, et ensuite agir.

Soucieux que ce sujet ne soit pas éteint dans notre société à la suite de décennies d'aveuglement et de silence, le groupe Horizons et apparentés, touché par les nombreux témoignages – et par la récente prise de parole d'hommes qui viennent soutenir cet engagement – est certain qu'il faut agir, et agir vite. Il soutiendra donc cette proposition de résolution et se prononcera en faveur de la création d'une commission d'enquête notamment chargée de formuler des propositions concrètes pour mieux lutter contre un tel fléau. Nous espérons qu'elle pourra le faire dans des conditions à la hauteur de ce sujet grave et sensible.

Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont osé parler. Merci à tous ceux qui oseront bientôt le faire. Madame Godrèche, vous avez parlé, nous vous avons entendue.

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