Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du jeudi 2 mai 2024 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Qu'elle nous paraît lointaine, et qu'elle est proche pourtant, cette époque singulière où la libération des mœurs correspondait à la banalisation de comportements abjects de la part de créateurs ou d'artistes, indifférents aux tourments qu'ils infligeaient impunément. On ne les condamnait pas, parfois même on leur tendait le micro, parce que la morale et la vertu étaient, disait-on, une affaire de bourgeois. L'heure était à la subversion des valeurs. Rares étaient ceux qui se refusaient au nouvel ordre moral, et plus esseulés encore étaient ceux qui défendaient ces évidences que sont la dignité humaine et le respect du corps et de l'esprit.

Mesurons les stigmates laissés par ces décennies de déviance libertaire et les insondables blessures dont nous avons pu, pour certaines, prendre connaissance, mais dont la plupart seront tues à jamais : les gorges nouées, les pleurs étouffés, les éternels silences.

Mesurons l'importance du sujet qui nous réunit aujourd'hui, alors que se dissipe une cécité collective et que se fait cruellement jour l'ampleur de ce naufrage.

Fernand Braudel disait des mentalités qu'elles sont des prisons de longue durée. Et l'on voit bien, à la lumière de trop nombreux témoignages, que subsiste encore, dans certains milieux artistiques et à l'égard de certains comportements, une forme d'indulgence, quand il ne s'agit pas d'une véritable omerta organisée. Aussi la meilleure manière d'indiquer notre considération pour la parole des victimes est-elle de nous employer collectivement à comprendre les rouages de ces systèmes mortifères, afin d'y mettre un terme.

Je viens de regarder le film Le Consentement, qui décrit parfaitement les ravages du mécanisme immuable dont tant de très jeunes actrices ont été victimes – l'emprise, la complaisance des adultes.

En tant que parlementaires, il n'est pas de notre compétence d'identifier nommément les coupables, ni de les condamner. Il est en revanche de notre devoir d'appréhender en profondeur les mécanismes qui leur permettent d'agir et, parfois, de se soustraire au pouvoir judiciaire. L'exercice de cette commission sera ainsi soumis à une double exigence, difficile à tenir mais essentielle à son succès : l'indispensable respect, d'une part, de la présomption d'innocence – y compris devant des faits que nous jugeons inqualifiables, tant qu'ils ne sont pas établis par la justice – et, d'autre part, une considération totale pour le témoignage des victimes, qui se sont trop longtemps heurtées au mur du discrédit ou du dédain.

Les forteresses où ces comportements ont sévi – le milieu médical est la dernière d'entre elles – tombent heureusement l'une après l'autre. Il est grand temps que les industries du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité en fassent de même. Si cette commission d'enquête, comme nous le pensons, peut apporter sa pierre à l'édifice, elle est tout à fait salutaire. Les Républicains voteront donc naturellement en faveur de sa création et s'impliqueront résolument dans ses travaux, pour proposer des réponses efficaces et concrètes, à la hauteur de cet enjeu de société si décisif.

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