Intervention de Pr Régis Aubry

Réunion du samedi 22 avril 2023 à 21h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie

Pr Régis Aubry, membre du Comité consultatif national d'éthique :

S'agissant des mineurs, nous ne disposons d'aucune donnée. Il convient de faire preuve d'humilité. Les données de recherche relatives aux demandes d'aide active à mourir dans la population adulte s'étoffent progressivement. Ces demandes ont été analysées, quantifiées et décryptées sur le plan du sens. En revanche, il n'existe aucune donnée pédiatrique. Nous n'avions ni les moyens ni l'ambition d'émettre un avis sur cette dimension dans laquelle il convient de faire preuve de modestie et de prudence.

En ce qui concerne le délai, un médecin se trompe moins que l'intelligence artificielle. Le médecin appréhende le pronostic par la connaissance du patient. Quoi qu'il en soit, ce délai s'établit entre quelques semaines et quelques mois.

Des travaux de recherche récents ont montré que le sentiment d'indignité est également très prégnant chez les personnes atteintes de maladies chroniques ou chronicisées parce qu'elles ne peuvent plus investir leur vie antérieure, travailler et parce que leur vie personnelle est perturbée par la maladie. Ce sentiment d'indignité est mêlé d'un sentiment d'inutilité, voire d'inexistence. Ce critère d'exclusion devra être pris en compte dans l'analyse d'un désir de mort qui serait exprimé dans ces conditions.

Je plaide ardemment en faveur du développement des soins palliatifs dans les établissements médico-sociaux, hauts lieux du questionnement éthique, de sorte à extraire les patients du monde hospitalier. Il conviendra que nous nous donnions des moyens, non seulement financiers, mais également en termes de formation, d'accès à des équipes ressources et de valorisation des temps réflexifs.

Il est nécessaire de développer des politiques d'accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité, quelles que soient ces situations. Nous prodiguons du soin palliatif lorsque nous accompagnons des personnes qui vont mourir ou qui sont confrontées à des pertes successives d'indépendance, d'autonomie, etc. Ce qui est inscrit dans le projet de stratégie décennale me semble de bon aloi, car le niveau de traitement des enjeux de soins palliatifs est inédit.

Des travaux de recherche sur les directives anticipées ont montré que si l'on savait ce que l'on voulait lorsqu'on débutait la maladie ou sans être malade, plus on avançait dans la maladie, plus les certitudes évoluaient. Il importe donc de respecter cette évolution. Il s'avère donc complexe d'inscrire une demande d'aide à mourir dans des directives anticipées quand elle s'appliquerait des mois ou des années plus tard.

Il n'est pas aisé de répondre à des demandes d'aide active à mourir qui ne sont pas formulées. En revanche, il nous appartient de répondre au devoir de respect des personnes et de leur accompagnement.

Les risques de dérives existent, mais il est compliqué de les quantifier ou de les qualifier. Plusieurs travaux ont montré que, confrontés à la question des limites, certains estiment parfois que la transgression et plus éthique que le respect. Il est peut-être préférable d'expliciter les limites et de les argumenter, car il est essentiel que toute décision d'aide à mourir soit justifiée.

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