Intervention de Jocelyn Dessigny

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJocelyn Dessigny :

La proposition de loi que nous étudions mélange deux sujets différents : un enjeu d'actualité, à savoir les conditions d'octroi des crédits immobiliers en pleine crise du logement, et un autre problème, celui des pouvoirs, voire de l'utilité, d'une institution totalement inconnue des Français, le Haut Conseil de stabilité financière.

S'agissant du premier sujet, nous voyons cette proposition de loi d'un bon œil. En effet, depuis 2019, en matière de crédit immobilier, les prêteurs doivent respecter un taux d'effort de 35 %, ce qui signifie que les mensualités de remboursement de l'emprunteur, y compris l'assurance de prêt, ne doivent pas dépasser 35 % de ses revenus. Face à des prix immobiliers qui ont, ces dernières années, augmenté beaucoup plus vite que les salaires, la remontée explosive des taux a mécaniquement exclu les emprunteurs dépassant ce taux d'endettement. C'est le cas pour les primo-accédants et les investisseurs ; pour les autres, la capacité d'emprunt a fortement diminué, entraînant des abandons de projets.

La proposition de loi qui nous est soumise ne va pas révolutionner le marché de l'immobilier, ni résoudre la crise du logement en France, mais elle permettra aux établissements prêteurs de s'affranchir de la règle du taux d'effort dans certains cas précis. Dans le contexte actuel, c'est plutôt une bonne chose.

Cependant le texte a un deuxième aspect, dont nous avons longuement discuté en commission. Pour arriver au résultat que je viens d'évoquer, il est obligé d'affaiblir les pouvoirs d'une institution méconnue créée en 2013, le HCSF – énième organisme gravitant de façon plus ou moins indépendante autour de Bercy, énième démembrement de l'administration, énième exemple de la comitologie et de la complexité administrative qui sévit en France. Selon le code monétaire et financier qui organise ses missions, le HCSF est chargé d'« exerce[r] la surveillance du système financier dans son ensemble » et de veiller aux règles de bonne gouvernance. Rien que cela ! Nous sommes quelque part entre les missions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et celles de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), deux autorités administratives indépendantes qui sont déjà chargées de la stabilité financière et de la bonne gouvernance.

Quelle est donc, dès lors, la mission exacte du Haut Conseil ? En 2013, après la crise immobilière aux États-Unis, le législateur a décidé de dépouiller le ministre de l'économie d'un de ses pouvoirs, celui de dire les conditions du crédit en France. Ce pouvoir ne serait manifestement pas à la portée d'un ministre de l'économie, et les parlementaires que nous sommes, notamment les membres de la commission des finances, ne serions pas capables d'exercer notre pouvoir de contrôle de l'action du Gouvernement. Non, il faut confier ce pouvoir à des autorités indépendantes, à des hauts conseils, à des comités d'experts. Et une fois qu'il leur est confié, les experts exercent ce pouvoir qu'on leur a abandonné, d'abord d'une manière non contraignante, puis d'une manière qui l'est de plus en plus. Comme vous le savez, les décisions du HCSF sont depuis peu juridiquement contraignantes. Nous voici, nous parlementaires, dans une situation grotesque : nous discutons de la nécessité d'affaiblir le pouvoir d'un organisme inutile que nous avions nous-mêmes créé dix ans plus tôt ! Allons au bout de la logique et supprimons directement le Haut Conseil !

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