Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Nous sommes invités à débattre d'une proposition de résolution visant à la reconnaissance du génocide assyro-chaldéen perpétré par l'Empire ottoman entre 1915 et 1918. Les événements sur lesquels nous sommes amenés à nous prononcer ont douloureusement marqué l'histoire du XXe siècle.

À la fin du XIXe siècle, près de 2 millions d'Arméniens vivaient dans l'Empire ottoman et formaient la principale minorité chrétienne. Les Arméniens, considérés comme des citoyens de second ordre, vivaient dans l'insécurité et faisaient déjà l'objet de violentes répressions. Entre 1894 et 1896, plus de 200 000 d'entre eux furent massacrés. À leur arrivée au pouvoir, en 1909, les Jeunes-Turcs abandonnent l'objectif d'un Empire ottoman intégrant les minorités pour défendre un nationalisme turc fondé sur la « turquisation » de l'empire. Ce nationalisme se radicalise dès 1909 par les massacres d'Adana, au cours desquels entre 20 000 et 30 000 Arméniens seront tués.

Cette répression débouchera sur l'application, à compter de 1915, d'un véritable plan d'extermination des populations arméniennes. Au total, plus de 1 million d'Arméniens furent assassinés. Ce massacre de la population arménienne de l'Empire ottoman fut le premier génocide du XXe siècle.

Le souvenir des victimes de cette barbarie organisée ne doit pas s'effacer. Une première étape mémorielle a été franchie il y a vingt-trois ans grâce à la loi du 29 janvier 2001 – adoptée sous le gouvernement du Premier ministre Lionel Jospin –, par laquelle la France a reconnu publiquement le génocide arménien de 1915. En 2019, le Président de la République, Emmanuel Macron, a approfondi cette reconnaissance mémorielle en fixant au 24 avril la date de la commémoration annuelle du génocide arménien, en référence à la funeste journée du 24 avril 1915, qui avait marqué le point de départ du génocide. Ce jour-là, à Constantinople, près de 600 intellectuels arméniens avaient été arrêtés par les autorités ottomanes, avant d'être déportés ou assassinés.

Cette proposition de résolution invite à prolonger et à compléter la politique mémorielle de la France relative au génocide arménien en y associant la communauté assyro-chaldéenne, également victime des exactions de l'Empire ottoman. Il s'agit de prendre acte de l'histoire qui, en l'espèce, fait consensus : le génocide de la communauté assyro-chaldéenne par la puissance ottomane est avéré. En effet, au-delà de la population arménienne, plusieurs communautés chrétiennes ont été victimes de cette politique d'extermination – parmi eux, près de 250 000 Assyro-Chaldéens, soit la moitié de cette population à l'époque. Par leur caractère massif et planifié, ces massacres systématiques d'hommes, de femmes et d'enfants en raison de leur appartenance ethnique constituent effectivement un génocide.

Le groupe Socialistes et apparentés n'entend nullement, par cette proposition de résolution, influer sur les relations diplomatiques entre la France et la Turquie. Toutefois, nous estimons que la France, fidèle à son héritage et à sa tradition universaliste, doit demeurer vigilante s'agissant de la mémoire du génocide arménien. Le présent texte, en ce qu'il vise à reconnaître et à réhabiliter l'histoire et la mémoire de la communauté assyro-chaldéenne, douloureusement marquée par le génocide, nous paraît s'inscrire dans cette tradition universaliste.

Certes, nous pourrions considérer qu'en reconnaissant le génocide arménien – qui concerne non seulement les Arméniens, mais aussi l'ensemble des communautés touchées par cette politique d'extermination –, la France n'a pas ignoré la communauté assyro-chaldéenne. Cependant, ce texte a le mérite d'associer plus clairement la population assyro-chaldéenne à l'hommage rendu à tous les morts du génocide perpétré par les autorités ottomanes. C'est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de cette proposition de résolution.

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