Intervention de Véronique Besse

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Besse :

Il existe des peuples que l'histoire semble maltraiter de manière répétitive. Il existe des régions du monde où il n'est pas bon d'être chrétien. Il existe, dans l'histoire, des crimes qui confinent au génocide.

À l'heure où les Chrétiens d'Orient continuent d'être la cible de massacres et d'exactions diverses, souvent dans la plus grande indifférence, je me réjouis de l'examen de cette proposition de résolution, pour laquelle je voterai. Oui, la France doit reconnaître et condamner publiquement le génocide commis par les autorités ottomanes contre les Assyro-Chaldéens, entre 1915 et 1918. Elle s'honorerait grandement en le faisant.

Sans mémoire, nous sommes voués à revivre les mêmes drames sans jamais en tirer de leçon. Sans histoire, nous sommes voués à n'être que des pays aseptisés, sans grandeur ni culture. Sans respect pour les peuples martyrs, nous sommes complices de ceux qui veulent bafouer la liberté et cacher la vérité, et nous devenons, à nos dépens, complices de ceux qui, aujourd'hui, renouvellent les crimes barbares commis il y a cent ans.

Cent ans, qu'est-ce dans la vie d'un peuple ? Il n'est pas trop tard pour reconnaître le génocide assyro-chaldéen, bien au contraire ! À une époque où l'information se périme en vingt-quatre heures, nous devons retrouver le chemin de la mémoire. Commémorer n'est pas le fait des seuls anciens combattants. Commémorer, c'est faire entrer le passé dans notre présent pour ne jamais oublier les leçons de l'histoire.

À ceux qui hésiteraient à voter pour cette proposition de résolution, je rappelle que la tragédie génocidaire vécue en Anatolie orientale par 250 000 Assyro-Chaldéens a pris la forme, selon les propos de l'historien Joseph Yacoub, d'« une extermination massive, délibérée et concertée de la population, […] dans le but de mettre fin à toute présence non turque, au nom du djihad et de l'islamisme utilisé à cet effet ». Plus de 450 monastères et églises ont été détruits et profanés ; des écoles ont été démolies. Quand on veut rayer de la surface de la terre un peuple et sa culture, on ne s'y prend pas autrement.

Malgré les voix, notamment françaises, qui se sont élevées dans les années qui suivirent ces massacres, les Assyro-Chaldéens ont souffert du silence coupable qui a entouré ce drame pendant une partie du XXe siècle. Reconnaître ce génocide, c'est donc faire revivre cette mémoire enfouie. C'est nécessaire et utile, car cela nous aidera à agir en conséquence. En effet, commémorer les victimes d'hier ne doit pas nous empêcher de voir celles d'aujourd'hui, qui sont les héritières directes des Assyro-Chaldéens massacrés il y a cent ans. Je parle, évidemment, des Chrétiens d'Orient.

De fait, le génocide des Assyro-Chaldéens n'a pas abouti à la protection des populations chrétiennes du Moyen-Orient, bien au contraire : leur calvaire n'en finit pas. Le manque de reconnaissance de ce génocide met à mal la visibilité d'un phénomène qui dure : la persécution des minorités chrétiennes par différents pouvoirs ou groupes terroristes depuis plusieurs décennies.

Reconnaître ce crime du passé, c'est dire aux victimes actuelles que la France ne les oublie pas. La France, protectrice des Chrétiens d'Orient depuis des siècles, doit poursuivre cette mission, par honneur et par principe. Les chrétiens représentent le groupe humain le plus persécuté dans le monde. Agissons en conséquence !

Je ne peux évoquer un génocide dans cet hémicycle sans me demander quand la France elle-même saura regarder en face son histoire, toute son histoire. Si notre pays prend le temps de reconnaître des génocides perpétrés à l'étranger, qu'attend-il pour passer sa propre histoire au tamis de la vérité ? En tant que Vendéenne et députée de la Vendée, je m'interroge : qu'attendons-nous pour regarder en face ce qui s'est passé dans ce département, l'histoire douloureuse de la Vendée ?

J'entends déjà la fureur des chantres de la Terreur clamer les bienfaits de la Révolution française. Pourtant, seule l'honnêteté intellectuelle doit nous guider. Peu importe que ces massacres aient été commis il y a plus de 300 ans : les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles. Les crimes commis en Vendée entre 1793 et 1795 doivent être reconnus.

La France ne sera plus grande et plus forte que si elle admet l'horreur commise contre sa propre population par le pouvoir révolutionnaire. Alors, elle pourra redevenir le généreux avocat de la cause des plus faibles, des populations martyres, des pays occupés.

Prenons le temps de regarder avec humilité l'histoire vendéenne, qui fait partie intégrante de l'histoire de France. Aujourd'hui, nous allons inscrire le génocide assyro-chaldéen dans le marbre de la mémoire ; demain, je l'espère, nous y inscrirons le génocide vendéen.

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